Jermaine Lamarr Cole est le premier rappeur signé chez Roc Nation, le label créé par Jay-Z après son départ de la présidence de Def Jam Recordings. Forcément, tout le monde voulait savoir ce que valait ce rookie originaire de Caroline du Nord, tester à quel point il était fort, puisque Jigga l’a repéré rien qu’en écoutant sa mixtape The Come Up. Le début de l’histoire de J Cole est quelque peu commune à tous les rookies de la ‘génération mp3’, en faisant ses gammes grâce à mixtapes de bonne facture et des apparitions très ciblées. Rien de bien incroyable jusque-là.
Mais le destin de ce jeune rappeur qui posait sur « A Star Is Born » aux côtés de son mentor Jay-Z s’est heurté à un adversaire de taille : la rumeur. Accompagnant les annonces du report de son album Cole World : The Sideline Story, les rumeurs allaient bon train : le management de Roc Nation était sur le point de le lâcher, les morceaux qu’il a enregistré ne convenaient pas, Jay-Z était agacé et une sale blague pour clore le tout, la menace d’une diffusion d’une sextape le montrant lui et Rihanna. Cette situation a amené J Cole à être constamment sur la défensive dans les médias.
Comme si ces attaques et la pression ne suffisaient pas, ses singles (« Who Dat », « Work Out ») ne scoraient pas suffisamment auprès du public rap alors que les feedbacks de ses mixtapes The Warm Up et Friday Night Lights étaient positifs. La mauvaise presse a probablement eu raison de l’engouement autour du rappeur. L’arrivée Cole World allait mettre un terme à toutes ces incompréhensions. Reste une question en suspend : J Cole n’a-t-il finalement pas été surestimé ?
Plusieurs écoutes attentives de ce premier opus ont permis d’aboutir au constat suivant : l’espoir J Cole est un bon rappeur, comme un tas d’autres, dont le principal avantage est qu’il se débrouille très bien au niveau de la production. À vrai dire, tous ceux qui l’ont suivi jusqu’à aujourd’hui savaient déjà à quoi s’attendre de sa part, donc ni surprise, ni déception. Parmi les appréhensions que certains avaient raison d’avoir, ce sont les refrains, souvent chantés (au mieux il essaie de chanter correctement). D’ailleurs, on le surprend fredonner « Straight Up » de la chanteuse pop Paula Abdul (qui fut un gros tube du début des années 90) sur son single « Work Out ». En passant, ce sympathique morceau agrémenté de vocoder est en bonus track. Mais toujours est-il que la majorité des refrains sont effectivement passables, autrement dit, inefficaces.
Ses morceaux suivent pratiquement tous le format ô combien académique couplet – refrain (chanté) – couplet, le tout servi sur un instru travaillé, voire même très bon (« God’s Gift », « Sideline Story » avec son piano) grâce à un bon apprentissage du sampling. Il s’aventure même dans des sonorités dubstep sur « Mr Nice Watch » qui invite Jay-Z. Au sujet des featurings, en dehors des prestations insipides de Trey Songz, présent sur le single « Can’t Get Enough » aux influences caribéennes, et d’un Drake soporifique à mort, Missy Elliott est la vraie surprise de l’album.
Aussi sincère soit-il dans ses lyrics (« A Dollar and a Dream III », la voix tremblante sur « Lost Ones »), les histoires de J Cole sont ordinaires sans être extras. Il lui manque ce truc en plus dans la narration qui aurait pu faire la différence. Son flow se situe dans la moyenne, un peu sudiste ici, un peu dans les standards eastcoast là. Sur ces différents points, mention « bon mais sans plus ».
J Cole a des qualités, sa polyvalence surtout, mais il se cherche encore. Il a les traits d’un élève qui s’atèle à travailler convenablement, cependant l’assurance qu’il affiche est inutile s’il manque de personnalité. À titre de comparaison, les débuts de Lupe Fiasco ou Kid Cudi étaient beaucoup plus prometteurs. Il y a aussi comme un décalage entre ses ‘rap skills’ et son degré de maturité de ses propres productions.
Au bout du compte, Cole World confirme simplement ce à quoi on s’attendait tous. De là, à dire que cet album est intemporel comme J Cole l’a lui-même déclaré dans la presse, c’est aussi présomptueux que prématuré. Peut-être que s’il y avait plus de titres de l’acabit de « Lights Please », « Sideline Story » ou « God’s Gift », il aurait eu un peu l’étoffe d’un numéro 1. Ce sera le mot de la fin.