Alors alors – écris-je en me frottant les mains – j’ai quelque chose de très délicat à confier à mes lecteurs. Beaucoup de gens l’ont peut-être déjà remarqué quand je sévissais sur Rap2K, ces gens-là me reprochant un manque d’objectivité que je niais en réponse, et seules quelques connaissances sont au courant de ce mal qui m’habite depuis sept ans. J’en connais qui vont avoir un air moqueur en l’apprenant, d’autres qui hausseront les épaules mais il faut que ça sorte : je suis officiellement un ‘hater’ de 50 Cent.
Attendez deux secondes avant de me pendre sur la place publique, j’ai dit que je n’aimais pas la personne de 50 Cent mais nulle part que je déteste sa musique. Quand vous regarderez ma page ‘discrographie’, vous observerez que j’ai en ma possession l’édition limitée de The Massacre et Curtis. Et je pense mettre la main sur GRODT bientôt. Cette critique de Before I Self-destruct, qui comme celles de ses précédents albums fera débat, est l’occasion (rêvée ?) de poursuivre avec un malin plaisir mon analyse de la descente vertigineuse et prédite de 50 et son empire dans un premier temps, puis dans un second temps une chronique la plus objective possible de ce quatrième album.
Panne sèche de buzz
Il y a eu d’abord l’implosion du G Unit que j’ai décrit en long et en large et en profondeur dans la chronique dédiée à cette daube infâme que fut Terminate On Sight [cliquez ici]. Un flop commercial doublé de critiques acerbes écrites sur du PQ qu’il n’a jamais commenté un seule fois dans la presse. Ensuite il y a eu ce drame, son ex-femme et son fils ont failli périr dans l’incendie de leur maison, les rumeurs de Lloyd Banks quittant G Unit Records, là aussi, pas un mot. Questions tabous ou mutisme volontaire ? Bizarre pour une personne habituée à remplir les colonnes des pages web pour ses propos déplacés. 50 Cent sent sa hype échapper à son contrôle et ses revenus se limitent à la vente de produits dérivés (déodorant, boisson vitaminée…). Il n’a plus que son nom pour vendre, comme une marque déposée.
Qui dit 50 Cent dit beef. La chance lui sourit lorsque Rick Ross lui parle mal et c’est reparti pour un tour : la réponse ne se fait pas attendre avec « Officer Ricky », allusion au passé d’ancien PO que Ross a caché. Ses yes-men Banks et Yayo ont fini se tailler le bout de gras. 50 préfère parler de son rôle aux côtés de De Niro et Al Pacino, très vaguement commenté, tout comme ses mixtapes qu’il expose gratuitement. Les médias qui avant et pendant longtemps traquaient la moindre de ses phrases et ses apparitions sont passés à autre chose, ce qui survient généralement après un phénomène de saturation. Même sa petite vidéo pour enfoncer Fat Joe et ses épisodes de Pimpin’ Curly ne sont devenues que de simples vidéos parmi des millions qui circulent dans le fleuve YouTube. Tout ça pour dire à quel point tout ce qu’il a beau faire pour se faire remarquer ne prend plus.
Ses cascades et mascarades marketing ne fonctionnent plus. L’arrivée cette année de Before I Self Destruct (programmée depuis début 2007 au moins) n’avait rien de sensationnel, ni d’événementiel. Pour rappel, 50 a peiné à dénicher le single d’accroche de Curtis, il a tiré deux fois à blancs avant de balancer « I Get Money » puis « Ayo Technology ». Rebelote pour BISD : « Get Up » produit par Scott Storch, anecdotique « I Get It In » par Dr Dre, transparent. Comme si ça n’intéressait plus personne, au point qu’ils ont été écartés du tracklisting final. Voyant Eminem réaliser un retour fracassant, il décide de retourner en studio enregistrer de nouveaux morceaux avec le Docteur et lâche « OK You’re Right », peu convaincant. Mais surtout, Fifty paie le contrecoup de son couac : il y a eu confusion entre cet album et Curtis, qu’il a enregistré alors qu’il avait déjà commencé BISD fin 2006 et sorti en trombe en 2007, ajournant par conséquent la sortie de BISD pour plus tard. Depuis, il a du entièrement reconcevoir cet LP et n’a manifestement rien à voir avec les producteurs qu’il annonçait (Play-N-Skillz, Rich Harrisson, Sha Money XL, DJ Premier…).
