Il semblerait que les soldats du clan du Wu-Tang soient parvenus à un consensus, afin de mettre un terme à leurs divergences internes. L’abbé RZA a finalement su trouver la solution pour annihiler la tentative de rébellion de Raekwon the Chief et Ghostface Killah en satisfaisant une partie de leurs conditions : faire appel à des musiciens et d’autres producteurs venus d’au-delà des terres Shaolin.
Ceci dit, le RZA reste maître de l’empreinte sonore du Wu en supervisant ce side-project honorable qui rassemble une partie des sabreurs du Wu-Tang (le Ghost, Inspectah Deck, Raekwon,…) ainsi que d’autres nobles tueurs à gage habitant la Eastcoast (Sean Price, AZ, Masta Ace, Cormega,…). Chamber Music n’est pas un nouvel opus officiel du Wu-Tang Clan, c’est une très bonne surprise.
Deux choses dans cet album : des parties instrumentales jouées par un groupe de musicien répondant au nom de The Revelations, et des instrus plus typiques du Wu produits sans l’intervention de RZA, sauf pour son titre en solo « NYC Crack », l’exception qui confirme la règle. Les beats sont donc produits par Bob Perry, Noah Rubin, Andrew Kelly et Fizzy Womack, l’autre alias de Lil Fame des M.O.P. Je ne sais pas comment ces personnes-là ont fait pour reproduire l’architecture des fondations Shaolin, mais ils ont réussi à le faire avec brio.
Après la « Redemption », reprenant des dialogues de films de Kung-Fu qui font la singularité de l’univers du Wu depuis leurs origines, les lames se croisent sur le beat de « Kill Too Hard », comme à l’époque des 36 Chambers. Inspectah Deck et U-God font une démonstration de leur maîtrise lyricale, à laquelle s’ajoute l’expérience du légendaire Masta Ace, sur un fond de chants qui font penser à des moines en pleine méditations. Deck que l’on retrouve sur le old school « Harbor Masters », très seventies dans le style, en compagnie de Ghostface et d’AZ, spécialistes des assassinats verbaux. Le chef Raekwon débite son flow fluide comme l’eau qui coule sur « Radiant Jewels » sur un instru classieux pour discuter entre hustlers avec Cormega et Sean Price, représentant le Boot Camp.
« Evil Deeds » suit un schéma plus classique, hypnotique de par ces notes de pianos froides et cette basse légèrement lugubre. RZA suit la mélodie de piano pour le refrain entre un couplet de Ghostface et un autre de Havoc des Mobb Deep, à l’aise dans cette atmosphère magnifiquement morne. Le Ghost quant à lui se pose confortablement sur le down-tempo soulful « I Wish You Were Here » avec le soul singer Tre Williams. « Ill Figures » utilise quatre notes de contrebasse tournant en boucle, suffisant pour recréer l’essence-même de l’esprit Wu. Raekwon suivi des M.O.P et du vétéran Kool G Rap y trouvent leur compte au milieu de cette ambiance à la fois calme et inquiétante. Ce qui n’est pas le cas de l’ambitieux « Sound The Horns », prélude d’une attaque imminente d’un U-God très en forme, Inspectah Deck, aidés de Sadat X des Brand Nubian. Les trompettes sonnent tandis que la sombre basse vibre de manière discontinue et répétée, menaçante.
Si le RZA s’octroie un passage en solo d’un niveau supérieur à sa dernière livraison Digi Snax, il use de son temps de parole sur les diverses parties instrumentales des Revelations pour y répandre sa philosophie.
Contrairement à 8 Diagrams qui a partagé aussi bien le public que les divers membres du clan, Chamber Music mettra plus de monde d’accord. Moins conceptuel et risqué que Wu-Tang Meets The Indie Culture, et court (moins de 40 minutes), les alliances formées entre membres du Wu et individualités extérieures demeurent d’une redoutable efficacité et l’ambiance sonore, très proche du son de RZA des années 90, s’est modernisée dans le bon sens.
Dans la pratique de l’art ninja, il est nécessaire frapper vite et fort dans le camp ennemi au moment où il s’y attend le moins, comme ici en pensant le Wu-Tang en proie à des règlement de compte. C’est gagné.

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