Erykah Badu « New AmErykah part two : Return of the Ankh » @@@@½


Une femme sait se faire attendre. Erykah nous a fait languir deux longues années depuis 4th World War (lire la chronique), avec cette promesse d’une suite : Return of the Ankh (Control Freaq Records/ Universal Motown). C’est-à-dire que durant ce hiatus, notre déesse de la NuSoul a mis au monde son troisième enfant, fruit de son union avec Jay Electronica.

Quant aux adeptes du baduisme, ils trouveront de la nourriture pour leurs esprits avec cette offrande divine, en commençant par la contemplation des détails de l’illustration de son livret entre psychédélisme, symbolisme et vieille SF, sur laquelle Erykah Badu est une androïde en cours d’émancipation.

Il ne suffit que de quelques secondes pour comprendre pourquoi voue-t-on un culte à Erykah Badu. Elle possède ce pouvoir indescriptible, comme celui d’attirer ou rendre fou parmi les meilleurs hommes et artistes de la planète (Andre 3000, Common, The D.O.C., Jay Electronica…), de sublimer son art en tant que chanteuse et musicienne et plus avec sa passion pour la peinture. Et de captiver son auditoire comme elle jetterai un sort de prêtresse vaudou. Ici, un vrombissement ondulant vers les aigus ouvre sur les notes graves de « 20 Feet Tall ». Instantanément, le grain de voix et l’amertume des textes d’Erykah atteignent leur dimension spirituelle, à la hauteur de notre interprète : immense. La composition acoustique est l’oeuvre du claviériste James Poyser, son joker qui la suit depuis ses débuts et musicien incontournable de la mouvance Soulquarian, qui rejoue un instru à la base produit par 9th Wonder. En fond, on entend un bruit de grincement, comme un rocking-chair qui se balance.

Puis il y a ce « Window Seat », limpide et lumineux, orchestré par James Poyer et ?uestlove. La polémique? Quelle polémique ? Si Erykah veut se filmer nue sur le lieu de l’assassinat de JFK, c’est qu’un message s’y cache derrière… A cette irradiation s’ajoute un groove pénétrant qui nous accompagne tout le long de Return of the Ankh : de « Take Me Away (Get MuNNY) » à « Fall In Love ». Pour avoir tant d’idées lumineuses, il faut s’entourer de génies de la lampe : James Poyser aux claviers, ?uestlove ou Karriem Riggins à la batterie, Mike Chav (producteur co-éxécutif) pour la prog, Madlib le ‘sampleriste’, Shafiq Husayn le partenaire créatif des Sa-Ra, Stephen ‘Thunderbass’ Bruner, bret tous les contributeurs sans exception… Loin d’être anecdotique, la présence (spécifiée par le terme ‘featuring’) de la harpiste Kirsten Agnesta sur « Incense » venant sanctifier un instrumental de Madlib. La voix d’Erykah s’y transforme magiquement en une fumée qui s’élève jusque dans notre être intérieur pour l’appesantir.

Six des chansons reprennent des samples ou les interpolent d’une certaine manière à recréer tout un habillage neuf autour, ce qui rajoute un peu plus de trip et de supplément d’âme. Même lorsqu’elle provient d’une oeuvre posthume car oui, c’est bel et bien un instru de J Dilla qui est repris pour « Love », relevé par des moogs et des adlibs qui ne font que durer le plaisir. Un autre producteur de Detroit s’illustre à son tour, Ta’Raach et ses Lovelution sur le smoothie « Gone Baby, Don’t Be Long », addictif à souhait. Il est vrai que les grésillements d’un vinyle ne font que rendre plus parfait le charme et l’élégance d’Erykah, comme cet échantillon d’Eddie Kendricks, son standard « Intimate Friends », sur « Fall in Love (your funeral) ». Elle réinvente la NuSoul à chaque album, comme si son émancipation suivait plusieurs métamorphoses.

Les thèmes abordés par Erykah Badu sont centrés autour de son coeur, intouchable au demeurant mais pas moins sans sensibilité profonde. Altruiste et militante, généreuse, pourtant nombre de ses partenaires peuvent se brûler les ailes à son contact, à leurs risques et périls (« Fall in Love »). Elle apprécie l’amour qu’on lui donne, elle adore y goûter (« Umm Hmm », « Love ») mais quand elle termine cet album par une chanson sur les dégâts psychologiques que lui provoque une rupture, il lui faut dix minutes partitionnée en trois mouvements (« Out My Mind, Just In Time » co-produite par Georgia Ann Muldrow) pour exprimer son malaise intérieur et ses plaintes douloureuses. Ni Dieu, ni Maître, ni Homme.

iTunes bonus track:

7 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Nass' dit :

    Ce 2e épisode titille son chef-d’oeuvre absolu qu’est Baduizm. « Gone Baby, Don’t Be Long » est, comme mentionné dans la chronique, sujet à provoquer une importante dépendance auditive

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  2. Fat dit :

    Salut !
    on m’a passé le lien de ton blog pour ta chronique de NA II (oui oui j’suis une dingue de Badu ^^).
    Bien sympa ! on te sens possédé ^^.

    Je me permet aussi répondre à la question de theChronic1986 :
    ça dépend si il est plus soul ou plus groovy. Moi je suis une inconditionnelle de Baduizm, soul. Mais peut-être que Mama’s Gun pour commencer c’est plus groovy.

    Bonne continuation !

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  3. theChronic1986 dit :

    Cet album donne envie !
    Juste une question, en sachant que je n’ai pas encore écouté Badu, est-ce le bon album pour débuter ? Faut-il préalablement écouté « New Amerykha Part 1 » ou autre chose ?

    Merci

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    1. Sagittarius dit :

      commence par le début avec Baduizm ;)

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  4. Chabadaaa dit :

    Bel album et chronique bien écrite.
    Sinon pour l’été qui arrive, pourquoi pas un peu de pop électro anglaise ? L’’album de Wave Machines sort justement enfin en France. Une pépite fraîche et légère, venue de Liverpool.
    Pour voir leur nouveau clip « Keep the Lights On », basé sur une chorégraphie étonnante et originale :
    http://www.youtube.com/watch?v=feo3phdlC9Q
    Enjoy !

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  5. Swen dit :

    Sublime album encore une fois qui me fait particulièrement plaisir puisque, étrangement, le premier opus de la série des New Amerikah est le seul album de Badu que n’ai pas apprécié. J’étais donc sceptique mais mes inquiétudes se sont largement envolées au vu du travail(de qualité) fourni sur ce projet.
    Comme tu l’as dit, on retrouve des ambiances assez similaires à son chef-d’œuvre Baduizm. Mention spéciale à Umm Hmm, Window Seat évidemment et à Incence avec une prod splendide de Madlib.
    Déçu cependant de Love, je trouve le morceau sans grand intérêt, répétitif et la prod est quelconque.
    Bref, très bonne chronique pour un album qui l’est tout autant!

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  6. MurPhyBrandNew dit :

    Tu résume trés bien le personnage de Miss Badu!!! Elle resussit tous le temp à nous charmer et cette album ne fait que confirmer son statut de reine de la NuSoul!!!
    Mention speciale à « Take Me Away (Get MuNNY) » avec qui elle s’approprie merveilleusement bien le « Get Money » des Junior Mafia!!! Et mention spéciale à toi qui fait toujours de bonne chronique!!!

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