Southernplayalisticadillacmuzik était d’avance indéfinissable tant les adjectifs manquent. Le premier chef d’oeuvre du binôme symbiotique engendré par Big Boi et Andre 3000 (alors qu’ils n’avaient même pas 18 piges) était prédestiné à devenir un énorme pilier du hip-hop d’Atlanta, puis un classique hip-hop (le premier d’une incroyable série discographique), et les rappeurs des monuments. 1994, soit la même année où Nas sortait Illmatic et Biggie Ready to Die, les OutKast brisaient déjà les barrières du rap américain tout entier, et pas seulement du Dirty South.
Les deux lycéens d’Eastpoint ne se sont fixés aucunes limites d’entrée de jeu, créant à leur tour leur propre style de rap avec comme source d’inspiration les artistes qu’ils idolâtraient dans leur jeunesse, les UGK de Houston, pour leurs histoires de pimps entre autre et leur musicalité. Le tout est mis en boîte par les ingénieux Organized Noise, des producteurs locaux qui avaient travaillés pour CrazySexyCool des TLC (un des plus grands groupes de r&b féminin durant les années 90 si c’est la peine de le rappeler). De fil en aiguille, les ex-Misfit signent chez LaFace Records, label fondé par Babyface, géant du r&b, et Antonio « LA » Reid, dénicheur de talents professionnel. Bien sûr à la base, c’est du son Dirty South conçu avec cette bonne vieille boîte à rythmes TR808 mais avec une grosse dose de funk et de surcroît, d’avant-gardisme. Rien à voir avec le rap de gamin de chez So So Def. Tout avait commencé avec leur premier morceau « Playa’s Ball« , accompagné de son refrain inspiré de Curtis Mayfield, qui est devenu un des plus grands classique du groupe…
Un bouleversement proportionnel au talent et à la hauteur du potentiel novateur des OutKast. Les flows étaient déjà vraiment surprenants, autant que leurs textes déjà très mûrs et métaphoriques. Boi et Dre étaient des prématurés. Du funk hardcore (« Call Of Da Wild » avec les Goodie Mob, « Ain’t No Thang« ) à des ambiances plus laid back (« Southernplayalisticadillacmusik« ), musicalement, c’était le nec-plus-ultra, avec ces basses rondelettes vraies comme natures et ces cuivres omniprésents, autant d’éléments qui seront les dénominateurs commun de tous leurs futurs albums. Les apparitions de Cee-Lo et des Goodie Mob signaient les prémices de la faction Dungeon Family qui imprègnera pendant une décennie durant son influence sur la ville d’Atlanta.
Peut-on considérer toutes leurs chansons comme des morceaux mythiques ? Pourquoi pas après tout. « Git Up Get Out » a été repris par la dame Macy Gray sur son single « Do Something » et on garde en mémoire ce « Funkyride » (interprété par Sleepy Brown) comme ce morceau slow-tempo smooth et hypersensuel digne d’un classique de Bootsy Collins avec un finish orgasmique à la Prince. Enjoy da ride! « Crumblin Erb » provoque plus d’extase et de bonne humeur que l’herbe elle-même et le street « Hootie Hoo » montre que les rappeurs ne plaisantaient pas, le mode gangsta était de mise.
Très rares sont les jeunes artistes cartonnant avec un premier album s’élevant au rang de classique. Ce disque n’a pas pris une ride en vingt ans, et même mieux, il s’est bonifié avec le temps. Southernplayalisticadillacmusik est indéniablement l’un des albums de rap les plus incroyables du milieu des années 90. Et ce n’était qu’un début.
« The South’s got somethin’ to say »