Jurassic 5 « Feedback » @@@@


Avec Feedback (Interscope/Polydor), qui de par son titre résonne avec les sources du rap, les Jurassic 5 n’en sont pas à leur coup d’essai. Akil, DJ NuMark, Chali 2na, Mark 7 et Soup font même partie des piliers de la scène « underground » californienne (à l’instar de groupes comme Dilated Peoples, Ugly Duckling et bien d’autres), Cut Chemist en moins pour cette quatrième chevauchée. Par le terme abusif d’underground, il faut donc comprendre que Jurassic 5, malgré son appartenance à la côte ensoleillée rendu célèbre par NWA, ne verse pas dans le gangsta rap. Une particularité, qui à leurs débuts (ni même aujourd’hui, du reste), n’allaient pas forcément de soi pour les jeunes artistes californiens. Fortement apprécié par les anciens backpackers (maintenant appelés puristes…), J-5 n’a pas manqué de provoquer l’excitation des amoureux de Hip Hop (j’aime mieux les appeler ainsi) en annonçant un nouvel opus. Et pour cause.

Chronique originale écrite le 12 Aout 2006

La question globale posée par cet album est la suivante : comment aller puiser au plus profond les richesses de la musique pour en retirer le meilleur ? Mieux : comment aller à la rencontre des ancêtres du rap pour proposer une musique terriblement actuelle ? A ces différentes interrogations, les J-5 répondent sans complexe par un revers de la main, et posent sur la table leurs stylos, leurs carnets de lyrics, deux platines, un sampler…et font de la musique avec une énorme dose de talent. On les accuse d’être « puristes » et de faire de la musique pour une supposée « élite » d’auditeurs ? Les Jurassic 5 invitent un producteur à succès fortement décrié par ce type de public et accouchent ensemble d’un titre accrocheur et irréprochable (« Brown Girl », servi sur un plateau par Scott Storch). Belle façon de montrer qu’on peut tenter le crossover tout debout, et en préservant son intégrité. Parmi les beatmakers invités, Salaam Remi se taille une belle part du morceau avec trois tracks coups de poings imparables : « Radio », « Get it together » et « End up like this » (les deux derniers sur des samples du soulman Marvin Gaye). La majorité des titres restants sont l’œuvre (et le mot prend toute son ampleur à l’écoute des pistes) de DJ NuMark, qui fait preuve d’une dextérité et d’une inspiration presque insolentes, mais pas surprenantes de la part d’une tel monstre. Soul profonde sur « Gotta Understand » (Bean One samplant Curtis Mayfield), ou « Baby Please » (Exile face à Al Green), funk sur « In the house », rap old school sur « Radio » et le furieux « Turn it out », les racines du Hip Hip actuel sont toujours malaxées, digérées et soigneusement recomposées pour une restitution aussi fidèle qu’innovante, aussi explosive que soyeuse.

Composé de seize titres dont aucun n’est à laisser de côté, ce retour de Jurassic 5 marque un renouveau dans la carrière de l’un des trésors les mieux gardés de la Côte Ouest. Avec le chant déjanté de Chali 2na, le rap précis des emcees qui constituent le crew et les productions sans faute de NuMark (bien épaulé par les guests de choix), le combo semble avoir trouvé la formule idéale pour offrir à ses fans (et on peut imaginer qu’avec un tel opus, beaucoup viendront gonfler les rangs) quelques moments de magie éphémère à revivre à chaque écoute. A l’image de l’excellent « Work it out » (ft. Dave Matthews Band), on navigue de temps à autres dans l’anachronisme, mais le son s’inscrit inlassablement dans la renaissance de la musique, dont le Hip Hop s’est toujours porté garant. Si vous avez tout compris, vous êtes déjà sur le chemin de chez votre disquaire, dans le cas contraire, vous pouvez définitivement arrêter d’y aller.

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