Parlons chiffres maintenant. Lors de son lancement aux States, son best-seller Get Rich Or Die Tryin’ a vendu 862 000 copies, The Massacre plus encore avec 1.15 million, Curtis 690 000 et Before I Self-Destruct … « seulement » 160 000. Soit quatre fois moins que Curtis, la descente est vertigineuse, une monumentale raclée. Si son précédent album était un « bide » pour reprendre son terme employé, quid de BISD ? Comment va-t-il justifier cet échec ? Me dites pas que c’est à cause de la crise ! Dans son duel à distance avec Rick Ross, les ventes de Deeper Than Rap ont sont supérieures à celles de Before I Self-Destruct. Que dire de sa compétition en différée avec Jay-Z, une humiliation publique. Toutes ses déclarations sur la street-credibility, le fait de juger du talent sur les scores de ventes, de ne jurer que par SoundScan, ses provocations envers divers rappeurs lui reviennent en plein dans sa grande gueule aux dents refaites.
Après l’implosion
La bonne nouvelle est que Sha Money XL l’a rejoint pour la production exécutive de Before I Self-Destruct, qui se veut être le préquel de son best-seller Get Rich or Die Tryin’. Pour montrer qu’il a de la suite dans les idées ? Rien à voir, c’est ce que son public attend de lui.
La pochette montrant la tête de 50 Cent en gros plan avec une partie de visage prête à exploser (et son sourcil droit relevé caractéristique) évoque celle de Curtis, tout comme Massacre le montrait torse poil épilé après avoir retiré le gilet de GRODT. En regardant au dos, on voit Fiddy assit sur des buildings new-yorkais. Nul ne peut le nier, 50 Cent est un géant new-yorkais, je dirai même plus un géant aux pieds d’argile au vu des mauvais résultats de ce nouveau disque.
Le schéma de BISD est à quelques détails près un consensus calqué d’après ses trois autres albums : une entrée en matière qui sent la poudre de 5-6 titres environ, plaçant au passage un diss à têtes chercheuses, ensuite des morceaux qui parlent de la rue et enfin des tracks plus soft et r&b. L’introduction habituelle est remplacée par « The Invitation » (prod. Ty Fyffe) sur lequel 50 déballe son gun talk habituel et l’état de son compte créditeur, aucun bouleversement de ce point de vue sauf que 50 Cent est plus sombre et agressif comme il le dit lui-même dans ses interviews (sans quoi on l’aurait pas remarqué), plus en colère. Et plus esseulé car nulle part ses lieutenants l’assistent que ce soit Lloyd Banks ou Tony Yayo (préposé à la direction artistique de G Unit Records). Ça paraît loin la G Unit Family à l’unisson sur la bande-son de Réussir ou Mourir.
Dans cette première partie sans artifice et sans réelle nouveauté, figure une tuerie en règle : « Death To My Enemies », sur un instru brise-nuque old school signé Dr Dre et Mark Batson. Une tuerie je vous jure ! Sampler Michael Jackson enfant sur « Then Days Went By » est une bonne chose mais le résultat n’est pas épatant. Si vous cherchez des ennuis, allez directement sur « So Disrespectful » (prod. Tha Bizness) a.k.a. « Piggy Bank pt 2 ». 50 réservait quelques balles pour Jayhovah (« Jay-Z’s a big man/ he’s too big to respond »), The Game (« Come on Game you’ll never be my equal/ Your homies shoot dogs/ My niggaz shoot people ») et Lil Wayne (« I even know that he smoke more dope than B.G./Plus this nigga sip more sizzurp than Pepsi »). Ce qu’on attendait du trio infernal Dr Dre/Eminem/50 Cent aboutit à « Psycho » a.k.a. « Gatman & Robbin pt.2 » en moins spectaculaire.
