J’aurais pu vous raconter une histoire sur Only Built 4 Cuban Linx pt 2, néanmoins cette idée était plus compliquée à réaliser que je le pensais. Pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé mais je ne suis pas romancier, je ne sais pas écrire de polars. L’histoire que je voulais écrire racontait le retour de Chef Raekwon (a/k/a Lex Diamond), l’homme aux 8 millions d’histoires, et son partenaire de rime Tony Starks (a/k/a Ghostface Killah) dans la banlieue de Staten Island et comment, après avoir fait acte de son expertise en criminologie et vendu ce qu’il appelait des ice-creams dans les années 90, il a su reconquérir les rues New-York en rouvrant son réseau Cuban Linx. Voilà dans les grandes lignes ce que ce chef d’oeuvre m’inspirait, un retour au tier-quar, back to business… Sans métaphores, cette suite la plus anticipée du rap game n’est pas une chimère : elle succède dignement et fidèlement le premier volet considéré par tous comme un classique Eastcoast.
Only Built 4 Cuban Linx premier du nom était la réplique sismique post-36 Chambers la plus dangereuse enregistrée par un membre du Wu-Tang Clan. Intégralement produit par RZA, cet album sentait la poudre à des kilomètres à la ronde et est devenu une came incontournable dans le milieu, faisant de Raekwon un des personnages et storytellers les plus respectés qu’il soit. Cet opus s’était achevé par une bonus track, « North Star », et le pont se fait avec « Return of the North Star », première piste de Only Built 4 Cuban Linx 2 : la filiation entre le classique et sa séquelle est directe avec ce flashback qui nous ramène dans le temps présent. Les paroles de Popa Wu retrouvant Rae pourraient être les nôtres : « c’est bien toi ? Tu es revenu ? Tu sais j’ai beaucoup entendu parler de toi » dit-il, genre on t’a aperçu en featuring, chez Aftermath Records, mais la donne a changé dans le game depuis 95, les kids de l’époque sont devenu des adultes, peut-être que certains des adultes de l’époque sont en sonpri, les kids d’aujourd’hui écoutent de la soupe, etc… Les multiples enjeux pour Raekwon étaient les suivants : pouvait-il retrouver ses marques, conquérir son public qui le suit depuis des années et faire circuler de la blanche qui vaut son illustre prédécesseur, si ce n’est plus. Un début de réponse avec la pochette, une photo de Rae et Ghost quasi identique à l’ancienne, avec quatorze piges de plus et un fond virant au violacé. Un détail extrêmement révélateur et qui ne trahit pas la valeur du contenu.
Raekwon avait parfaitement réussi à nous mettre en haleine, lors de ses apparitions en guest, des informations sur les crédits de production qui laissaient rêveur (Dr Dre, RZA, J Dilla, Pete Rock et j’en passe), surtout pour nous faire oublier Immobilarity et The Lex Diamond Story et sa prise de tête avec RZA. Il frappe très, très, très fort avec « House of Flying Daggers », avec un beat agressif qui tabasse légué par Dilla – qui a su totalement s’imprégner du style Shaolin et l’imprégner dans sa prod – et des experts en arts martiaux expérimentés : Johnny Blaze (Method Man), Rollie Fingers (Inspectah Deck), Tony Starks et Maximillion (GZA) qui récite le chant guerrier du Wu transmis depuis le 2e millénaire. Des rimes qui se croisent, des violons tranchants comme des lames, de la violence à l’état pur. Cet assaut est le commencement de l’histoire, de petits récits qui se recoupent en fait. Dans la track suivante, la police débarque par surprise pour une descente, ça chauffe et ils butent Sonny de dos. L’ambiance devient tendue, très bien retranscrite par l’instru de Pete Rock (repris de NY’s Finest). Après, retour dans la cuisine transformée en laboratoire improvisé. Pendant la minute de « Pyrex Vision », le Chef dévoile son secret pour concocter sa dope dans un solvant en ébullition, parfaitement mis en scène par Marley Marl. Une fois préparée, elle doit être dispatchée dans les ghettos new-yorkais, parfois dans des conditions rudes. « Cold Outside » narrent ces visions effroyables qui hantent les rues et que rencontrent le dealer. Avant on parlait de quartiers chauds, maintenant c’est l’inverse qui se produit.
