Il s’est passé trop de choses durant ce moment suspendu des confinements consécutifs et la sortie de pandémie de COVID. Par exemple, Snoop Dogg. En moins de trois mois, il a réussi à sortir un album compilation chez Def Jam en Novembre 2021, puis racheter Death Row Records tout de suite après, en relançant la machine avec un autre album, solo, en Février 2022 titré BODR. Très nonchalant, mais hyperactif papy Snoopy. Voici une double chronique pour retracer ces deux étapes importantes.
ALGORITHM (2021)
Comme si Snoop Dogg n’avait déjà pas 36 activités à gérer, il avait d’abord surpris son monde en signant un contrat de consultant artistique chez l’historique label Def Jam, longtemps perçu comme LE label rap incontournable des années 80-90-2000. Poser une Converse dans ce building est une forme de reconnaissance en soi. Ni une ni deux, Snoop embraie avec un album-compilation, Algorithm, sorte de jukebox de nouveautés avec des instrus teintées de soleil californien et une pléthore d’artistes rap et r&b, rookies comme expérimentés. Et ça commence par une chouette surprise, une réunion de Method Man & Redman sur une prod de Battlecat (« Alright »), avant de proposer un titre solo « No Bammer Weed » et un autre duo, r&b cette fois, Usher et Eric Bellinger sur « New Oldie », dont le concept est de faire du vintage futuriste.
Sans aller trop dans le détail, Algorithm a confirmé la signature de Benny The Butcher sur Def Jam, le rappeur de Griselda bien assis entre Jadakiss (qui aurait bien besoin de pastilles pour la gorge) et Busta Rhymes sur « Murder Music » sur un instru lourd de Nottz. Le premier single de Mount Westmore « Big Subwoofer », réunion des colosses Snoop/Ice Cube/E-40/Too $hort, annonçait un album à venir l’année suivante. D’autres morceaux très plaisants parsèment ce projet, notamment le throwback « Diamond Life » avec Mary J Blige. Instigateur du projet, Snoop veille au grain sur la plupart des titres, en intro, sur un petit couplet, ou pour pousser la chansonnette tant qu’on y est, avec sa casquette de businessman jamais loin. En effet, Algorithm est l’opportunité pour lui de mettre en avant ses propres artistes ou recommandations : October London (qui a sûrement été conçu sur du Marvin Gaye), Malaya, Jane Handcock, Nefertitti Avani… Que du R&B, leurs chansons très agréables, avec de bonnes saveurs, de belles voix, pas ce r&b industriel pseudo-trap anecdotique ou dance-pop insipide. C’est du R&B certifié AOP.
On pourrait critiquer le fait que malgré la présence d’artistes Eastcoast (on peut encore citer Dave East, Fabolous sur « Make Some Money »), Snoop a quasiment fait une compilation ‘maison’, avec ses producteurs à lui : Battlecat, Prohoezak, Soopafly et d’autres westcoast comme Terrace Martin, Neff-U (Bone Thugs N Harmony), LT Hutton… Le logo de DoggyStyle Records aurait dû mettre la puce à l’oreille. Il a même librement ramené ce bon vieux Kokane sur « No Smut On My Name » qui a fait l’objet d’un clip ! Il n’y a que « Murder Music » en rap new-yorkais pur et dur. Mais peu importe, la qualité est au rendez-vous et il y a de quoi plaire au plus grand nombre.
BODR (2022)
Deux jours après sa prestation mémorable à la mi-temps de la finale du Superbowl 2021 avec Dr Dre, Snoop Dogg balançait son 19e album solo BODR. Pour Bacc On Death Row. Encore une très grosse surprise ce rachat du label Death Row, qu’il a fui en 98 à cause du trop menaçant Suge Knight (aujourd’hui en prison). Plus qu’une surprise, une vraie revanche sur la vie. Voir l’illustration de Snoop habillé de la couleur bleue des Crips assis sur la chaise électrique, qui était originellement rouge, ça fait un sacré effet. A ce propos c’est le même dessinateur que l’artwork de Algorithm? Il avait -30% sur le second dessin? Mais par dessus tout, allait-il réussir à redonner vie à ce label aussi mythique que maudit en remettant le voltage?
C’est là tout l’enjeu et ça commence par une intro G Funk comme pour Doggystyle avec « Still Smokin ». Mais en regardant les noms de Battlecat, Nottz, Hi-Tek, Soopafly à la prod, les chanteurs October London, Jane Handcock, HeyDion, Nefertitti Avani qu’il a rapatrié… Ne serait-ce pas une suite de Algorithm justement? ça pourrait presque en être le prolongement… Mais sinon, il y a Hit-Boy sur quatre instrus pour insuffler un peu de renouveau (où l’on retiendra « Conflicted » avec Nas qui semble être une chute de studio de sa trilogie King’s Disease). Gros kif aussi pour « Crip Ya Enthousiasm » sur un sample de « Frolic » de Luciano Michelini (OUI COMME LA MARQUE DE CROQUETTE POUR IENCHS!!). Encore une idée de génie de DJ Green Lantern… Sample 90s R&B de « Blackberry Molasses » de Mista sur « Keep Pushing On » avec T.I. et Sleepy Brown, d’autres tracks suivent cette mouvance pour apporter de la modernité. Le G-Funk c’est révolu, les anciens rappeurs du DPG pas encore contactés pour le moment… Jusqu’à cette éclaircie avec un passage inédit de Nate Dogg sur « Outside the Box ». Les titres passent, en faisant ‘ok’, ‘mouais bof’, ‘pas mal’, ‘ça moins’… Il est évident qu’en dépit de le motivation dont fait preuve Snoop Dogg pour devenir capitaine de bateau, il ne sait pas trop sur quel pied danser. La précipitation pour sortir un tel projet n’était pas non plus l’idée du siècle.
BODR portait la lourde tâche d’amorcer un redémarrage de Death Row et donner les futurs contours artistiques du label. C’est un peu le principe de repartir d’une page presque blanche, sauf qu’on était en 2022, plus en 1992. Au moins, les restes de 2Pac n’ont pas été ressortis du placard… Mais on aura droit en 2024 au très bon W.A.W.G. du Dogg Pound, avant de tomber de très haut avec Missionary produit par Dr Dre… Malgré tout, on lui souhaite de la réussite dans cette entreprise.


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