Le 8 Aout 2015, nous apprenions à notre grande stupeur la disparition du rappeur de Brownsville et membre du Boot Camp Clik, Sean Price, parti dans son sommeil alors qu’il n’avait que 43 ans. Deux ans plus tard, jour pour jour, Duck Down Records sort en avant-première sur les plateformes digitales Imperius Rex, contenant des enregistrements de celui qu’on considérait comme le meilleur MC underground vivant. Enfin, le successeur à Mic Tyson paru en 2012, autrement dit il y a une éternité! là où repose désormais Sean P. César est mort, longue vie au roi des singes !
Rendez-vous compte, les derniers instants de Sean Price sont scellés sur cette galette designée telle une pièce de monnaie à son effigie. Et ça démarre fort avec le morceau-titre « Imperius Rex » produit par Alchemist pour affirmer sa supériorité d’entrée. Quel monstre il est… était ! Dur se s’y faire honnêtement. Pour « Dead or Alive« , 4th Disciple sample carrément les choeurs du thème de Darth Maul dans Star Wars: la Menace Fantôme, pour donner lui redonner toute sa grandeur. À ses côté, sa femme Bernadette dont on découvre les talents de kickeuse. Ce projet concentre tout ce qu’on appréciait dans les albums de Sean Price, ce rap hardcore et boom-bap, des rimes herculéennes et autres punchlines musclées crachées par des poumons dégageant un râle devenu de plus en plus grave et prononcé avec l’âge (problèmes respiratoires?). Ne le testez pas, tout le monde en prend pour son grade, en particulier sur « Refregirator P« , « Rap Professor« , apartheid avec un couplet dangereux de Buckshot commençant par « If Ruck don’t like you, Buck don’t like you » (en plaçant une ensuite pour Phife Dawg). Il arrive comme sur « Church Bells » qu’il donne des coups sans prévenir (« Fuck faggots, unrequited love is the message« ).
Sur la forme, aucun reproche à faire sur cet opus qui à vrai dire ne possède pratiquement pas ces caractéristiques typiques de l’album rap posthume habituel (par là j’entends du bricolage grossier réalisé en studio avec des beats mal choisis ou une qualité d’enregistrement douteuse), bien que les featurings présents peuvent très bien avoir été ajoutés postérieurement à sa mort. Et ils sont nombreux ces autres mastodontes du mic venus donner plus de poids et de stature à Imperius Rex. Rencontre au sommet sur « Clans And Clik » entre le Boot Camp, représenté par les tandems Heltah Skeltah (dont fait partie P) et les Smiff-N-Wessun, qui se confronte à des généraux du Wu-Tang, Method Man, Raekwon et Inspectah Deck, avec une prod de Nottz comme parfait terrain de jeu. En parlant de la lettre P, Sean Price forme avec Prodigy et Styles P un triangle inattaquable de morts-vivants (…) sur « The 3 Lyrical P’s« , avec cette fois un très gros instru de Harry Fraud pour mettre tout le monde d’accord. Autre collaboration inratable, « Negus » (signification royale du mot Noir, terme déjà utilisé par Kendrick Lamar sur To Pimp a Butterfly, NdR) avec DOOM, qui produit ce beat incroyable avec ces bagues de basses mortelles. Pour l’anecdote, ce titre inédit figurera sur le prochain opus de DOOM. Et ce n’est pas tout à fait fini pour les invités puisque Vic Spencer, Junior Reid ou encore Freeway sont de la célébration.
Imperius Rex est bien plus qu’un hommage à la mémoire de notre colosse de Brownsville. Sean Price reprend vie parce qu’on écoute un vrai disque, comme s’il a été bouclé par son auteur la semaine dernière et ça n’a rien d’une vague impression. C’est solide comme un roc, pas forcément esthétique ou ultra-moderne mais indestructible, conçu pour résister à l’épreuve du temps. Bravo au travail de la team de Duck Down Music et de sa femme Bernadette Price pour cette réalisation. Peut-on espérer maintenant la suite de Random Axe, le super-groupe qu’il formait avec Guilty Simpson et Black Milk? Je lance un appel à Dru Ha.