L’introduction kung-fu de « Black Mozart » annonce RZA à la production et son alter-ego Bobby Steels en featuring. Sa cuvée postérieure à 8 Diagrams se veut mélodieuse et caverneuse, majestueuse. L’orgue qui y est joué est mélancolique, des notes sans joies, grisantes, avec un supplément de guitare électrique pour allier blues et rock. Le RZA signe également l’hymne au renouveau du Wu-Tang, où l’on peut entendre un écho ‘wouuuuwouuuuh’ en fond, très triste dans les intonations. Le couplet-refrain du « New Wu » est impulsé par Mr Mef, Raekwon et Ghostface posant chacun un couplet. La notion de old school, new school est indistincte, preuve que ce morceau est hors du temps. Entre ces deux tracks, une bombe artisanale : « Gihad », sur un instru de Necro. Enfin, c’est surtout Tony qui lâche un verset de malade mental sur lequel il raconte comment il se tape la pute engrossée par son fils qui les surprend en pleine baise. Déjà sur « Cold Outside » Ghost relatait son embrouille avec son rejeton (Sun God), ici il lui rappelle qui est le patron, qu’il faut respecter ses aînés. De manière peu scrupuleuse. Sur « Penitentiary », on ressent la tension et la crainte qu’inspirent Tony et Lex sur un beat (de BT) décrivant parfaitement ces moments de suspens. La scène suivante se déroule dans la planque de Raekwon, le beat d’Erick Sermon donne l’impression que le MC se trouve dans la pièce où il cache sa drogue (« Baggin’ Crack »).
Coup de flip glacial sur « Surgical Gloves », on reconnaît immédiatement la patte d’Alchemist sur cet instru intimidant. Raekwon pose son flow de velours dans un gant de latex, il ne laisse aucune trace derrière lui. C’est du travail de pro, de la vraie « crack music ». Tout est pensé dans le moindre détail sur OB4CL2, du dialogue en outro ou intro, comme des sortes de skits incorporés dans les morceaux qui servent de trames pour donner plus de réalisme, en passant par les extraits de films asiatiques dans la plus pure tradition du Wu-Tang depuis les origines. Prochain arrêt, le D-Block. Rencontre avec Montega Jada (Jadakiss) et son frère Styles Pinero (Styles P) sur « Broken Safety » pour faire du business, se faire de la monnaie ensemble, avec Scram Jones à la prod. Passage ensuite sur « Canal Street » où ses producteurs d’IceWater défendent la maison. Raekwon reprend ses droits dans les rues où les gens le réclamaient. Pour la minute solenelle, il rend hommage à son ami Ol’ Dirty Bastard sur l’émouvant « Ason Jones », d’autant plus émouvant qu’il pose ses condoléances sur un beat soulful de J Dilla, Dilla qui lui avait donné de main propre de son vivant. Après le cimetière, la prison. Il y trouve Mack Mittens (Beanie Sigel) qui croupit entre six murs. Son témoignage de l’univers carcéral y est décrit avec une absolue justesse : comment s’occuper des enfants depuis le parloir ? Comment résister au temps qui passe et à la vie qui part quand les cheveux blancs apparaissent avec les années de détention ? Voilà les questions qui se bousculent dans la tête d’un taulard, Raekwon en rajoute une couche pour tuer le dernier brin d’espoir qui reste. Enfin, un troisième et dernier beat inédit de J Dilla, « 10 Bricks », caractérisé par ces notes aïgues répétitives de guitares aux accents d’extrême orient et l’apparition de Cappachino (Cappadonna) aux côtés de Tony Starks. Redoutable au plus au point.
