Paris, 2049. La culture neo-hiptronic bat son plein avec des artistes comme S.Carter Jr et Pr Dre (qui vient de sortir Bionic 2050), les petit-enfants de feu Jay-Z et Dr Dre. Dans mon holo-pod tourne aussi des vieux classiques de Kanye West qui datent des années 2000 et les albums du groupe hardcore X-terminatorz Of Human Kind que j’ai téléchargé au format .mss9 (le format de compression semi-quantique de son émo-spatialisé).
Le téléchargement gratuit est monnaie courante à notre époque grâce la légalisation d’un système de paiement ultra-simplifié révolutionnaire en vigueur depuis 2034 grâce au N3D (Nouveaux Défenseurs des Droits Digitaux) : je pose la paume de ma main contenant ma nano-puce biométrique sur l’ID-scan pour explorer en réalité virtuelle la bibliothèque de MacTunes, je choisis les chansons ou les holo-films que je veux et ils téléchargent à la vitesse de 10To/s (vive les connexions satellites) pendant que l’artiste se voit automatiquement rémunéré par l’argent des virtu-publicités. Cette fonctionnalité a sonné la mort de l’industrie du disque à l’échelle mondiale. RIP Universal-Sony.
Mon pépé arrête pas de me rabâcher que la musique hip-hop, c’était mieux avant. Il trouve ce qu’il se fait trop artificiel. C’est sûr que ça n’a rien à voir le hip-hop du 20e siècle et début du 21e avec ce qu’il se fait maintenant avec les techniques de créa-samples, qui permettent d’associer avec parcimonie des loops filtrés à l’avance dans des banques de samples en ligne, des boîtes à rythmes à pulsations et des synthétiseurs à distorsion. En plus tout le monde peut faire son propre instru maintenant depuis la promulgation de la gratuité des samples d’oeuvres datant de plus dix ans. En plus les flows actuels sont soit hyper techniques, on rappe un peu comme des robots, soit abstract et ça ressemble à des récitations pleines de néologismes. Et les artistes qui marchent le mieux sont ceux qui ont le plus de connexions et les plus grosses communautés de net-fans.
C’était bien plus archaïque le hip-hop d’avant dans les méthodes de productions et les flows étaient plus fluides. Mais je respecte le hip-hop et l’électronica comme mon grand-père était fana de rap et adorait le jazz, la soul et la funk en son temps. Il m’arrive de lire ses rétrospectives pour ma culture personnelle. Un jour j’ai lu un article qui date de 2027 et qui s’intitulait ‘Le renouveau du rap new-yorkais à la fin des années 2000’ et dedans ça parlait de The Salvation de Skyzoo, que je connaissais pas du tout. Puisque je suis en parti d’accord avec ce qu’il dit (malgré le fait que j’ai eu du mal à m’habituer à la qualité sonore), j’ai recopié ce qu’il y écrivait dessus.
« Retour à une période où le hip-hop sortait d’une période de léthargie, une décennie avant que ce mouvement fusionne avec l’électro pour engendrer le son hiptronic actuel, qui contient une multitude de sous-genres comme l’électro-hop (pré-existant au début du nouveau millénaire), du hiptronic soul, l’écolo-hop (issue des camps de réfugiés climatiques), de la basstronic et japster hop. »
« Je parle de cette époque où les graffitis n’étaient pas encore phospho-luminescents, où le sampling était manuel, les scratches se faisaient encore sur de vrais vinyles, les rappeurs étaient signés sur des labels, ils rappaient de manière moins mécanique, et où le bling-bling (très ringard quand on y repense) était à la mode, le hipster-hop n’avait pas encore explosé, le son était stéréo, et où on ne stockait que 8Go de musique dans des antiques iPod aux minuscules écrans tactiles. […] Tout ça paraît tellement dérisoire en ce moment mais à l’époque c’était comme ça, et à mon humble avis, le rap sonnait tellement plus ‘vrai’, plus rentre-dedans, plus spontané, malgré toutes les merdes qui sortaient. »
« The Salvation de Skyzoo est sorti en cette année historique où est arrivé à la Maison Blanche le premier Président Afro-américain, quelques mois après la crise des sub-primes, la même année où est décédé subitement ce Dieu de la Musique que fut Michael Jackson. J’ai toujours le compact disc de The Salvation à la maison, et je garde aussi avec moi un authentique chaîne hi-fi que j’ai bricolé pour adapter aux nouvelles bornes électriques sans fil. Quand je le réécoute maintenant, exit la nostalgie, cet album est vraiment représentatif du renouveau du rap new-yorkais survenu vers 2009/2010. Il est sorti presque au même moment que Only Built 2 Cuban Linx 2 de Raekwon et Blueprint 3 de Jay-Z. Même si à l’époque ça n’était pas si sensible, car c’était sorti en indépendant chez Duck Down Records. Le baromètre était le buzz, les chiffres de ventes… pour ça je préfère le fonctionnement moderne de notoriété sur internet qui représente réellement la popularité d’un artiste dans la population. »
