
Bientôt vingt ans après les premiers tours de vinyls des légendaires Cypress Hill, leur frontman B-Real se lance en solo, enfin ! C’était prémédité dès le départ mais il aura fallu deux putains de décennies, quelques featurings épars, notamment sur les albums des D12 (le fameux « American Psycho » orchestré par Dr Dre) et le single « Vato » de Snoop Dogg, plus une trilogie de mixtapes The Gunslinger pour que le MC latino-californien saisisse l’opportunité de faire cavalier seul avec Smoke N Mirrors, accompagné d’une armada de soldats de la Côte Ouest : Xzibit, Snoop Dogg, Sen Dog, Kurupt, Too Short et j’en passe. La musique est une affaire de famille.
Et ce qui paraît dingue, c’est que ce poids lourds de B-Real n’a pas signé en major malgré un CV à l’argumentaire impressionnant, il a opté pour une signature en distribution en indé chez… Duck Down Records. Damn, Duck Down ! Le label de Buckshot et du Bootcamp Clik ! Preuve que le marché underground se porte en très bonne santé, idem pour ce premier album tant attendu qui montre bien que la Westcoast possède encore des ressources inestimables.
Immédiatement, le phrasé si atypique de B-Real fait mouche. Trépidant d’entendre son flow et sa voix sur un long format, accompagné d’un soupçon de nostalgie, le son nocturne « Children of the Night » (feat Bo Roc au chant) produit par Scoop DeVille (samplant les Stylistics) déconcerte légèrement. De toute évidence, il ne s’agit formellement pas d’un semblant d’album des Cypress Hill mais d’un solo de B-Real, avec une musique qui lui ressemble de toute part. Je suis sûr que rien qu’avec ça, beaucoup de fans le suivront. Son single « Don’t Ya Dare Laugh » également produit par Scoop DeVille et featuring Young De (protégé de Kurupt et membre des Tangled Thoughts), ainsi que son remix avec le bestial Xzibit, nous donnait une indication préalable sur la direction que prend Smoke N Mirrors. C’est ce qui explique probablement ce choix de single, franchement bon grâce à cette boucle du célèbre tube « Tom’s Diner » de Suzanne Vega.
Mais rassurez-vous, l’ambiance westcoast et son climat chaudement tendu sont au rendez-vous et ce disque représente B-Real tout craché comme je l’ai souligné quelques lignes auparavant. Déjà la pochette nous est familière, dans le plus pur style des artworks des Cypress : fumée, squelettes, signe d’appartenance à la communauté latino… Il ne manque juste qu’une personne à l’appel : DJ Muggs. Par contre il y a son ancien padawan Alchemist qui lâche le terrible instru de « 6 Minutes ». Paraitrait même que Fredwreck et Will.I.Am devaient figurer sur ce solo, mais aucune trace d’eux. Soit. Les thèmes restent classiquement californiens : des histoires bien écrites de gangs et de règlements de compte dans les ghettos de L.A., de la « Gangsta Muzik » (produite par Soopafly), des allusions à la sainte beuh-er, des brèves de trottoires (« When We’re Fucking » en compagnie de Young De, Kurupt et Too Short dans son costume habituel de mac). Certains instrus ne mentent pas, surtout quand il s’inspirent des pianos à la Dr Dre ou de synthés G-Funk par endroits.
Snoop Dogg est l’une des grosses guests stars de Smoke N Mirrors, il fait une apparition sur le titre « Dr Hypheinstein » dont la particularité est d’être produite par B-Real lui-même ! Incroyable dit comme ça, mais j’avoue personnellement que cette prod une touffe de poils sudiste, et par conséquent un peu HS, ne reflète pas le réel talent insoupçonné de B-Real pour la production. Pour ça, il faudra passer « Fire » avec Damian Marley qui en fera tripper plus d’un avec cette vibe jamaïco-latine unique. Plusieurs pistes plus loin, on retrouve un troisième instru signé B-Real, « 1 Life » avec son vieil homie Sen Dog, morceau qui respire bon le rap chicano (même s’ils ne rappent pas en espagnol sauf au refrain), avec ses trompettes et les guitares sèches. Un autre proche de B-Real n’aurait manqué pour rien au monde de faire honneur de sa présence sur cet album, Sick Jacken pour lancer la « Psycho Realm Revolution » et bien sûr le sergent Buckshot sur « Everything You Want », pour marquer l’alliance Audio Hustlaz/Duck Down. Parmi les titres que je n’ai pas cité, préférez l’oppressant « Get That Dough » à l’oubliable « 10 Steps Behind ».
Le mot de la fin, hé bien rien de spécial à rajouter. Il faut retenir simplement que Smoke N Mirrors est un album très représentatif de B-Real, mettant en valeur ses nombreuses qualités en tant que MC mais aussi producteur. Beaucoup de monde se bouscule au micro pour lui prêter main forte (surtout Young De présent au moins à cinq reprises), ce qui apporte un gain d’intérêt supplémentaire à l’écoute. Les hardcores fans des Cypress Hill se sentiront un petit peu dépaysés mais certainement pas déçus d’entendre B-Real sous son meilleur jour. Il ne manque plus qu’à se faire connaître du jeune public.

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