Pete isn’t trying to save the World, just Hip Hop…
Soul Survivor est revenu en 2004 son second volume paru chez BBE Records, six ans après le premier volet qui figurait des pointures de taille comme Big Pun, Kurupt, MC Eiht, Black Thought… À une période où le mouvement hip-hop à NYC commençait à se trouver dans une mauvaise posture, cette nouvelle compilation se voulait instructive et salvatrice, un veritable retour aux principes hip-hop de base sans tomber dans des vieilleries nostalgiques et rébarbatives. Libre à nous de s’en inspirer, Pete n’est pas là pour nous tirer les oreilles mais plutôt pour les distraire.
C’est toujours un vrai plaisir de (re)écouter ce Soul Survivor II d’abord grâce à ses instrumentaux magiques, suivant une optique hip hop agrémenté de lignes de basse jazzy ou samples de de soul dopés par des beats inspirés et efficaces. Son style légèrement épuré a bien évolué au fil des années mais son empreinte reste la même, qui plus est, résolument moderne et toujours pas dépassé, avec toujours ses refrains et cette petite outro musicale à chaque fin de chanson. Grand architecte de l’Âge d’Or du Hip-Hop, Pete Rock a su s’adapter malgré une sélection ‘naturelle’ assez rude : c’est un survivant.
En parlant de sélection, les invités sont de marque, MC et chanteurs soul, de Pharoahe Monch à Slum Village en passant par les cousins GZA & RZA, Talib Kweli et J Dilla. Que des représentants d’un hip hop naturel et frais, la génération de ceux qui font avancer le mouvement à leur manière sans tomber dans les stéréotypes médiatiques. Une sorte de troupe, une vague d’artistes même, courant vers ce Graal : conserver un hip hop originel, ne serait-ce que pendant une heure d’écoute. Une quête de vérité décrite par le poète Black Ice (le gagnant du premier concours Def Jam Poetry, NdR) sur l’introduction « Truth Is« .
Prenons exemple sur Krumbsnatcha, ce rappeur de Boston découvert par les Gangstarr et dernier représentant du studio D&D (RIP), montrant du doigt les « Beefs » pris à la légère (ou trop au sérieux) qui terminent dans le sang. Plus turbulent, Skillz brise les formatages et clichés du rap actuel pour revenir aux vraies bases : « One MC, One DJ« . « Warzone » est une démonstration de la versatilité de Pete Rock, confectionnant un beat up-tempo à la boucle de piano stressante, parfaite pour les radicaux des dead prez. Les rappeurs connaissent leurs sujets sur le bout des doigts dans cet état d’urgence, posant tous chacun des très bons couplets (finissant chaque rimes par « in the club ») pour ce projet qui n’a pas pour but de finir comme une simple compilation de producteur juste là pour montrer ce dont il est capable.
Les représentants new-yorkais (Talib, Pharoahe…) se partagent les instrumentaux avec les natifs de Detroit les Slum Village pris séparément de leur producteur historique J Dilla (respectivement « Da Villa » et « Niggaz Know« ), un peu dommage de ne pas les avoir justement réunis. La Caroline du Nord elle aussi est dans la place avec les Little Brother sur le superbe morceau soul hop « Give It To Ya« . Plus Soul encore, la voix de Leela James est juste magnifique sur « No Tears« . Les performances du canadien Kardinal Offishall et Postaboy sont en dessous du lot, pas grave, on se consolera avec les prods funkys sur lesquelles ils posent chacun.
L’atout majeure reste bien sûr la présence de CL Smooth, posant sur trois morceaux dont le premier single « Appreciate » : pour deux hommes que l’on croyait brouillés depuis The Main Ingredient, l’harmonie entre le rappeur et le producteur a su demeurer intacte, comme quand l’utile rejoint l’agréable. CL rappe aussi sur le refrain du cosmique « Fly Till I Die » en compagnie de Talib Kweli et le sublime « It’s A Love Thing » qui rappelle les belles heures de Pete Rock & CL Smooth.
Heureusement que des labels comme BBE soient là pour perpétuer les principes et les fondements d’un hip-hop Eastcoast en perdition. Pete Rock lui, perpétue son propre mythe de Soul Brother, nous gratifiant une nouvelle fois d’une compilation haute fidélité intemporelle.