En dépassant la barre convoitée du million d’albums vendus avec ‘Kamikaze’, Twista a troqué son dentier en or contre un nouveau en platine pour ‘The Day After’ (Atlantic/ Warner). Il est vrai que le succès du précédent opus est significativement et indiscutablement dû, osons le dire, à l’apport de Kanye West avec les deux singles « Slow Jamz » et « Celebrity Overnight », sans compter « So Sexy » feat R Kelly. Mais pour ‘The Day After’, ça se fera sans Kanye, d’une part.
Note: cet album de Twista aurait mérité une pire note si on en restait sur des critères purement rap mais les morceaux r&b sont bons… Plus une tempête tropicale qu’une tornade.
Un défilé de gros noms de la production et faiseurs de tubes ont été conviés, à commencer par The Neptunes, réprésentés en la personne emblématique qu’est Pharrell Williams, alias le célibataire le mieux sappé de l’année 2005. Et même mieux, ce dernier surprend littéralement et pique la vedette à Twista sur « Lavish », accélérant son flow de manière étonnante et facile. Le second tube estampillé ‘Tunes est « When I Get You Home (A.I.O.U.) » avec Jamie Foxx en vedette, et Mr Williams inutile de préciser. On pourrait faire par la même occasion quelques similitudes entre ce morceau et « Celebrity Overnight » : rythmique semblable, mêmes instruments (pianos, violons…). On continue pour passer sur du Scott Storch avec « Get It How You Live », toujours accroché dans des sonorités très tendances du style sous-Dr Dre-bounce-à-la-Lil Jon-version-orientale. Et pis cerise sur le gateau en fin de disque, avec la touche raggaeton (très en vogue) : « Hit The Floor » est un banger fulgurant et rythmé aussi bien par le beat de Mr Collipark (« Wait » et « Salt Shake » des Ying Yang Twins) que par le toasteur de Miami, Pitbull.
À compter la liste des invités, on remarque que plus de la moitié sont des chanteurs r&b. Et quand chanteurs il y a, on retrouve les sempiternels refrains chantés. Enfin, du moment que Twista ne se met pas à pousser la chansonnette, tout ira bien. Dans l’ensemble c’est plutôt bien foutu à entendre le single « Girl Tonite » en compagnie de la révélation r&b de l’année Trey Songz. Même chose pour « Chocolate Fe’s & Redbones », à croire que Twista aime se faire plaisir sur des slows jams. Et c’est pas fini, puisqu’il reste encore le duo avec Mariah Carey, « So Lonely » (prod. Rodney Jerkins), qui est franchement pas mal, et puis « I’m a Winner » qui sample et pitche du R Kelly.
Il est clair la direction artistique tournée vers un mélange rap/ r&b “mainstream” plus accentué est une sorte d’évolution logique, et c’est presque impossible de retourner en arrière. Entendez par là que le succès étant, Twista ne va plus parler de ghettos ou de son vécu mais plutôt de sujets plus à la mode (les parties de dragues, quelques flingues par-ci par-là…) et que les sons uptempos seront beaucoup moins hardcores. Maintenant de toute façon, ce qui intéresse l’auditeur, c’est qui produit telle ou telle track et qui sont les featurings, etc… peu importe si le rappeur en question va déferler sur le micro ou pas. Pour un peu plus pousser la polémique autour de cette recette “tout public” sucré au rythm’n blues qui fait la joie des amateurs de rap, ce genre de formatage dénature complètement ‘The Day After’. Certains auditeurs avaient déjà reproché ce défaut à ‘Kamikaze’, montrant du doigt la trop grosse quantité d’invités et de producteurs dans la mesure où cela rendait l’album moins personnel et hétérogène. Je m’explique : ce sont les invités qui “font” le morceau et non l’artiste lui-même qui impose son style. C’est fort dommage que de n’entendre le flow impressionnant de Twista sur divers environnements qui ne sont pas forcément le sien.
D’ailleurs parlons-en de son flow légendaire, il n’y pas de réelle évolution notable mais un souci d’optimisation. Pour se faire une idée, il suffira de s’écouter le terrible « Heartbeat » avec ses passages de voix déformés et ralentis. Le titre « Do Wrong » avec Lil Kim pourra faire oublier un petit moment la tournure r&bisée de de ‘The Day After’, qui n’en reste pas moins qu’une sortie moyenne. Toutefois, le point de non-retour vient d’être dépassé.