RZA revient rôder dans les parages avec l’instrumental de « Fat Lady Sings », précédant « Catalina » feat Lyfe Jennings sur une production de Dr Dre. Oui, Dr Dre, le docteur herboriste le plus connu de la planète, est présent sur cet album, comme promis. Si vous aviez douté de la parole de Raekwon, vous pouvez ramper. La musique est classique de Dre, le beat, les pianos… on aurait pu s’attendre à mieux mais le résultat est plus convaincant sur « About Me », sur lequel il utilise des marmonnement bluesy en fond pour faire correspondre avec le style Wu. Busta Rhymes, qui devait un temps être le producteur éxécutif de cet opus, sort son flow et des rimes tout droit de Big Bang. Vous n’avez rien oublié entre ces deux tracks ? Pourtant « We Will Rob You » ne passe pas inaperçu. Slick Rick s’inspire du fameux air de Queen pour ce braquage en règle, avec sur le siège arrière de la voiture Maximillion et Noodles (Masta Killa). Rarement une formation comme le Wu parvenait à faire ressurgir les tripes de New-York, c’est toujours le cas aujourd’hui avec « Mean Streets » et c’est pas beau à voir. Raekwon est le maître des lieux dans les rues qui l’ont vu grandir, ils les fait parler. La mafia, la pègre c’est lui. Même ses ennemis se doivent de le respecter sous peine de crime de lèse-majesté. Il rappe pour sa consécration sur « Kiss the Ring », se proclamant prétendant au trône de King of NYC. Pourtant en écoutant « Walk Wit Me », on a l’impression que Raekwon marche dans la rue, à travers une brume froide et épaisse, comme si de rien n’était, dans ces ghettos hostiles et ces populations miséreuses.
Au final, ça a payé : premier des ventes sur iTunes la première semaine de sa commercialisation, devant Blueprint 3 s’il vous plaît, plus de 200 000 disques vendus en un moins en indépendant, Only Built 4 Cuban Linx 2 renoue qualité et quantité de façon logique. Personne n’a été dupé sur la marchandise ou ne s’est senti escroqué : le degré de satisfaction est tel qu’en cette période de vaches maigres, c’est une prouesse. Rares sont les suites toutes aussi bonnes, faut-il encore le préciser. Il est vrai qu’un facteur a joué en faveur d’un retour aux sources : la récession. Il fallait revenir aux bonnes vieilles anciennes méthodes pour s’en sortir, fini l’époque faste et les artifices.
Le premier classique Wu du millénaire!! Un album qui a su allier 2 époques sans tomber dans le kitch!!! Autant certaines sonorité rappellent des ambiances de OB4CL… (Cold Outside m’as de suite fait penser à Rainy Dayz), autant la miriade de producteurs conviés apporte une touche à la fois fraiche et juste au niveau du concept.
Néanmoins, l’écoute entière est parfois un peu fastidieuse (beaucoup de titres même), et l’ensemble moins cohérant que le premier volet. Pourtant les bons morceaux s’enchainent, et il serait un peu difficile de dire lesquels sont en trop. Et puis finalement je me rend compte qu’àpresque chaque écoute je découvre un son auquel j’avais peu prêté attention jusque là. C’est peut-être se qu’il fallait pour rattrapper les égarement des membres du Wu ces dernières années…
Les moments incontournables de cet album sont selon moi: House of the flying dagger (prod un peu répétive, mais couplets violents et sportifs que ça passe tout seul!!), Cold outside (magique), New Wu (Rza dans tout ce que j’aime, simple mais efficace), Surgical gloves (Rae pète la prod!) et Have Mercy (Blue Raspberry m’avait tellement manqué).
Allez un défaut estétique pour finir: la pochette est classe mais beaucoup trop identique à la version de 95. J’espérais plus de créativité.
5/5 parceque c’était vraiment le style d’album que je n’attendais plus venant du clan.
J’aimeJ’aime
pareil que Nass’ en ce qui me concerne,l’album manque cruellement de vie c plat et sans saveur pour moi il y a trop de producteurs differents pour que l’ensemble soit coherent,sans parler des prod de pete rock et marley marl deja sorti auparavant
J’aimeJ’aime
Tu nous a balancé une de ces chroniques toi^^ Alala, qu’il est loin le bon temps de Rap2k… Excellent article pour un album qui ne m’a pas convaincu plus que ça. C’est bien produit même les prods en elles-mêmes manquent de vie, quant aux samples ils sont cramés je trouve.
un bon 15/20.
J’aimeJ’aime
Classique shit ! « About Me », « Black Mozart », « New Wu », « Kiss The Ring »,autant de classique track, nan c’est vraiment un superbe CD.
