C’est le retour des séniors dans le rap game: Bun B des UGK, Ice Cube et Too Short bientôt,… Comme tout rappeur un peu dépassé par les événements et déclassé par la nouvelle génération, E-40 a subi une baisse de régime qui s’est ressentie sur ‘Breaking News’, sorti en 2003. Pourtant cet ambassadeur de la Bay Area porte beaucoup d’estime et de mérite, il est bourré d’humour et c’est un pro du jeu de mots et néologisme. Ce n’est pas pour rien qu’il porte le titre du ‘undisputed King of Slang’ (le « Fo’ shizzle my nizzle » c’est de lui) . Après une discographie bien remplie depuis ses débuts en 1993 (neuf albums dont on retiendra « In A Major Way ») résumée en un best of sorti en 2004 (‘Best Of E-40: Yesterday, Today & Tomorrow’), E-40 refait peau neuve en ayant signé sur le label du King Of Crunk, BME Recordings. Pour ce retour en trombe, c’est du tout frais, c’est du son Hyphy, c’est ‘My Ghetto Report Card’.
Chronique originale écrite le 5 Avril 2006
Mais d’abord, qu’est-ce que le Hyphy? Il s’agit d’un mouvement cousin de la Crunk Music, pas vraiment du son Westcoast ou Dirty South, juste un environnement qui serait un une sorte de nouveau sous-genre Hip Hop. Selon notre rappeur, pour reprendre ses dires, « c’est une musique très énergique, très up-tempo; peu importe d’où ça vient, c’est de la musique pour faire la fête ». Et ça démarre sur les chapeaux de roue avec une longue série de bangers en puissance : le single « Tell Me When To Go », dont les grosses caisses ne peuvent nous empêcher de vouloir bouger et se secouer, débouche sur « Muscle Cars », un titre qui fera aussi résonner les caissons de basse, idéal en voiture à juste titre. Sur ces deux titres, Keak Da Sneak se fait distinctement remarquer avec sa voix aigre et son flow off-beat caractéristique (pour info son nouvel album ‘Kunta Kinte’ est dispo en import). Le subwoofer des baffles n’a pas le temps de souffler avec « Go Hard Or Go Home » feat The Federation, qui enchaîne dans la continuité des précédents morceaux, ce qui garantie une homogénéité. Une fois de plus, E-40 fait entrer un nouveau mot dans l’argot américain: « Gouda », comme le fromage (…), feat B-Legit & Stressmatic. Cette production de Rick Rock peut rappeller pour certains celle de « Excuse Me Miss (remix) » des Jay-Z et les Neptunes, au niveau du beat et des synthés notamment.
Inévitablement, le mâle mysogyne qui sommeille en E-40 éveille ses hormones pour parler de filles… blanches (pour changer) latinos, asiatiques, etc… sur « White Gurl », qui invite Juelz Santana et monsieur featuring alias Bun B. Et devinez qui se sert du kit de caisses claires entêtant? Lil Jon! Qui l’eut cru? Evidemment, en parlant de lui, on a droit à un pur morceau de Crunk’n B standard (comme « Goodies » de Ciara ou « Yeah » de Usher) avec « You & Dat » featuring le chanteur r&b T Pain. Bien qu’on soit désormais habitué aux mélodies simplistes de Lil Jon, jouées au synthé, sifflées et flûtées, cette chanson efficace s’inscrit dans la liste des tubes potentiels de ‘My Ghetto Report Card’. Plus hardcore pornographiquement parlant, « Just Fuckin’ » avec Bosko mais surtout « Gimmie Head » (‘taille moi une pipe’ en français), dont le refrain au vocoder fait dans le premier degré (« It feels like I’m in your pussy when you’re suckin my dick »). Tout en finesse comme le veut la tradition californienne. La suite sur « She Say She Loves Me », feat 8Ball sans MJG et Bun B (pour la deuxième fois) sans Pimp C, se passe de comentaires, ajoutant une guitare électrique d’où émane une tension sexuelle.
L’esprit de déconne (« They Might Be Taping » et « Do Ya Head Like This » qui démarre sur l’air « ce n’est qu’un au revoir mes frères ») côtoit le côté sérieux genre « vient pas chercher les embrouilles » avec « Block Boi », « I’m Da Man » feat Mike Jones et Al Kapone et « Yeee » avec un Too Short bien nerveux. Il n’y a que lui, avec Suga Free, qui ne peut citer autant de fois le mot « bitch » et « hoe » dans un couplet. Bref deux morceaux oppressants à connotation sudiste.
Pour tout vous dire, les deux superviseurs éxécutifs Lil Jon et Rick Rock ont fait un travail de production remarquable autour d’E-40, permettant de créer cet univers sonore Hyphy, que l’on vous encourage à découvrir. Mention très bien pour le roi du Crunk, qui s’est dispensé d’apparition en featuring pour créer une nouvelle lignée de sons rafraichîssant loin de son registre habituel, afin qu’E-40 puisse enfin bénéficier de l’attention de l’auditorium mainstream tout en restant underground.
Yay areaAAAAAA!!!