« Skyzoo avait 27 ans lorsqu’il a sorti ce premier album studio. Il est originaire des quartiers de Brooklyn, de Bedstuy plus exactement, Brooklyn qui a longtemps été une des banlieues où se concentraient de nombreux afro-américains avant la campagne de regentrification des ‘5 boroughs’ qui a lieu au début des années 2020 et qui a poussé ces populations défavorisées à migrer dans le New Jersey. Merci au gouvernement républicain. Bref, désolé pour cette parenthèse politique honteuse. »
« The Salvation a été réalisé par des producteurs réputés dans le milieu hip-hop en 2000, tels que 9th Wonder (qui l’a aidé à ses débuts avec Cloud 9), Just Blaze, Needlz, Nottz, Black Milk, IllMind et d’autres méconnus comme Cyrus Tha Great, Eric G et Best Kept Secret. Bien que ce disque soit d’un aspect plutôt standard dans sa conception, sa particularité est d’être un véritable album solo, en soustrayant l’apparition de la chanteuse Carlitta Durand. Je sais que cela semble curieux à préciser mais c’était un fait rare qui soulignait le mérite et le talent de cet MC. »
« « The Opener » offre une magnifique introduction. On y entend le bruit de la rue puis un petit choeur de gospel avant que l’instru démarre, avec une superbe boucle de piano, de flute, de violon… En ce moment, on me parle de amp-reality (un logiciel permettant de rendre les sons plus naturels et organiques), de emo-sublisound technology (des fréquences sonores inaudibles qui stimulent des parties du cerveau responsables des émotions) alors qu’en 2009 l’autotune suffisait déjà à diviser la communauté rap sur son (in)utilité, déplorable bien souvent. Pendant des siècles la musique n’avait pas besoin de ces exhausteurs de musicalité et de stimulateurs d’émotions. La musicalité de « The Opener » suffit à émouvoir et Skyzoo a réellement un don d’écriture particulier. Sa plume fait des merveilles sur des tracks comme « The Shooter’s Soundtrack », le touchant « Dear Whoever » (agrémenté par du saxophone) et « Penmanship » sur un beat terrible de Black Milk. »
« La contribution de 9th Wonder sur The Salvation est considérable puisqu’il consolide l’atmosphère générale de l’album : agréable à l’écoute, une touche de soul music, ce petit truc magique qui lui est propre… C’était l’un des premiers producteurs à n’avoir utilisé qu’un logiciel (ProTools) pour concevoir entièrement ses beats avec des ordinateurs qui n’utilisaient pas encore de neuro-processeurs. C’est un pionnier en quelque sorte, bien que critiqué pour cette méthode en son temps. Il produit « The Beautiful Decay » qui fut pressé en maxi, « Easy to Fly » avec Carlitta Durand, « Like a Marathon » et « Metal Hearts ». […] Mais mon morceau préféré était et est toujours « My Interpretation » qui illumine littéralement la ville de New-York, sur un beat de Best Kept Secret. »
« En plus d’apporter une bouffée d’oxygène, Skyzoo était un MC qui en tout état de cause témoignait de beaucoup de sincérité dans ses textes. Il parle aussi bien de ses rapports amoureux conflictuels (sur « Under Pressure »), que de la façon dont il fallait s’en sortir dans la rue, avec positivisme, il essayait de montrer certains bons côté de choses plus que les mauvais (« The Necessary Evils »). Quand on l’écoute, il est facile de s’imaginer comment se passaient les choses dans son environnement. C’est aussi un MC qui appréciait la compétition et l’égotrip et il le prouve sur le street-banger « Return of the Real » et « Popularity », trippant comme track mais la moins bonne de The Salvation selon moi. Cet album se termine comme il a commencé, avec le splendide « Maintain ». Le sample de piano et de voix créent l’émoi, Skyzoo, qui a été constant tout au long de l’album, poursuit son effort une utime fois. Il sait que la route était encore longue et sa carrière l’a été. »


Répondre à Skyzoo the new BK MC (Fra/US version) :: Streetblogger Radio Annuler la réponse.