Troisième chapitre discographique de Busta Rhymes avec ‘E.LE. : The Final World Front‘. Comme chaque année depuis 1996, le leader du Flipmode Squad augure un disque dont les titres laissent présager un malheur imminent. Sorti fin 1998 alors qu’il figurait parmi l’élite des rappeurs new-yorkais, ‘E.L.E.’ annonce la fin d’un cycle, d’un millénaire, ou du monde, d’après Paco Rabanne. Un monde sans futur serait plus juste si l’on s’en tient à l’introduction fort pessimiste. Et cette pochette presque prémonitoire avec cette explosion gigantesque en plein milieu de New-York si on repense aux événements du 11 Septembre. Paradoxalement, cet opus est plu est plutôt mainstream et meilleur que le précédent ‘When Disaster Strikes‘, asseyant définitivement son statut de star internationale et – ironie de l’histoire – lui valant d’être nominé dans la catégorie Meilleur Album Rap aux Grammy Awards… en l’an 2000.
L’extrait qui a entouré ‘E.L.E.‘ d’un film platine fut évidemment le duo avec Janet Jackson (la sœur de) sur « What’s It Gonna Be ». Une approche rap/r&b assez bounce, offert par un clip aux costumes et effets visuels saisissants signé Hype Williams. Pas le temps de qualifier ce morceau de cross-over tellement le single prouve encore une fois la versatilité de Busta Rhymes. Cet extrait avant-gardiste lui a valu une nomination aux Grammy Awards dans la catégorie Meilleur Duo. Pour en finir avec les Grammy, « Gimme Some Mo’ » a été nominé parmi les Best Rap Songs, un choix parfaitement justifié pour ce single où Busta débite en accéléré pendant ce tourbillon de deux minutes trente chrono, un tourbillon hypnotique reprenant l’air de violon du vieux classique ciné Psychose d’Hitchbock posé sur un beat dangereux de DJ Scratch.
Une autre collaboration qui a fait couler beaucoup d’encre fut celle organisée avec Ozzy Osbourne, le célèbre chanteur des Black Sabbath (ayant terminé sa carrière dans une émission de télé-réalité sur sa famille) sur « This Means War ! ». Une hybridation de rap et rock explosive (comme d’habitude) qui clôt l’album de façon symbolique. Après le r&b et le rock, c’est Mystikal, son homologue fou-fou de la Nouvelle-Orléans, qui vient ajouter une couleur Dirty South à ‘E.L.E.’ sur le déluge de flows enragés « Iz They Wildin Wit Us & Gettin Rowdy Wit Us? ». L’heure était au réchauffement des relations avec le Sud que la côte Est a bien souvent traité avec condescendance allant jusqu’au dénigrement pur et simple. Pour l’anecdote, « rowdy » est un terme typiquement sudiste, Master P notamment l’a pas mal utilisé dans ses raps.
Outre les productions de Rockwilder (« Do It To Death« ) et DJ Scratch (qui signe le divertissant « Do the Bus-a-Bus« ) pour ne citer que les habitués, il convient aussi de rappeler que c’est le jeune Swizz Beatz qui a conçu « Tear Da Roof Off », encore un nouveau hit pour Busta Rhymes. Un autre producteur, plus discret celui-ci mais qui connaîtra une longue et solide carrière, attire notre attention de « Everybody Rise » à « Extinction Level Event (The Salvation Song)« , il s’agit de Nottz. Encore une fois, Busta Rhymes a flairé des producteurs qui avaient de l’avenir. Passage obligé sur la réunion du Flipmode sur « Against All Odds » pour profiter de la voix de stentor de Lord Have Mercy mais aussi de la nouvelle recrue Rah Digga.
Pilier et tournant incontournable dans la carrière de Busta Rhymes, ‘Extinction Level Event’ marquera par les différents styles testés, approuvé par ces trois nominations aux Grammy Awards… sans récompense au final. Un affront.