Dans les archives mémorielles des cinéphiles avertis, Lauryn Hill a sûrement laissé une trace rétinienne et auditive avec Sister Act, Act II aux côtés de Whoopy Goldberg en 1993. Pour beaucoup d’autres, l’envoûtement s’est produit l’été 96, toujours émus par cette splendide reprise de « Killing Me Softly » de Roberta Flack par les Fugees, devenue aussi incontournable que l’originale. Impatients de voir éclore une future grande artiste de la musique afro-américaine, il aura fallu d’abord languir deux années après le succès international de The Score avant de voir cette nouvelle reine de la Soul et du Hip Hop s’émanciper et prendre son envol avec un premier album solo, The Miseducation of Lauryn Hill.
Lauryn a ce quelque chose de mystique en elle, une aura qui émane de cette peau couleur ébène, cet irrésistible pouvoir attracteur qui se pose sur n’importe quel individu croisant son regard et cette voix magnifique capable de communiquer une foule d’émotions et de sentiments. C’est toute cette magie et cette personnalité qui est dépeinte sur ce premier album, au travers d’une musique mise en exergue par Che Guevarra et James Poyser, grand gourou de la Nusoul. Sur le plan de l’interprétation, Lauryn Hill est indéniablement une chanteuse à la sensibilité rare, capable de changer la forme en flow rap. « Lost Ones » et « Doo Wop (That Thing) » sont de parfaits exemples de cette ambivalence, deux chansons qui représentent Lauryn telle une rose qui a grandit dans les ghettos de New-York, avec la musique soul et reggae comme seule école de musique. « To Zion » retranscrit justement cette vibe issue de son héritage reggae, d’ailleurs ce titre est dédié à son fils Zion qu’elle a eu avec son mari Rohan Marley (un des nombreux fils de Bob Marley). Le guitariste de renom Carlos Santana a même fait le déplacement à Kingston pour enregistrer ce morceau avec la chanteuse.
Hip Hop et Soul muté en Nusoul sont les styles prédominants de The Miseducation Of, et c’est naturellement que l’on retrouve la Queen of Hip Hop Soul Mary J Blige en personne en featuring sur « I Used To Love Him ». Autre splendide duo, « Nothing Even Matters », avec l’ambassadeur masculin de la Nusoul, D’Angelo. Pour en revenir au vif du sujet, le contre-balancement entre Hip Hop et Soul, « Everything Is Everything » l’a marqué visuellement dans le clip, où la ville tourne au dessus d’une platine vinyle géante, quant au superbe slow-jam addictif « Ex-Factor », elle utilise un sample rejoué de « Can’t It Be So Simple », qui n’est pas sans rappeller un grand classique du Wu-Tang Clan.
The Miseducation of Lauryn Hill a définitivement marqué l’année 1999, un succès critique et commercial (huit fois disque de platine aux Etats-Unis), couronné par pas moins de cinq récompenses aux Grammy Awards, dont celui de l’album de l’année 1999. Et à titre officieux, celui de la Femme de l’année. À posséder ABSOLUMENT dans toutes les bonnes discothèques.