Nous sommes en 2003 et après deux albums et plein de singles multiplatines, Ludacris est toujours considéré ‘rappeur à featuring’, sympa comme statut… Il faut dire que c’est l’un des rares capable de voler la vedette d’un hôte dès qu’il débarque sur le dernier couplet. Beaucoup de gens ont longtemps trop sous-estimé les qualités propres du rappeur d’Atlanta et sa capacité à pouvoir faire de (très) bons albums. ‘Chicken N Beer‘, son troisième solo (officiellement), comptait bien faire taire pas mal de gueules, parce que d’abord, Luda en a une bien grande, suffisamment pour devenir un poids lourd d’Atlanta.
Que faut-il faire pour couper court avec les critiques? D’une part affiner son style musical en minimisant le nombre de gros producteurs (pas de Timbaland, ni Neptunes ou autres…). D’autre part, exploiter ses propres talents de lyriciste. Avec celà, le rappeur peut prouver de quoi il est capable. Sceptiques? C’est sûr que pratiquement sans hit dancefloor bien bounces, certains pourraient croire qu’il ne reste que des miettes bonnes pour les pigeons.
Certes, on classe souvent Ludacris dans la catégorie « pornolyriciste de service », et il l’assume, au son de « Splash Waterfalls » (pour lui une femme qui dit « je veux faire l’amour » et « je veux baiser » c’est la même), « P Poppin » avec la rappeuse sexy Shawnwa (« P » c’est pour « pussy » hein) ou encore le rilax « Hoes In My Room » feat Snoop Dogg. « Teamwork » aussi, un pur trip sur le ménage à trois (et le petit air de flûte est très coquin). Mais les textes de « Hip Hop Quotables » (produit par Erick Sermon!) feront rire jaune, ou fermer des bouches. Même quand il s’agit de jouer les gangstars avec son crew des DTP au complet (« We Got« ), ça ne rigole franchement pas. On a vraiment l’impression que Ludacris a voulu couper court avec son style assez clownesque pour qu’on le prenne plus au sérieux. Bon c’est clair qu’il reste assez déconneur (« Blow It Out » produit par Ron Browz, « Screwed Up » avec Lil Flip) mais le fait d’avoir de l’humour décoince pas mal. Après tout, un rappeur qui se la joue ‘keep it real’ n’est pas forcément fidèle à lui-même.
« Hard Times » avec les légendes de Memphis 8Ball & MJG et « Diamonds In The Back« , produit par les autres légendes de Memphis DJ Paul & Juicy J des Three Mafia (sur un sample de « Be Thankful For What You Got » de William DeVaughn), montrent une facette de Ludacris plus mature, comme s’il avait passé l’âge de faire des hits bounces pour les clubs. Il a même d’ailleurs co-produit « Stand Up » (une des grosses tracks de l’album) avec Kanye West (qui n’était encore qu’un inconnu). Preuve une fois encore de sa versatilité.
‘Chicken N Beer‘ n’est pas qu’une vulgaire suite de morceaux mais une véritable album homogène et travaillé, solide. Et même si la tonalité du disque ne pourra pas paraître vraiment sudiste mais un peu East, Ludacris montre une fois encore qu’il possèdait plus d’un tour dans son sac. Sa place dans le rap game, ou le hip hop d’une manière générale, a grimpé de manière significative dans l’estime des gens.