J’aimeJ’aime
En fait tout le monde s’attendait a un énorme pétard mouillé entre les changements de labels, de producteurs exécutif….
Et la quand j’écoute l’album , bah l’appréhension que j’avais a complètement disparu entre « Ason Jones » , »New Wu » ou « Kiss The Ring » l’album est juste terrible
Raekwon a réellement mérité son succès puisque son album est largement supérieur a BP3 :)
J’aimeJ’aime
J’ai trouvé l’album solide raekwon suit son fil conducteur et ne s’égare presque jamais.J’adore la prod a necro bref très bon album même si ce n’est pas aussi bon que le premier du nom mais en même temps personne ne s’attendait à ça.
PS : Le sample de marley marl c’est le même que l’intro de la chanson jewelz d’OC sur l’album du même nom non?
J’aimeJ’aime
Oui je crois qu’il y a une histoire comme ça, j’ai lu ça qq part.
J’aimeJ’aime
comme je l’ai tweeté a saqittarius, c’est un très bon album qui a mon gout sonne bien oldschool (un plaisir quoi)
il y a néanmoins 2-3 musiques qui a mon avis ne sont pas utiles a l’ensemble de l’album, même si celles ci ne gênent en aucun cas l’écoute.
un album qui reste de très très bonne facture, et qui garde l’esprit du Wu.
@@@@ pour ma part.
J’aimeJ’aime
Pas mauvais, tout le monde crie au chef d’œuvre pourtant on est loin d’un album solide qui arrive à tenir tout le long. Ce qui m’a le plus déçu c’est Raekwon en lui même. Ultra transparent, mou, un flow apathique bref je l’aurais bien remplacé par Ghost moi. Bref j’ai tout détaillé dans ma chronique.
Ma notation : @@@
J’aimeJ’aime
ENFIN LA CHRONIQUE!!!
#1 – 4,5/5 (bonne intro, laid-back)
#2 – 6/5!!!!! (CHANSON DE L’ANNEE!!! Track où Raekwon est le plus en forme, ma préférée du skeud)
#3 – 4,5/5
#4 – 5/5 (Dommage que ca dure 55 secondes, je l’ai rejoué trois fois lors de la première écoute)
#5 – 5/5 (Magnifique refrain)
#6 – 5/5 (Superbe instru)
#7 – 5/5!!! (énorme perf de Ghostface)
#8 – 5/5!!! (Refrain très accrocheur)
#9 – 5/5!!! (Encore une grosse perf de Ghost Face)
#10 – 5/5 (énorme instru)
#11 – 5/5
#12 – 5/5 (Banger, Raekwon encore une fois outshiné par ses invités…)
#13 – 5/5 (Classe)
#14 – 6/5!!! (J’adore le sample)
#15 – 4,5/5 (Beat entendu à l’intro)
#16 – 4,5/5
#17 – 5/5!!! (Dommage, car trop courte)
#18 – 4,5/5 (gache l’ambiance mais bonne prod « latina »)
#19 – 6/5!!! (Ma seconde préférée derrière la #2)
#20 – 4,5/5
#21 – 4,5/5 (Magnifique refrain)
#22 – 5/5 (Bonne fermeture de l’album)
Album de l’année, et futur classique des années 2000, il sera difficile de faire mieux voire aussi bon.
J’aimeJ’aime
Yup, bonne chronique. Une suite qui fait honneur au premier OBCL ou montre comment garder l’esprit du WU intact (presque, je pinaille) malgré les années. Un album qui répand de la poudre blanche et du crime un peu partout, tout en gardant une éthique musicale stricte (paradoxal mais vrai). Des producteurs différents qui ont parfaitement compris l’esprit de l’album. Pas de coups de coeur, on consomme l’ensemble (haha) et on en veut encore. Merde alors, le COINTELPRO avait répandu la drogue pour troubler la lutte des Black Panthers, mais il en reste :(. A quand l’overdose?
J’aimeJ’aime
La voila!trés bonne chro,beaucoup rejoindront ton avis sur ce skeud.Pas romancier peut etre mais chroniqueur lisible,c’est deja ça.
J’aimeJ’aime