Skyzoo, l’un des plus brillants lyricistes de sa génération nous gratifie d’un album sophomore, The Dream Deferred. Le natif de Brooklyn découvert par 9th Wonder poursuit son émancipation en tant que MC ainsi que son indépendance vis-à-vis de Jamla Records, en fondant notamment son propre label The Faculty sous l’égide de Duck Down Records. Arrivera-t-il à trouver ses nouvelles marques ?
Premier morceau, « Dream in a Basement » nous introduit le thème de l’album. L’adulte se revoit quand il était gosse, les rêves plein d’espoir qu’il avait, et les désillusions d’aujourd’hui le rendent nostalgique de cette jeunesse innocente, parce que peut-être que dans le fond, repenser à ces rêves pourra lui donner de nouveau la force de croire que les choses seront plus positives. Le talent du rappeur, il est là. Il est capable dans ses textes très sincères d’associer une situation à un état d’esprit sans user d’un vocabulaire alambiqué sinon par des métaphores et des formulations bien à lui. La voix de Jill Scott apporte unes sensibilité et une mélancolie très émouvante à ce morceau.
Tout ça pour dire que l’écriture de Skyzoo a gagné en maturité et son flow est plus arrondi. Le single « Jansport Strings » produit par 9th Wonder, dédicacé au membre des Native Tongue Chi-Ali libéré récemment après douze années de prison (et qui figure sur le remix), et « The Rage of Roemello » sont de très bons exemples soulignant ces progrès. La liste de producteurs (Illmind, Khalil, Black Milk, Eric G, Focus…) qui ont planché six mois durant sur cet album avec Skyzoo ont fait du bon travail, bien qu’Illmind semble bien moins inspiré que sur Live From the Tape Deck. Le beatmaker signe cinq instrus dont « Pockets Full » avec la très bonne collaboration de Freeway. Les idées ne manquent pourtant pas, il expérimente sur « Give It Up » (feat DJ Prince) un beat que lui et Skyzoo qualifient de ‘boom trap’, bien qu’on reconnaîtra plutôt du dubstep dans ce mix de boom-bap et trap muzik… Mais quel dommage que l’ambiance ne soit pas au beau fixe. Que ce soit voulu ou non, cette amertume pesante dans les prods plaît moins. Même constat pour Best Kept Secret (« How To Make Through Hysteria« ) et Black Milk (« Steel’s Apartment« ). Ses dons de narrateur sont moins en valeur dans ces conditions.
A Dream Deferred souffre en conséquent d’un passage à vide vers le milieu de l’album que « Range Rover Rhythm » conçu par Jahlil Beats parvient à surmonter. Des titres teintés de rhythm’n blues, « Drew & Derwin » conviant Raheem Devaughn et « Realization » feat Jared Evan, apportent une lueur de groove bienvenue pour réchauffer l’atmosphère. Les deux derniers morceaux achèvent l’écoute sur une note positive. Entre hommage et lyricisme de haute volée, « Spike Lee Was My Hero » invite le MC de Brooklyn le plus plébiscité du moment (après Jay-Z évidemment), à savoir Talib Kweli. « Cost of Sleep » boucle le thème de cet opus de manière plus apaisante, comme un sommeil mérité après cevirage du second album bien négocié mais qui n’occultera pas le fabuleux souvenir de The Salvation.