A la fin de l’été 2010, j’osais espérer passer la prochaine période estivale avec Detox. Au lieu de quoi, dans mon iPod sont listées d’autres très bons crus westcoast tels que Book of David de DJ Quik, Doggumentary de Snoop (en ayant pris le soin de supprimer « Sweat »), From the Westside with Love II de Dom Kennedy et le petit nouveau Kendrick Lamar avec Section.80. Attention, nouveau talent !
Ce jeune rappeur de Los Angeles fait partie de cette génération qui se donne les moyens de faire (re)connaître leur musique grâce à Internet, un univers digital impitoyable où le goût du public et l’avis des sites spécialisés sont les principaux facteurs de propagation d’un artiste en devenir. Et son buzz s’est matérialisé dans le monde réel, et son nom n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd : Dr Dre l’a personnellement approché et, photo à l’appui, lui et Kendrick se sont enfermés ensemble en studio. Avec J.Cole aussi. Le protégé de Jay-Z aussi lui a réalisé l’instru de « HiiiPower », qui fut le premier extrait du prometteur Section.80.
Comme Dre, Kendrick est originaire de Compton, berceau historique du gangsta rap. Et force est de constater que deux générations après les N.W.A., ce quartier où les gangs font la loi engendre encore des rappeurs avec une fibre sociale dans leurs propos. Pur produit post-« Ronald Reagan Era », période des années 80 durant laquelle les ghettos américains ont connu une montée de violence, Kendrick narre le racisme silencieux entre les différentes communautés sur le titre choc « Fuck Your Ethnicity », lui qui était encore un bambin quand ont eu lieu les émeutes de 92 à LA. La misère de la population environnante est aussi un sujet de préoccupation de Kendrick, ces gens qui n’ont plus que les rêves comme semblant d’espoir (« Poe Mans Dreams » feat GLC).
Les propos sont plus dérangeants qu’ils en ont l’air lorsqu’on retire le voile de l’ironie et des métaphores, laissant parfois la place à des lyrics crus (« The Spiteful Chant » feat Schoolboy Q). L’écriture est un des talents de Kendrick Lamar, doublé d’un flow à plusieurs vitesses. Quitte à tricher sur les ralentis avec du screwed and chopped sur le suave « Blow My High ». Utilisant un sample de « 4 Page Letter » d’Aaliyah, le refrain de ce titre est l’occasion de rendre hommage à la mémoire de la chanteuse. D’autres instrus très locaux nous font flotter sur un nuage de weed (« Kush and Corinthians » feat BJ The Chicago Kid, « Hol’Up » et le planant « ADHD »), avec un brin de nouveauté et de fraîcheur qui témoignent du renouvellement bienvenu que subit la scène westcoast.
Des gens penseront que c’est l’adoubement de Dr Dre qui sera probablement le point de départ d’un avenir radieux pour Kendrick Lamar. Section.80 démontre que la chance n’a rien à voir avec ça, ce garçon a les compétences pour suivre son propre chemin, et aller loin.

Postez vos avis!