Dans le cercle très fermé des lyricistes d’exception, GZA the Genius fait partie d’une élite de plus en plus écartée du commun du rap. Surtout que pendant 8 Diagrams, réunification tristement ratée du Wu-Tang, je lui avais principalement reproché d’avoir été trop discret par rapport au reste du groupe, dans lequel Ghostface, Method Man et Raekwon ont littéralement crevé les enceintes. Pro Tools (Liquid Swords Entertainment/ Babygrande) est le nom de son cinquième album solo, supervisé par Dreddy Krueger (fondateur du label Think Differently Music), et fait suite à Grandmasters, son face-à-face aux échecs avec DJ Muggs. Protools est aussi le nom du logiciel préféré des producteurs grâce à sa facilité d’utilisation. Or la signification est toute autre lorsqu’on fait référence à GZA. En décortiquant soigneusement ce nom ‘pro tools’ (‘outils [de] professionnels’ en français), cela évoque quelque chose d’artisanal, de très pointu, destiné à de véritables initiés, si possible des inconditionnels du Wu. Si vous avez pour habitude d’écouter un album de rap américain seulement pour les prods et le flow, vous n’êtes pas prêts pour l’excellence lyricale de GZA.
Le microphone n’est pas l’arme fatale du GZA, c’est sa plume aiguisée, avec laquelle il écrit ses vers avec des lettres de noblesse et ses fictions ponctuées de rimes absolument géniales. C’est par cet outil pour l’écriture qu’il a accouché ses plus beaux textes, c’est pourquoi « Pencil » est le premier morceau qui suit la « Intromental » de Pro Tools, pour appuyer sa primordialité. Masta Killa et le cousin RZA, qui offre un couplet supérieur à ce qu’il a rappé sur son Digi Snax, viennent chacun leur tour faire part de leur métaphores sur ce titre. Mathematics réalise le beat de cette démonstration d’art littéraire de rue, c’est assez curieux quand on y pense. Vous l’aurez deviné, GZA est un MC qui l’on apprend à apprécier pour la qualité de ses textes, le beat n’est juste qu’une toile de fond pour accompagner son flow narratif. Ensuite, on en arrive naturellement au second élément important qui fait la force de son talent, qu’il étend sur « Alphabets ». Nul besoin de ‘quoter’ ses lyrics, car il faudrait – dans un souci d’équité – tous les faire lire. Avis aux anglophiles. Parmi ses prestations les plus extraordinaires, il y a « 0% Finance », où le génie déballe 104 rimes non-stop (!) et sans refrain sur un beat cadencé par une guitare basse. La prouesse est qu’il parvient à attirer notre intention sur ce thème socio-économique du début à la fin de la track, même s’il manque un peu d’intonations pour parfaire son style. L’autre morceau grandiose est précédé par « Cinema » (feat Justice Kareem), un son qui fait froid dans le dos où l’on mesure un peu mieux l’ampleur de son don pour la narration qu’il a continué de faire progresser. J’aimerai comparer ce travail aux vieilles émissions de radio qui contait des polars, à l’époque où le poste de télévision n’existait pas encore. Tout ça pour en arriver à « Life Is A Movie », très cinématographique à juste titre, une ambiance incroyable servie par une production de RZA, très calé dans ce domaine puisqu’il a déjà pas mal de bande originales de films à son actif comme vous le savez.
La musique ne sert que d’habillage pour poser le décor, donner du relief à ses histoires. Il n’y a rien à redire sur le choix de ses producteurs, peu connus pour la plupart mais qui portent aussi la casquette de rappeur. C’est le cas de True Master, qui produit « Alphabets » et qui rappe avec GZA sur « Columbian Ties », un instru plutôt brumeux servi par Bronze Nazareth, et Rock Marcy qui a conçu « Firehouse » et pose un couplet sur « Short Race », un autre bon titre produit par Arabian Knight, l’ingénieur du son préposé à Pro Tools. En revenant à « Firehouse », la parole est laissée à Ka, GZA ne s’occupe que du refrain. Black Milk vient pulser le MC sur « 7 Pounds » avec ses caisses claires caractéristiques programmées dans sa MPC. Quelques mots pour parler aussi du soulful « Path Of Destruction », où le GZA partage son pessimisme quant à a délinquance juvénile qui sévit dans les rues. Pour finir par une joute verbale de haute volée, la plus extra-fine du Wu dévoile sa rancœur envers 50 Cent sur « Paper Plates ». Il est vrai que ce n’est pas utile de sa part d’avoir commis un diss cinglant envers Fifty mais GZA n’a clairement pas l’intention de se faire remarquer, ce n’est pas ce morceau qui fera décoller ses ventes et il en conscient. Il avait simplement envie d’exprimer les torts de 50 et son crew par rapport à tout le mal qu’ils ont causé au Hip-Hop en général et mettre le doigt sur le fait qu’ils ont des ‘skills’ de rappeurs de supermarché. Le but de cette moquerie a pour but de montrer la gravité de leurs méfaits.
Que rajouter de plus, Pro Tools est une nouvelle pierre de taille à l’édifice combien immense qu’est le Wu-Tang Clan, un petit chef d’œuvre qui vient s’ajouter dans la discographie très solide de GZA. Je tâcherai prochainement de chroniquer son classique Liquid Swords quand j’aurai plus de temps devant moi.
Excellent.
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Voila ce que j’appelle du bon gros son !!!*=*!!!
GZA prouve une fois encore comme si il le fallait encore , qu il fait partie intégrante de la scène Rap Hip Hop U.S underground qui reste prolifique et a des choses à dire ! ( et c’est peu dl dire héhé !!!)
Bref , un album sans faute pour moi !
GZA 1
BABYLON 0
Peace GZA !!!
By DJ DemonAngel
GZA/Genius – Firehouse (featuring Ka)
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Album à l’image du Wu pour moi : sombre, homogène et sérieux. GZA reste dans son univers si particulier sans tenter de s’aventurer vers d’autres horizons. Reste quelques track nettement au dessus du lot. Néanmoins comme tu le dis, si on parle pas anglais couramment le skeud prend une tout autre dimension. Dans ce cas j’ai trouvé que le disque était un peu redondant.
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Ah, j’ai oublié de le dire, mais cette chronique est géniale… tout comme le site dans son ensemble :)
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Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais je le dis au cas où…
Le Genius vient à Paris et Marseille en novembre pour un set « Liquid Swords » ! Avis aux amateurs, mais je suppose qu’ils sont nombreux ici :p
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Ouais un bon album que j’attendais pas du tout. Plutot focalisé sur d’autres sorties mais au final en l’écoutant j’ai eu une trés belle surprise.
Content aussi d’avoir d’autres prodos que RZA sur ce skeud car faut dire que j’ai beaucoup de mal a accrocher a ce qu’il a produit récemment avec son album que j’ai trouvé bien bien faible pour ma part.
Côté lyrics de GZA, j’suis pas bilingue pour resortir les couplets ou GZA tue mais dans l’ensemble, c’est un bon projet
14/20
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« Si vous avez pour habitude d’écouter un album de rap américain seulement pour les prods et le flow, vous n’êtes pas prêts pour l’excellence lyricale de GZA. »
Cette unique phrase résume parfaitement l’artiste.
Sinon un bon album qui passe tranquille mais des passages un peu faibles malheureusement où la pression retombe, dommage.
Mention à « Paper Plate », une vraie tuerie…
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