Ce n’est pas Sagittarius qui écrit, mais le fan des Neptunes depuis 1999 : ‘Kaleidoscope’ de Kelis a été pour un moi un électrochoc aux effets irréversibles. Depuis, je me suis interessé de près à ce duo de producteurs originaire de Virginia Beach, dont il serait inutile de retracer le parcours. Quoique…
Chronique originale écrite le 29 Juillet 2006
Bref, venons-en directement à qui nous intéresse : l’album de Pharrell Williams, l’auteur/ compositeur/ interprète et moitié des Neptunes. Producteur, rappeur, chanteur, instrumentiste (batterie, piano, synthétiseur, …) dont certains n’hésitent pas à reconnaître en lui un génie artistique. Avec Chad Hugo, il a réalisé parmi les plus gros tubes rap et r&b de ces dix dernières années, chantant ses refrains accrocheurs et aigus aux côtés de NORE, Jay-Z, Mariah Carey, Beenie Man, Snoop Dogg, Nelly, ODB, et même Britney Spears et Justin Timberlake. Bref, que des rappels.
Comme beaucoup, je fais partie de ceux qui attendaient de pied ferme ce premier essai non pas depuis Décembre (date de sortie officiellement repoussée jusqu’à ce mois de Juillet), mais depuis cet été 2003, à cause de ce fameux « Frontin » avec Jigga. Une première tentative en solo qui se retrouvait sur la compilation ‘The Clones’ qui a laissé ses marques, et qui a émulé son public fidèle. Pourtant, s’essayer au chant est un exercice auquel Pharrell était déjà habitué auparavant, puisqu’il le faisait déjà sur ‘In Search Of…’ des N.E.R.D.. En ce qui concerne le rap, n’allez pas croire que c’est récent, surtout si vous vous basez sur ses featurings sur les derniers albums de Snoop Dogg (‘R&G The Masterpiece’) et Slim Thug (‘Already Platinum’), deux disques co-produits par les Neptunes. Pharrell rappait déjà à ses débuts, il suffira de vous écouter « Roller Rink » qui date du premier disque de Kelis.
Enfin bon, il aura fallu tout de même attendre trois années depuis « Frontin » avant de voir débarquer ‘In my mind’ (Star Trak/Virgin). Et d’abord, un point super important : c’est Pharrell lui et lui seul qui s’(auto)produit, sans aucune aide extérieure, pas même celle de Chad ! Deux singles ont été lancés le dernier trimestre 2005 histoire de faire monter le buzz. « Can I Have It Like That » m’a surpris, pas forcément par sa production avant-gardiste (et le petit passage qui ressemble à du RZA), par le fait que ça y est, il se lance enfin en solitaire ! Enfin à moitié vu que Gwen Stefani rend la réplique sur le refrain. D’ailleurs pour l’anecdote, vous vous souvenez de cette fameuse rumeur de beat à 2 millions de dollars ? Bah apparemment il se serait agit de celui-là… Moi-même j’avoue que ça reste tiré par les cheveux et un peu excessif. Toujours est-il que Pharrell nous a pris à contre-pied en montrant sa facette de rappeur sur ce premier extrait, son alter-ego Skateboard P.
J’étais assez fier qu’un de mes artistes favoris soit interviewé pour Rap2K, et ça m’a rendu dingue voire jaloux vu que j’avais loupé le rendez-vous. Pas grave… je fus consolé avec « Angel », montrant cette fois son côté chanteur et ses talents de pianistes. Court mais intense. Ensuite il a fallu attendre jusqu’à ce lundi 26 Juillet 2006. La trackliste annoncée sur les sites du bonhomme est différente de celle au dos du boîtier : il n’y a plus « Mama Cita » avec Daddy Yankee, les titres ne sont pas pareils… C’est là que je me suis dit que les mois d’attentes ont servi à retravailler son album par souci de perfectionnisme. La présence du superproducteur Kanye West aux côtés de Pharrell, c’en fut presque étonnant de réunir ces deux hommes sur « Number One » (chronique d’un summer hit annoncé). C’est comme si on associait par exemple Dr Dre et Timbaland. D’éminents producteurs en vogue mais qui, faut l’admettre, ne cassent pas la baraque derrière le micro. Mais je kiffe bien ce morceau, comme si c’était un cadeau inattendu. Détail amusant : ils font partie des mecs les mieux habillés du Hip Hop : d’un côté le Louis Vuitton Don et de l’autre l’homme le mieux sappé de l’année (la première page du magasine Citizen K aux côtés de Catherine Deneuve, c’est pas rien).