Il y a des choses qui ne changent pas chez Fifty en dehors de son arrogance. Son articulation reste plus ou moins déplorable, son flow inchangé ou il change de voix quand ça lui chante (façon de parler), ou alors il varie son flow à certaines occasions quand il s’en donne la peine comme sur « Psycho » s’il veut faire le poids face aux deux couplets Eminem en très bonne santé. Ses thèmes de prédilections distrairont les G Unit fans et ses lyrics pleines de monosyllabes (à la « pan t’es mort/je suis trop fort/me teste pas tu as tort/ je suis riche je roule sur l’or ») demeurent les caractéristiques de son style de gangsta rap. En plus il n’a rien perdu de son talent pour s’occuper des hook puisque c’est la même qu’à ses débuts. Ça passe ou ça casse, notamment quand il perd toute virilité comme « Hold Me Down » qui contient plus d’oestrogènes que de testostérone.
Heureusement il renvoie du lourd de suite après avec « Crime Wave » (prod. Team Demo) et la pseudo-fiction « Stretch » (prod. Rick Rock), inspirée de son adolescence lorsqu’il était garde du corps pour un pimp dans le Queens. Sur cette track, il se met dans la peau du pimp’ employant ce Stretch (lui) dont il ne pense que du bien. Une manière détournée de parler de soi à la troisième personne au second degré. A partir de « Strong Enough » son discours commence à lasser, en plus les beats se répètent d’un album à un autre et s’appauvrissent, indigne de la part d’un artiste de cette carrure. 50 a préféré opter pour des beatmakers cheaps et totalement inconnus (qui sont Dual Output, LabOx, Team Demo, Black Key… ?) pour sonner ‘street’, au point de jeter un instru de DJ Premier (« Shut Your Bloodclout Mouth, qui de toute façon ne cassait pas la baraque. Peu d’entre eux profiteront peut-être de cette exposition, comme Dual Output qui gère le smooth « I Got Swag ». Celui qui a produit « Get It Hot » a eu le mérite de refaire un « I Get Money » amélioré. Havoc remet un peu d’ordre en réalisant « Gangsta’s Delight », la version gangsta pas fun du monument « Rapper’s Delight ».
Passage obligé sur le single « Baby By Me » feat Ne-Yo (prod. Polow Da Don) qui a permis de faire la promo de son album. Pas grand chose à rajouter si ce n’est que c’est passable en radio. Pour quelqu’un qui se vante d’écrire des tubes, BISD en recèle moins que Curtis. « Do You Think About Me » feat Governor (prod. Rockwilder) est une autre bonne track crossover où 50 Cent prend son rôle de gangstar d’amour avant de faire tomber le masque (de clown) sur « OK, You’re Right » qui reste – je persiste et signe – inintéressante. La prod de Dr Dre a beau être noble et très travaillée (et répétitive), c’est comme manger un plat trois étoiles peu appétissant et sans audace dans le meilleur resto de la ville. En bonus track, « Could’ve Been You » (prod. DJ Khalil), un dernière track pour les ladies avec un R Kelly dont son rôle de tombeur de service dont il s’enquiert très bien depuis « Fuckin’ You Tonight » de Biggie.
Compte à rebours lancé
De toute façon, il n’allait tout de même pas nous raconter son histoire une quatrième fois. 50 est tout sauf idiot néanmoins son gangsta rap fantasque qui était son fond de commerce n’a pas évolué d’un pouce depuis The Massacre. BISD a ses petites originalités mais côté innovation c’est zéro pointé. Ce que je constate est que 50 Cent ne fait que vainement reproduire ce qui a fait son succès sans aller jusqu’à l’auto-caricature et dont l’unique prise de risque est de ne pas en avoir pris. C’est comme un blockbuster dont les suites se ressemblent toutes et manquent d’idées pour relancer la machine.
En temps normal, j’aurai décerné un très neutre @@@½ pour Before I Self-Destruct mais j’ai du revoir la note à la baisse pour ces raisons qui me semblent justifiées (vous avez le droit d’être en désaccord). A ce rythme, toutes les munitions seront épuisées au moment où viendra son auto-destruction.
Est-ce que à cette époque où, comme me le disait très justement Seeend, le swag a pris le pas sur la street-credibility, que l’autotune fait fureur et que la nouvelle génération s’identifie aux hipsters, 50 Cent est-il hors du coup ? Juste au moment où je commençais à le trouver sympa… C’est con hein ? Curtis Jackson, moi aussi, je te salue soldat, toi qui aime avoir plus de haters que de fans.

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