Nas « Stillmatic » @@@@½©


Chez cette personne, on peut beaucoup apprécier Nas le rappeur de génie et à contrario très peu Nasir Jones, l’homme, la personnalité parfois contradictoire, distante et manquant d’humilité. Depuis son grand classique Illmatic (lire la chronique), la fine plume de Queensbridge s’était un peu reposée sur ses lauriers et partait un peu à la dérive. En effet, Nas a eu sa période ‘bling bling’ peu glorieuse avec les succès commerciaux I Am… et surtout Nastradamus. Mais la claque en pleine figure que lui a balancé Jay-Z avec son « Takeover » à la rentrée 2001 lui a brusquement remis les idées en place. Voilà comment après Nas Escobar, Nasty Nas et Nastradamus, cette ‘suite’ de son premier classique, livrée à la mi-Décembre de cette année-là, aurait pu s’appeler ‘Nas se rebiffe’.

Car Stillmatic, comme vous pouvez le constater, est un néologisme fort bien formulé pour signaler un véritable retour aux sources du MC. A l’image de « Destroy & Rebuild« , une production de Baby Paul sonnant particulièrement QB à l’ancienne, Nas démontre cette renaissance autant artistique que rapologique du rappeur. De plus, il en profite pour se réapproprier la suprématie de son ‘borough’ que les Mobb Deep lui avaient soufflé. Nas règle ses comptes et reprend du grade en répondant à « Takeover » avec un revers féroce devenu célèbre, le diss « Ether« , destiné à ‘Gay-Z’ et ses potes de ‘Cock A Fella’. New-York et le rap game vivaient en cet instant l’une de ses plus grandes batailles verbales. On sent bien que Nas perdu un peu de son sang froid en étant plus virulent que son rival, il réutilise même au début de cet intstru impérial (servi par Ron Brownz) le « Fuck Jay-Z » scandé par 2Pac sur son titre posthume « Fuck Friendz« . Cependant c’est une très belle passe d’arme, surtout quand il retourne le slogan « I will not lose » envers Jay-Z. C’est de bonne guerre. De nos jours, des sondages font encore rage pour essayer de déterminer lequel des deux MCs a remporté cette manche, et les résultats sont toujours aussi serrés.

Cet opus est nettement moins clinquant que ses trois prédecesseurs, ce qui n’empêche pas Nas de montrer ses S.E.C. (signes extérieurs de richesse, NdR) comme sur la pochette, avec une attitude old school à la Rakim ou Big Daddy Kane, qui peut être interprété aussi comme un clin d’oeil au pionnier MC Shan. Stillmatic est – par corollaire – beaucoup plus sérieux et sombre, mais il n’avait plus trop le choix s’il voulait récupérer une forte crédibilité. « Got Urself A … » (produit par un Megahertz magistral), bel hommage aux soldats disparus, remettait les pendules à l’heure. mais la perle de l’album est le second morceau à avoir été choisit comme single, c’est-à-dire « One Mic« . Un beat épuré de Chucky Thompson avec un texte efficace qui grimpe en intensité au fur et à mesure, jusqu’au paroxysme atteint à la fin de chaque couplet avant de retrouver une accalmie pendant le refrain. Pas de doute, c’est du très grand Nas. Et si vous voulez retrouver tout le talent de ce lyriciste d’exception, écoutez les pistes « My Country » et « What Goes Around« .

Les bonnes surprises de Stillmatic résident dans ses nombreuses retrouvailles, à commencer avec son pote d’Illmatic, AZ, qui avait rappé sur le classique « Life’s A Bitch« . Bien que la raison de ce duo est motivée par des raisons financières plutôt qu’au nom de leur bonne vielle amitié, on ne boudera notre plaisir à l’écoute de « The Flyest » produit par L.E.S., proche collaborateur de Nas et qui n’est autre que le producteur de « Life’s A Bitch« . Autre collaboration de prestige, DJ Premier, qui produit le superbe « 2nd Childhood » adapté exclusivement au flow de Nas. Ambiance new-yorkaise jusqu’aux tréfonds, immense moment de jubilation, on en oublierait presque « Nas Is Like » malgré l’estime que l’on doit pour ce chef d’oeuvre. C’est depuis ce moment magique que l’on espère tous voir un jour arriver un album de Nas intégralement réalisé par Primo. Stillmatic ne serait pas le successeur de Illmatic sans la participation de Large Professor. Il crée ici des beats sur-mesure que sont « Rewind » et « I’m Da Man« . Manque Pete Rock à l’appel pour recréer complètement l’atmosphère du premier album…

Le défaut mineur de l’album se situe plus au niveaux de certains instrumentaux sans grande valeur ajoutée. Je pense en particulier à « Rule » feat Amerie, où les Trackmasters utilisent grassement un sample connudes Tears for Fears histoire de faire un hit potentiel, un peu comme il l’avait déjà fait avec « New World » en reprenant une portion de « Africa » du groupe Toto. Pour continuer de discuter de la conception de Stillmatic, sachez que Nas y a débuté à la production avec « Smokin« , avec une ligne de basse à faire pâlir de jalousie Havoc. Si vous avez la chance d’avoir le morceau « Braveheart Party » (pas un des meilleurs de l’opus mais relativement dansant), produit par Swizz Beatz et avec Mary J Blige et ses protégés les Bravehearts, sachez que vous possédez un disque ‘collector’. Effectivement, pour la petite histoire, ce morceau a été retiré de la trackliste quelques mois tard, lors de sa réimpression en Avril 2002 parce que la chanteuse « ne voulait pas être interposée dans le beef entre Nas et Jay-Z », vu qu’elle était plutôt dans le camp de Jigga.

On peut dire aujourd’hui que Stillmatic arrive largement à la cheville de son antécédent Illmatic, chose impossible à imaginer en plein feu de l’action, dans le contexte tendu de sa commercialisation. Sauf pour The Source qui l’avait affublé d’un ‘cinq micros’. Le retour en force a été marquant, c’est un nouveau revirement bénéfique dans la carrière de Nas. Son cinquième opus est incontestablement un des meilleurs albums de sa carrière, brut et honnête. A-t-il fait mieux que Illmatic ? Nas a cité lui-même dans l’intro qu’il n’en puisse être capable, mais il aura fallu des années de recul jusqu’à maintenant pour que certains fans puissent se convaincre qu’il s’agisse bel et bien d’un classique, mais moins facilement que The Blueprint de Jay-Z. Il n’est plus question de faire un choix entre l’un ou l’autre, ni d’afficher ses préférences, la polémique n’a plus lieu d’être, le débat est clôt. The rest is history.

(chronique originale écrite le 8 Septembre 2004 pour Rap2K.com réécrite le 18 Juillet 2008)

3 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Final dit :

    Salut, c’est vrai que cet album est bon, et que le precedent, Nastradamus est vraiment catastrophique. Mais je trouve par contre que I AM n’est pas si mauvais que ça. Et si on fait un mix entre I AM et Nastradamus on aurait pu avoir un très très grand album, c’est d’ailleurs ce que perso j’avais fait à l’épque sur cassette :o). Je peux fournir la tracklist si il faut mais ses textes sont très bons et très sociaux sur I AM. Qu’en pensez-vous ?

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  2. Davidkay dit :

    C’est bien gentil Nas (c’est mon album préféré de lui) mais à quand des chroniques de Jay-Z ?

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  3. Sora dit :

    Très bonne chronique, un de mes albums préféré de Nas. Je voulais savoir si une retro de I am etait prévu, ke sais que c’est un de ces albums les moins bon, mais il est quand même bien au dessus de Nastradamus et a des sons exellent.

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