Cette sortie n’en a pas l’air mais Gutter Rainbows est un mini-événement en soi. Ce quatrième album de Talib Kweli marque une étape importante dans sa carrière : il s’agit de son premier solo officiel publié en indépendant (Talib est normalement signé en licence chez Warner via son label BlackSmith). Lorsqu’on observe à quel point les rappeurs signés en major voient leurs projets dénaturés (T.I., Lupe Fiasco, Redman par exemple) et le manque de promo autour de Reflection Eternal 2 (lire la chronique), ce choix semble réfléchi et pour le moins ambitieux.
Afin de satisfaire un maximum faerns en cette ère du tout numérique, Gutter Rainbows est d’abord album digital relayé par Javotti Media, mais dont les sorties physiques sont assurées par Duck Down Records, le label indé new-yorkais le plus actif depuis le début du millénaire. Ce changement de procédé s’accompagne également par un rassemblement de producteurs et artistes les plus en vue de l’indie hip-hop : S1, Marco Polo, Sean Price, Oh No, Outasight, la femcee Jean Grae et les retrouvailles avec 88-Keys pour la première fois depuis l’album des Black Star. Ce dernier ouvre l’opus avec le rayonnant « After The Rain », introduisant le titre « Gutter Rainbows » qui définit le concept dudit disque de poésie urbaine.
Le BK MC demeure fidèle à lui-même : ‘vrai’, ‘real’ si vous préférez. Le flow, les lyrics, tout y est et c’est tout ce qui nous importe. On le sent libre de faire ce qu’il lui plaît en posant aux côtés de Sean Price (« Palookas ») ou la redoutable Jean Grae sur les orgues de « Uh Oh ». Le piano utilisé sur le instrumental de Ski-Beats sur le superbe extrait « Cold Rain » me rappelle un peu « Get By », Talib sait où il met les pieds et les syllabes. Les grooves jazzy sont bien heureusement au rendez-vous, omniprésents sur la plupart des morcea, de « Mr International », « Wait On You » feat Kendra Ross jusqu’au dansant « Ain’t Waitin » avec Outasight en mode crooner sur le refrain. Les puristes hip-hop en auront pour leurs frais en se passant « I’m On One », sur lequel Khrysis sample les Beastie Boys, « Palookas » et sur une note plus légère « Self Savior » feat Chace Infinite.
A part quelques titres en dessous (« Tater Tot », « How You Love Me » et le sincère « Friends & Family ») mais hormis ces carences, il n’y rien de particulier à déplorer. Gutter Rainbows n’est pas un album underground dans le fond contrairement à ce que cette incursion en indépendant laissait croire. C’est en tout état de cause un album de Talib Kweli comme un autre, toujours très bon, passionné et consistant, sauf qu’il bénéficie de moins de moyens. Pour le gros morceau mainstream, il faudra attendre prochainement Prisonner of Consciousness.

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