‘Speakerboxxx & The Love Below’ a été le double-album de toutes les consécrations, la reconnaissance ultime pour les Outkast dirons-nous : un disque de diamant et le grammy du meilleur album 2004. L’apogée de leur montée en puissance, le respect inconditionnel de tout le Hip Hop et bien plus encore, l’univers des Outkast paraît illimité désormais et a dépassé pour de bon les frontières du rap. Et puis les médias s’en sont mêlés et ont envahi la planète de nos ATLiens, annonçant la séparation duo alors que celui-ci mettait la touche finale à leur film ‘Idlewild’ (qui sort fin d’année en France) et la bande originale dont il est question ici. Dates repoussées, attente, pression, beaucoup de questions, le tout conjugué pour préparer le tapis rouge d’un groupe maintenant légendaire.
Chronique originale écrite le 22 Aout 2006
S’il n’est pas question de parler d’un nouvel album en tant que tel, puisque c’est une bande son, les effets procurés sont les mêmes que leurs précédents opus. A chaque fois, il est nécessaire de désapprendre l’ancienne texture sonore car leurs albums se suivent mais ne se ressemblent guère. Les premières écoutes sont toujours déconcertantes, surprenantes dans le sens où les Outkast sont totalement imprévisibles, pas facile de s’y accorder. Mais qu’ont-ils donc fait? Dans quelle direction sont-ils allés? Et pourtant, ‘Idlewild’ appelle à d’autres rotations pour approfondir, tendre davantage l’oreille, se saisir des subtilités et finalement s’habituer, apprécier, aimer. Tout ce qu’on demande d’un album des Outkast, c’est de surprendre, d’aller plus loin, sortir de l’ordinaire. C’est chose faite. Une revue en détail de ce nouveau chef d’oeuvre s’impose.
D’entrée, « Mighty O » vient faire taire les rumeurs de divorce entre Big Boi et Andre 3000. Cette production des Organized Noise réunit nos deux protagonistes sur une même chanson pour la première fois depuis « Roses » sur ‘The Love Below’. Un morceau entraînant qui marque le retour ensemble des deux dope boys en Cadillac. Cela faisait tellement longtemps que l’on attendait ce moment, surtout rentendre Andre rapper avec un flow et des lyrics à un tel niveau qu’il reprend sa place parmi les meilleurs MCs de la planète. Pas étonnant de retrouver nos deux Outkast sur le morceau le plus hip hop de ‘Idlewild’, « Hollywood Divorce » avec les caméos de Lil Wayne et Snoop Dogg, dans un style aquiminien, où Andre joue à merveille le rôle du crooner mélancolique. Puis pour la troisième, cette fois on rentre dans la péllicule cinématographique qui nous plonge direct dans les années 30 avec « PJ & Rooster », une chanson sur les deux personnages qu’incarnent respectivement Andre Benjamin et Antwan Patton.
Là est le vif du sujet, la recherche artistique concernant la musique du film : un voyage dans le passé, aux origines mêmes de la soul et du jazz avec du swing ambiance cabaret, avec quelques soupçon de blues et de country. Non sans effet d’anachronisme. C’est Andre 3000 qui s’en sort magnifiquement bien avec son single « Idlewild Blues (Don’t Chu Worry About Me) » et mieux encore sur « When I Look In Your Eyes » qui fait penser à du piano-bar accompagné de trompettes. C’est lui-même qui produit également le single de son ami Big Boi, la joyeuse balade aux influences gospel « Morris Brown » feat Sleepy Brown & Scar. On fera connaissance par la même occasion avec deux voix vraiment incroyables, celles de Janelle Manoé et Whild Peach, deux artistes signées sur Purple Ribbon. Leurs chansons, « Call The Law » et « Mutron Angel » sur beat inversé, devraient parfaitement coller au contexte musical de ‘Idlewild’. Après ce retour en arrière, c’est Big Boi qui nous ramène dans le futur proche avec « The Train » (qu’il a excellement produit), une superbe chanson à la fois mélancolique et optimiste, accompagnée de nouveau par le crooner Sleepy Brown.
Comme sur leur précédent opus, les Outkast se la jouent principalement en solistes. D’un côté, Andre s’est amélioré au chant, s’illustrant sur ses propres compositions d’où ressort les inspirations de Prince. « Chronomentrophobia » et « Life Is Like A Musical » mettent en relief le talent d’Andre 3000 en tant que précurseur. Son duo avec Macy Gray, « Greatest Show On Earth », remporte la palme. Quant à Big Boi, la face rap d’Outkast, il n’a pas à rougir non plus de ses performances, en apportant la touche funk typique du duo (sur « Peaches » et surtout « Buggface »), avec en plus des featurings de Killer Mike (« In Your Dreams ») et Khujo des Goodie Mob (« N2U »). Avant-gardistes et créatifs sont et restent des adjectifs indissociables des Outkast. Et bien que nos deux génies ne s’associent pas d’avantage, ils font jeu égal et l’identité musicale du groupe demeure intacte. Le final « Bad Note » conclut ‘Idlewild’ sur un morceau monumental, c’est devenu une habitude. Joué par Andre 3000, ce morceau presqu’instrumental se plaît dans une noirceur pessimystique avec une guitare électrique qui se lamente en fond.
Les Outkast nous ont habitués à la perfection et ‘Idlewild’, qui n’est pour rappel qu’une bande originale, correspond à tout ce qu’on attendait d’un disque des Outkast. Manque plus qu’à aller voir leur film! En attendant leur prochain véritable album ‘Ten The Hardway’ pour bientôt espérons-le…