Après une bonne douzaine d’écoutes (avec quelques pauses entre, je ne suis pas oune machine), voici à peu près ce que j’en pense : pas si extraordinaire que prévu. Le seul plaisir que j’ai eu véritablement c’était que chaque morceau était une petite découverte, mais il manquait à chaque fois un petit grain de folie propre aux Neptunes. Il manque Chad. Lorsque j’ai écouté les morceaux de Skateboard P, plus spécialement « Raspy Sh*t » et « Keep It Playa », j’ai pas trouvé ça génial. Le flow est fluide mais monocorde et les productions standards, seul le feat de Slim Thug redonne un gain d’intérêt à la limite. Ce n’est pas vraiment un renouvellement, surtout quand P reprend une partie de son couplet de « Drop It Like It’s Hot » pour son refrain. Et puis un quinzième titre inédit (« Show You How To Hustle »), c’est chouette, je ne connaissais pas Lauren, mais ça ne m’a pas transcendé.
Cela ne me vexerait pas qu’on me dise que Pharrell fasse de la pop rap/r&b, c’est pas si faux. Après tout, ce n’est pas un homme de texte, même s’il joue beaucoup sur les métaphores. « That Girl » et « Stay With Me », qui invitent respectivement un Snoop Dogg pas si absent et Pusha T des Clipse, jouent sur des beats originaux pour palier un côté un poil soft. À noter que Charlie Wilson ne passe pas inaperçu sur « That Girl » (il aurait mieux fait d’être crédité à la place de Snoop). En tout cas, c’est le genre de sujet qui rappelle que Pharrell est un célibataire très convoité. Là où il paraît plus éveillé, c’est sur « How Does It Feel » et son instrumental intersidéral. Pourquoi cet adjectif cosmique ? Simplement parce que curieusement ça m’évoquait des dessins animés japonais futuristes du style Albator. Les synthés y sont vraiment pour quelque chose, surtout ceux en fond, légers et discrets mais qui ont leur importance. « Best Friend » est pas mal non plus, et on en sait un peu plus ce qu’il se passe dans la tête de Pharrell Williams lorsqu’il parle de son vécu et de ses relations, notamment avec son binôme Chad Hugo. Que dire concernant le superbe « You Can Do It Too » avec Jamie Cullum, les violons aériens font littéralement planer tandis que la batterie donne un caractère jazz au morceau.
‘In my mind’ ne cache pas les influences des grands artistes de la pop ou de la funk/soul. Par exemple la mélodie violonnesque sur « Young Girl » m’a trop fait penser à « Papa Don’t Preach » de Madonna, ça date ! Une bonne chanson quoique lassante sur la longueur, au même titre que le falsetto poussif de Pharrell, heureusement que Jay-Z (il est pas censé être à la retraite lui ?) et son flow légendaire assure. C’est tant mieux, ça donne de l’exclusivité. Enchaîne de suite « I Really Like You Girl » qui fait penser à du Justin Timberlake qui imite Micheal Jackson. Et c’est encore plus frappant sur la ballade « Take It Off (Dim The Lights) », où Pharrel est carrément transfiguré. Un truc qui m’a interpellé, pour en revenir à « I Really Like You Girl », c’est le petit air d’harmonica improvisé qui ressemble étrangement à du Stevie Wonder. La palme revient à « Baby » feat Nelly : on dirait du Prince tout craché ! Le beat asymétrique, la guitare électrique qui transpire les phéromones, les synthés néorétro, les vocalises qui montent dans les aigus, le beat bouncy suggestif au refrain… Wow.
Une chose m’a énervé sur cet album, cette désagréable impression que tout le disque a été fait avec une boîte à rythme et un synthé multifonction. Cela dit, si ça ne tenait qu’à moi, j’aurais mis un 15 voire un 16 de manière totalement subjective mais l’esprit critique constamment en éveil m’a fait revoir cette évaluation à la baisse. Pour résumé ‘In my mind’ en deux trois lignes, je crois qu’en fait c’est un album d’un fan de musique destiné aux fans de Pharrell Williams. Ce n’est pas véritablement un rappeur, ni un chanteur proprement dit, juste un artiste qui fait met son imagination et ses envies dans ses créations musicales. ‘In my mind’ est très personnel et spontané pour ne pas dire thérapeutique, et il faut croire que Pharrell se cherche encore…
Mince, j’crois que j’ai tapé ma plus longue chronique à ce jour (ex aequo peut-être avec celle de Gnarls Barkley). Mais de toute façon, j’me dis que y a que la note qui intéresse les gens. C’est blasant quelque part…