À tous les baduistes de la Terre, la reine mère Erykah arrive avec une missive pour éveiller les consciences endormies de son peuple de New Amerykah. Une nouvelle Erykah Badu, une nouvelle musique soul, une œuvre afro-américaine corps et âme dont voici la première partie sous-titrée 4th World War. Ce thème fort à méditer sert à dépeindre le vrai visage de l’Amérique moderne sous des traits sombres et ensanglantés, pointant du doigt ses plaies ouvertes par le système qui oppresse les minorités de descendants d’immigrés africains, maintenus en esclavage dans les ghettos des Etats-Unis de notre 21e siècle.
Retour en arrière pour commencer l’opus, vers les années 70, dans les années Blaxploitation. Malcom X, Martin Luther King, les Black Panthers, Jimi Hendrix,… la révolution était en marche, le rêve d’un métissage culturel, le combat contre le racisme étaient en route. « AmErykahn Promise » (réprise du morceau du même du groupe RAMP produit par l’illustre Roy Ayers) part de cette racine, de l’espoir de cette ère nouvelle, dans laquelle Erykah est née et a grandit, de cette époque pas si ‘peace & love’ pendant laquelle les communautés black ont lancé des affronts dans la volonté d’améliorer leur existence et leurs droits. « Je t’aimerai œil pour œil, dent pour dent (trad) » lance-t-elle dans ce flashback musical qui rappelle un moment clé de cette lutte pour la liberté. Trente ans plus tard, l’aube de ce rêve américain se trouve sous les ruines des archives de l’histoire, le combat continue encore sous une autre forme même si certaines choses se sont améliorées, en façade.
Retour à la dure réalité. Pour passer le message dans sa musique nusoul, Erykah Badu utilise le biais du Hip Hop grâce à des producteurs à la pointe de l’innovation : Madlib et les Sa-Ra Creative Partners, ainsi que Jay Electronica à l’éxecutif. Mais d’abord il faut sortir le Hip Hop de son coma artificiel, c’est là qu’elle apporte son remède avec le madlibien « The Healer/Hip Hop », une chanson structurée sous la forme d’un dialogue entre la guérisseuse et des enfants, où l’on retient ces phrases comme « c’est plus grand que la religion » et « que le gouvernement » (trad). L’appel est lancé avec « My People », hypnotique et inspiré, autrement dit subliminal et pas très accessible aux néophytes. Lorsque la divinité nusoul rencontre les beats épurés d’Otis Jackson Jr, l’alchimie est très ‘expéri-mentale’.
Il en est de même avec les rythmiques cosmiques des Sa-Ra, à commencer par « Me », une chanson très personnelle sur laquelle Erykah se dévoile sans indiscrétion et raconte comment elle puise dans sa Foi intérieure. Avec des morceaux comme « The Cell », « Soldier » (prod. Kariem Riggins) et le planant « My Hump », Badu traite de divers problèmes de sociétés relatifs aux minorités : les effets de l’addiction à la drogue, le schéma routinier des plus démunis, les ghettos qui emprisonnent les esprits des gens… Cette prise de conscience de ses revendications est véhiculé implicitement par un diaporama d’images fortes, tant par ses métaphores allusives que par les dessins qui illustrent le livret. Et ça peut aller très loin, comme c’est le cas de « Twinkle », une expérimentation psychédélique pour le moins bizarroïde. Son outro influencée par la science-fiction dark a de quoi laisser perplexe, à cause de ce mystérieux langage biocybernétique juste avant le texte de Shafik Husayn.
Deux autres chanteurs ont eu le privilège de participer à ce disque : le discret Bilal, qui fait les backs, et Georgia Ann Muldrow, qui croise ses paroles avec celles d’Erykah par-dessus un sample de Curtis Mayfield sur « Master Teacher ». Le meilleur se trouve, comme le dit l’adage, pour la fin : un superbe hommage à Jay Dee aka J Dilla avec « Telephone », un down-tempo soulful à la Eddie Kendricks, écrit et composé par Erykah Badu, ?uestlove des The Roots et James Poyser aux Rhodes. « Telephone, it’s Ol Dirty… » commence-t-elle, le trouble est absolu, physique et mental, c’est bouleversant.
Le single « Honey », nectar de soul résultant du fruit de l’émancipation de 9th Wonder, n’arrive qu’en bonus track. Et pour cause, cette chanson se démarque sensiblement des dix-titres de ce Part One. Ne manquez pas non plus de regarder sa vidéo génialissime qui fait la rétrospective discographique en image des grands moments de la black music, soul, r&b et rap. Le temps de s’habituer petit à petit aux émanations mystiques et de se remettre de la vendetta psychologique de ce premier volet de New Amerykah, on languit déjà de s’approprier la suite prévue pour cet été.
NB : Pour ceux qui seraient intéressés par les travaux des Sa-Ra Creative Partners, l’apprentissage de leur univers sonore avec Hollywood Recordings (sorti en 2007 chez Babygrande Records) est grandement recommandé.
(chronique écrite le 10 Mars 2008 pour Rap2K.com)
Très bon album je suis encore sur le choc des prods de Madlib et 9th Wonder lache une ecellente prod c’est bizarre il lache ses prods aux femmes (Jean Grae avec « Jeanius » ,les Destiny Child’s avec « Girls »
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