S’ils n’avaient pas rencontré le chemin de Antonio ‘L.A.’ Reid, personne n’aurait connu l’un des meilleurs de groupe de hip-hop du monde : les OutKast. Si Big Boi n’avait pas recroisé le chemin d’Antonio ‘LA’ Reid seize ans après, son album solo n’aurait sans doute pas vu le jour avant un bon bout de temps, ou alors pas sous sa forme actuelle. Une rencontre providentielle.
Lorsque la moitié street des Outkast présente son album chez Jive Records, Sir Lucious Left Foot, son second opus solo (en comptant Speakerboxx qui était complété par l’album jumeau d’Andre 3000 The Love Below), les dirigeants de la maison de disque ne savent pas comment le marketer, car trop original? Frustré par la situation, Big Boi retrouve alors ‘LA’ Reid, l’homme qui avait signé les OutKast sur LaFace Records à leurs jeunes débuts. L’actuel dirigeant d’Island Def Jam écoute le fameux album et propose sans sourciller au rappeur de signer chez Def Jam. Parce que Sir Lucious Left Foot : The Son of Chico Dusty est une bombe atomique.
Dans ce transfert, Big Boi y a laissé quelques plumes, comme ce « Lookin’ For Ya » (produit par Boi-1da), qui devait être l’unique réunion des Outkast avec leur crooner porte-bonheur Sleepy Brown. C’était la condition sin equa non pour qu’il puisse signer ailleurs, c’était le deal convenu avec Jive. OK pour Big Boi. 5 Juillet 2010 (le 6 aux US), l’opus solo du fils du Chico Dusty (surnom que portait son père disparu en 2004) est devenu réel dans les bacs. Dès l’énorme introduction, le fan des Outkast comprend rapidement qu’il n’a pas attendu tout ce temps, ni déboursé 15€ pour rien (l’artwork du CD dans la pure tradition des albums des Outkast avec un dessin de femme nue). Des notes graves de piano, une guitare diablement funky, du vocoder à l’ancienne… « Feel Me » maîtrise l’art de la descente/montée en Cadillac ‘southernplayalistic’. On roule avec Big Boi !
Big Boi a/k/a Sir Lucious Left Foot a/k/a The Son of Chico Dusty a/k/a « Daddy Fat Sax », les présentations sont faites avec cette véritable légende vivante sur une production aussi grandiose que le personnage, réalisée par Mr DJ, collaborateur de longue date (depuis Aquemini). Autre glorieux pseudonyme, « General Patton », qu’il emploie pour un hymne à la guerre à la fois baroque et moderne mené tambour battant, construit à partir d’un sample l’Opéra de Rome sur beat sudiste. Au sujet de cette track gigantesque où Big Boi explose littéralement les haters et suckers, le Général Patton est une personne qui a réellement existé, il est le général américain qui a mené les troupes américaines du débarquement en Normandie jusqu’à la bataille des Ardennes durant la Seconde Guerre Mondiale. Big Rube ferme la marche avec du spoken-word.
Pour beaucoup d’entre nous le banger « Shutterbug » est notre summer-hit 2010. De cet instru ultra-moderne signé Scott Storch (qui opère avec ce single ultra-efficace un retour fracassant) renaît le talk-box. Big Boi y jongle avec les rimes débitées par un flow incroyablement maîtrisé sur ce beat qui envoient des bonnes vibes notamment grâce à l’insert d’éléments P-Funk (basses, cuivres, guitares…), qui ont toujours fait partie de l’ADN musical des Outkast. D’ailleurs, le papa du P-Funk George Clinton gratifie sa présence sur l’hypnotique « For Yo Sorrows », sur lequel Big Boi et la révélation Sam Chris (qui chante le refrain) dédient leur spliffs à nos malheurs et l’ignorance des gens, avec en plus une spéciale dédicace du homeboy Too Short (biatch!). L’alchimie avec les Organized Noise fait encore des miracles avec ce rythme futuriste imprévisible et ces claviers lancinants qui s’évaporent dans notre tête sans en ressortir. L’effet longue durée est garanti.
Chacun des producteurs extérieurs donnent leur meilleur pour que Big Boi puisse chausser son flow démentiel (« Follow Us » avec Vonnegutt et produit par Salaam Remi, « ShutterBugg », « Hustle Blood » de Lil Jon et avec Jamie Foxx), quand il ne détruit pas l’instrumental en question comme sur « Night Night » avec un second couplet énervé. Sur ce titre produit par DJ Speedy, le rookie BoB balance un excellent refrain. Le résultat est saisissant : c’est du pur produit ATLiéné, comme avec les Organized Noise qui sont les gardiens du son Outkast jusqu’au bout de leurs albums, ici sur « The Train pt2 » et « Back-up Plan ». Et Andre 3000. Parce qu’il est le concepteur de l’OVNIesque « Ain’t No DJ » dont l’intitulé est suffisamment explicite pour comprendre de quoi ça cause. Entre les deux couplets hallucinants de Boi s’incrustent deux couplets de malade de Yelawolf, qui confirme son énorme potentiel d’Eminem sudiste. C’est franchement la dinguerie de Sir Lucious Left Foot.
Des titres peuvent paraître léger d’un certain point de vue, tels que « Turns Me On » feat Sleepy Brown » et « Be Still » avec sa protégé surdouée Janelle Monae (qui rappelle un peu le « Last Night » de Diddy). Les choses sérieuses se déroulent sur le sauvage « Tangerine » qui alterne de refrains fortement bien exécutés entre Big Boi et Khujo des Goodie Mob, avec en supplément T.I en featuring. Ce son déshabille les femmes avec des guitares sexys et des tambours qui éveillent nos instincts les plus primitifs, en somme redoutablement séducteur. « Hustle Blood » traite d’un thème courant dans le rap, une histoire d’amour avec un hustler mais qui part d’un contexte familial ce qui complexifie la situation. L’instru de Lil Jon génère comme une intensité qui accentue la gravité et la précarité de ce type de relation tumultueuse. Big Boi a toujours été le pendant ‘hood’ des Outkast, ce qui justifier la présence de Gucci Mane sur le street-soulful « Shine Blockas ».
Sir Lucious Left Foot ; The Son of Chico Dusty est assurément l’une des meilleures sorties hip-hop, pas depuis longtemps, mais pour les prochaines années à venir. Si vous voulez en savoir plus, il n’y a qu’à l’écouter et vous laisser imprégner cette atmosphère caractéristique de l’univers de la moitié des Outkast.

Répondre à _kirua Annuler la réponse.