Période de crise chez Bad Boy Records. La débâcle a commencé lorsque Mase s’est retiré du rap game à la surprise générale l’été 1999 pour s’adonner à la vie pastorale alors qu’il venait tout juste de sortir son second album. Quant au second album de Puff Daddy (‘Forever‘) sorti cette même année, c’était la goutte d’eau en trop : recycler des vieux hits passés de mode finirait forcément par lasser. La séance de rattrappage avec l’album posthume de Notorious BIG (‘Born Again’) n’a pas nécessairement renfloué les caisses du label malgré le succès du single « Dead Wrong« , le duo d’anthologie avec Eminem. Et pour clore le tout, la fameuse affaire de la boîte de Miami avec une inculpation pour meurtre qui aurait pu stopper net sa carrière. Après de multiples séances à rebondissements devant les tribunaux, la ‘bomba latina’ se fait la malle, son dernier protégé Shyne prend neuf ans de prison ferme à la place de son boss qui, tranquillou, se renomme P Diddy. Il était temps d’effacer l’ardoise et repartir sur de nouvelles bases.
Résultat des comptes en 2001, il ne reste plus grand monde dans son entourage qui lui soit resté fidèle : Black Rob entre deux passages en prison (sa seconde maison), la veuve Faith Evans, le chanteur/producteur Mario Winans, Carl Thomas et c’est à peu près tout. Plus la peine de prier pour le retour de Mase, ni sur des couplets recyclés de Biggie, Shyne broie du noir en zonzon et les 112 sont aux abonnés absents. P Diddy a donc dû composer avec une nouvelle team qui ne manque pas de ressources : G-Dep, Loon (des Harlem World), Cheri Dennis, Mark Curry et Kain. Une équipe au sang neuf qui fait ses présentations sur « The Saga Continues » (qui sample Alan Parson’s Project) et l’hymne « Bad Boy 4 Life » (prod. MegaHertz), deux hits qui marquent une étape décisive au niveau de la restructuration de Bad Boy Records, aussi bien musicalement qu’humainement. A leur tour de briller sur des morceaux solos, G-Dep amorçait la sortie de son album avec « Child of the Ghetto« , assisté par un Black Rob (plus aigri que jamais) et Diddy sur les bangers « Let’s Get It » (où il lâche le fameux « I’m not guilty and I’m filthy ») et « That’s Crazy« , bien que ce single reprenne le même schéma de rimes que pour son tube monstrueux « Whoa!« .
On a beau dire ce qu’on veut sur la façon dont P Diddy tient son business ou rappe, sur cet album-compilation il laisse ses artistes faire leurs preuves sans trop intervenir. C’est d’autant plus appreciable lorsqu’on laisse le fantastique duo Faith Evans/Carl Thomas s’adonner sur le soulful « Can’t Believe« . Mais Puffy reste quand même la vedette, et s’autorise deux morceaux solos, dont le tube « Diddy » (portant la griffe des Neptunes) sur lequel il manque d’inspiration au niveau des lyrics (il reprend le vieux « Sometimes I rhyme slow/ sometimes I rhyme quick »). On apprendra plus tard qu’il n’aimais pas cette prod mais avec les Neptunes c’est le hit assuré. S’il réaffirme son penchant pour les chansons tendancieusement R&B sur la version originale de « I Need A Girl » (sans Usher ou Ginuwine), on le préfère dans un registre plus South comme sur « Roll With Me« , une ride nocturne en compagnie des 8Ball-MJG, ou un poil westcoast avec la venue de Kokane sur « So Lonely« .
Avec d’autres tubes énormes comme « Blast Off« , sur lequel les nouveaux protégés du clan Bad Boy (Loon, G-Dep et Mark Curry donc) s’en donnent à coeur joie, l’écurie du désormais P Diddy reprend des couleurs et voit de nouveau flotter bien haut sa bannière. Si Loon semble marcher dans les pas encore frais de Mase dans le rôle du rappeur-lover avec son flow en coton, l’incarcération de Shyne prive Puffy de sa nouvelle sensation. Il n’empêche que le roster du shiny suit man se mobilise avec entrain pour réaffirmer les ambitions légitimes du label. Pas véritablement un album de Diddy, mais plutôt un démonstration de force appuyée sur un carnet d’adresse (de producteurs et de rappeurs) parfaitement mis à profit, ‘The Saga Continues…‘ se présente comme un gros recueil de tubes imparables à la gloire d’une bande de Bad Boys toujours aussi branchée « strass et paillettes ». Il n’en fallait pas moins pour redonner à P.Diddy son trône de flambeur en chef, et prouver que s’il n’est pas un grand rappeur, l’homme demeure un dénicheur de hits sans pareil.
Conclusion de Raging Bull