La réputation des The Roots n’est plus à faire, le groupe est parmi les plus respectés du Hip Hop. Leur quatrième oeuvre a été conçue dans leur période Soulquarian, alors que Malik B a quitté la formation et Scott Storch s’affirmait en tant que co-producteur. Pour le reste, on ne change pas une équipe qui gagne : ?uestlove et Black Thought restent toujours et encore inspirés lorsqu’il s’agit de nourrir notre sens auditif et nos méninges. C’est la formule magique ‘Beats, Rhymes & Life’, comme le titre de l’album des A Tribe Called Quest. Un album toujours d’actualité, comme la pochette…
Au sommaire de ‘Things Fall Apart‘ : déflagrations lyricales, des coups de batteries géniaux réglés au dixième près, un peu de teintes nusoul et des MCs que l’on appelait ‘conscients’, le tout pour pur produit made in Philly. Après une introduction en compagnie de Spike Lee (« Act Won« ) suivi d’un gros échauffement (« Table of Contents« ), « The Next Movement » démarre sérieusement les hostilités avec ce qu’il faut pour faire bouger la tête et les pieds avec une production de très grande classe. Les choeurs des Jazzy Fatnastees donnent une troisième dimension à ce titre aussi parfait que sobre dans l’éxécution, et surtout résolument Hip Hop. La Old School est à l’honneur avec la reprise par notre batteur favori du breakbeat de Schooly D (« Saturday Night« ) sur « Without a Doubt« , un autre incontournable. Pour la touche hardcore, Dice Raw répond une troisième fois présent sur « Ain’t Sayin’ Nothin’ New« , un titre un peu dans la même veine que « Next Movement« .
La ville de Philladelphie regorgeait en 1998 une foule de talents en tout genre: virtuoses de la rime, de la prose, des superbes voix et grands gourous du scratch, qui sont désormais des figures emblématiques du rap actuel. Pour revenir à « The Next Movement » (décidément), les phases de scratches sont signées par le maestro des platines DJ Jazzy Jeff par exemple. Côté lâchage de couplet de feu, Beanie Sigel (qui allait rejoindre Roc A Fella) s’acquitte très bien de cette tâche sur « Adrenaline« , et sa consoeur Eve (qui venait de rejoindre le clan Ruff Ryders) pose posément sur la merveille « You Got Me« , qui figure parmi les plus magnifiques chansons de Hip Hop qui existent à ce jour. Le Grammy Award mérité a permis la révélation la chanteuse Jill Scott en tant qu’auteur du refrain original, chanté par la reine Erykah Badu sur la version album (une autre existe avec Jill Scott).
La crême des MCs conscients (comme on disait à l’époque) prennent place sur cet opus, à commencer par un habitué, Common, qui comme à l’accoutumée laisse filer ses rimes sur son flow calme et maîtrisé, idéal pour une chanson d’amour (« Hip Hop you’re the love of my life » sur « Act Too« . Mos Def n’avait pas encore sorti ‘Black On Both Sides‘ lorsqu’il a été recruté par les Roots pour émuler ses talents prodigieux sur « Double Trouble« . Il fait la paire idéale avec Black Thougt sur un instru switchant sur un beat qui claque par alternance (garde à votre nuque). A noter que ces deux titres ont été co-produits par James Poyser, un grand ponte de la production en matière de nusoul. En restant dans ce sous-genre musical, D’Angelo fait une apparition plus que discrète sur ‘Things Fall Apart‘ puisqu’il ne s’occupe que des claviers de « The Spark« . La grande surprise, elle vient de jeune prodidge Jay Dee (qui n’était encore qu’un quasi inconnu du grand public à cette époque) qui réalise une petite merveille de hip hop/jazz, « Dynamite« , utilisant un sample génial de contrebasse bien swinguante.
La théorie du « jamais deux sans trois » s’applique avec les Roots : on retrouve le troisième round « ? vs Scratch 2 (Electric Bungaloo) » sur beat inversé et la litanie finale et mélancolique d’Ursula Rucker (« The Return To Innocence Lost« ). C’est également leur troisième album d’affilée à caresser la perfection, sans doute le plus représentatif de leur style durant la période des années 90 et celui qui a rencontré le plus gros succès d’estime et commercial (avec un disque doré pour couronner le tout). En résumant bien, on pourrait dire que ‘Things Fall Apart’ a été pour les Roots l’album de la révélation (grâce à leur Grammy) et des révélations (Eve, Beanie, Mos Def, Jill Scott, Jay Dee…). Avec The Roots, il faudra toujours s’attendre à un Hip Hop acoustique d’excellente qualité.