Quittant Atlantic pour Def Jam, Fabolous a vu dans ce transfert de label l’opportunité de jouer cartes sur table. Avec From Nothin To Somethin, le quatrième LP du rappeur de Desert Storm (label de DJ Clue), tous les atouts ont été mis de son côté pour lui donner un maximum de chance de rafler la mise et pouvoir décrocher un nouveau disque de platine. Dire qu’il avait de sacrés jetons à placer dans le rap game : des featurings très sélects (Jay-Z, Ne-Yo, Rihanna, Swizz Beatz, Lloyd, Lil Mo, Akon, Young Jeezy, Pusha T des Clipse,…), ses homies (Joe Budden, Paul Cain, Uncle Murda, Red Café) et des poids lourd de la production (Timbaland, Jermaine Dupri, Just Blaze, Polow Da Don, Don Cannon), pour une orgie de hits. Il ne manquait que le feat de Lil Wayne conventionnel pour tenter une quinte flush royale.
L’introduction est de bon augure. Fabolous donne l’impression d’être sur le retour en force, avec un flow plus vif, mais dès la deuxième piste, « Yep I’m Back », son seul titre en solo, ça se gâte précocement. C’est reparti pour une flopée de chansonnettes rhythm’n blues, à commencer par Akon qui lui sert un « Change Up » exsangue de substance, puis la moitié de tube « Make Me Better » avec un Ne-Yo qui crève la baraque sur une production totalement quelconque de Timbaland, puis l’assommant « Baby Don’t Go » avec T-Pain si vous en avez pas marre de l’autotune, sur un instru sans inspiration de Jermaine Dupri. Pour en revenir à Fabolous, complètement dépassé par ses invités de marque, ce n’est point parce que son flow paraît vivifié que son ton n’est plus monocorde, n’allez pas croire qu’une telle chose était possible. Après le potable « Gangsta Don’t Play » (feat Junior Reid), Lloyd débarque avec sa virilité innée pour faire trembler sa fluette luette sur « Real Playa Like », avec cette fois un beat plus à notre convenance. Rihanna vient chanter le refrain de « The First Time », où Fabolous raconte la toute première fois qu’il a trempé sa nouille avec sa petite amie, avec le même romantisme douteux que j’ai pu user dans cette phrase (moqueuse). Mais From Nothin To Somethin s’achève par le coup de grâce, « What Should I Do ? » avec sa copine Lil Mo. Tous ceux qui se projetaient l’idée d’un opus du même gabarit que Real Talk (dont tout le monde s’accorde à penser qu’il s’agit de son meilleur à ce jour) se sont sentis floués. Et malgré les arguments commerciaux qu’avançaient ce disque, avec la foule d’invités populaires qu’elle contient, il n’a pas décroché mieux qu’un insignifiant disque d’or. Au poker, on appellerait ça un coup de bluff raté. Fabolous est retombé dans les méandres édulcorés d’un rap’n b mainstream assez faiblard. From Nothin’ To Somethin’ est une sorte de Street Dreams 2 en moins distrayant qui aurait pu s’appeler Too Much Things For Almost Nothing.
Il n’y a rien à faire, Fabolous semble toujours être un rookie étroitement assisté qui essaie vaille que vaille de s’immiscer dans la cour des grands. Ce n’est pas un Just Blaze fatigué qui va le relancer sur « Return of the Hustle » (qui invite Swizz Beatz singer le refrain de « CREAM »), franchement moins percutant que « Breathe ». Pour trouver un morceau Eastcoast digne de ce nom, il faut aller sans attendre sur l’énorme « Brooklyn », sur lequel Fabolous se fait voler la vedette par Jay-Z en personne et son nouveau protégé Uncle Murda. Mais mis à part ces deux morceaux, rien de bien new-yorkais (en dehors du titre bonus « This Is Family » feat Ransom, Joe Budden, Paul Cain & Red Café). Les mordus de son sudiste pourront se satisfaire de « Diamonds » avec Young Jeezy ou alors « I’m the Man » sur un beat typé Dirty South. C’est lassant et très moyen en tout cas.
(chronique écrite le 7 Août 2008 )