Fâché des maigres score de vente de ‘Purple Haze’ (pourtant disque d’or) et de la promotion un peu marinée depuis que Roc A Fella a splitté chez Def Jam l’année dernière, Cam’Ron n’était pas content: il a claqué la porte au nez de Dame Dash, fait un bras d’honneur à Jay-Z et s’est tiré aussi sec trouver asile sur Asylum Records (filiale de Warner). Il en a même oublié Juelz Santana chez Def Jam. Après une brève apparition sur la mixtape ‘More Than Music Vol.1’, le leader des Diplomats a bien fait savoir ses ressentiments envers son ancien patron du ROC, avec des vieilles attaques et diss-tracks (dont « Wet Wipes » produit par The Alchemist) à vocation pûrement lucrative. Entre nous, il fallait s’y attendre depuis le temps.
Mais les spots ne sont pas braqués sur lui, du moins pas autant qu’il ne l’espérait, d’autant plus que Jayhova n’est pas entré dans son jeu. Il faut savoir que maintenant les beefs commencent à ne plus faire vraiment recette et Cam’Ron a accusé le contre-coup. En addition, les rumeurs de mésententes au sein des Dipset n’arrangent pas vraiment les choses en sa faveur depuis que les artistes en violet sont un peu éparpillés sur différents labels maintenant. Voilà un peu le contexte de la sortie presqu’anonyme, en France du moins, de ‘Killa Season’, le 5e album de Cam.
Après une introduction bien menée, « He Tried To Play Me » fait déjà peur quand Cam’Ron et Hell Rell se mettent à chanter (faux) mais « Leave Her Alone » rassure direct avec son sample de voix pitchée. Reste que Heatmakers encore une fois se fait remarquer dans le lot (« I.B.S. ») parmi la liste de producteurs pratiquement inconnus du public. Lil Wayne, grand fan de Jay-Z, fait un peu de figuration sur « Touch It Or Not » et la chanteuse Nicole Wray sur un titre ‘no homo’ (« Love My Life »). Lyricalement parlant, Killa Cam a fait quelques efforts notables, son flow a une allure plus soutenue voire accelérée (c’est relatif) sur « We Make Change », sans prise de risques et autres excentricités cette fois côté instrumentaux: c’est plat, il manque du rebondissement et du relief. La chose que Cam a apparemment oublié en partant de chez Roc A Fella, c’est qu’il n’aurait plus le soutien d’un Kanye West ou Just Blaze. C’est bien là le problème de ‘Killa Season’ : on connaît la chanson, les morceaux se suivent et se ressemblent pendant plus d’une longue heure. Mis à part ces critiques faciles, Cam’Ron reste un bonhomme assez imprévisible tout de même. Dans un fond étonnament conscient, « Get Ya Gun » parle de violence chez la jeunesse, tandis que dans un registre typiquement Dipset, « White Girl », « Girls, Cash & Cars » et « Get ‘Em Daddy (remix) » feat Hell Rell, JR Writer et Jim Jones (qui sample Carmina Burana) plaisent et font mal. Avec le recul, ce disque ressemble plus à des morceaux de mixtapes collés les uns à la suite des autres.
Un score de 100 000 ventes la première semaine de sa sortie aux Etats Unis témoignent bien de la fidélité de ses fans mais il faut avouer que Juelz Santana lui vole la vedette désormais, et même Jim Jones si l’ont tient compte du fait qu’il se trouve en indépendant (chez Koch Records). Si le mouvement des Dispet continue de grossir et maintenir une emprise significative sur le marché du disque et des mixtapes, Cam’Ron ne paraît plus en mesure d’avoir la carrure de chef de file, seulement le titre de meneur. Car justement Jim et Juelz paraîssent plus en vogue artistiquement et médiatiquement parlant, sans compter les petits nouveaux (Hell Rell, J.R.Writer…). A l’heure qu’il est, dire que la période de ‘Come Home With Me’ était l’apogée de sa carrière n’est pas faux.