L’hyperproductif Alchemist n’a pas oublié son pote Oh No parmi tous ses collaborateurs (Hit-Boy, Evidence, Freddie Gibbs, Earl Sweatshirt, Curren$y, Mos Def un jour ou l’autre, Roc Marciano, Armand Hammer, etc, etc.). Après neuf ans d’absence, la peste et le choléra de la prod indépendante se sont réunis à nouveau dans leur labo secret, dans un sous-sol miteux, pour rétablir la Gangrene. Pour les rejoindre, il faudra arpenter ces sombres ruelles éclairées aux néons aux contours douteux dessinées sur la pochette, par une IA générative semble-t-il. Je me méfie énormément des IA et je déteste leurs rendus graphiques souvent dégénérés, mais exceptionnellement j’accepte son utilisation ici parce le mot d’ordre du binôme, c’est de faire des trucs laids.

Le jeu marrant à faire avec cette configuration peu courante double rappeur-producteur, c’est de deviner qui produit quoi. Un indice : Oh No est en minorité avec cinq beats. En lisant la chronique, il y aura moyen de procéder par élimination. Leur jeu à eux, c’est d’avoir manigancé un plan foireux pour nous rendre malchanceux : Heads I Win, Tails You Lose (« pile je gagne, face tu perds », NdT). « Congratulations, You Lose ». Pas sympa ça. Mais c’est nous rappeler que la chance, c’est que du hasard, pas du mérite, ni un droit. La lose, c’est la base pour les gueux que nous sommes, et il faut le dire, on vit dans un monde nocif de toute façon, quoi qu’on fasse. Alors ALC et No nous font patauger dans des eaux saumâtres et les jus concentrés de caniveaux qui sortent par les canalisations de leur cachette souterraine (« Oxnard Water Torture »).

Quel bonheur (…) aussi de retrouver ces samples de rock psyché sur « Espionnage » avec un Alchemist à un moignon de manger le micro. Vraiment ça fait plaisir de retrouver l’Alan Maman d’avant le COVID (oui je dis ‘le’ et pas ‘la’ COVID, fuck les académiciens). Même son gimmick « A-A-A-A-A-A-Alchemist » qui a pris la poussière, petite pointe d’émotion en l’entendant. Sauf peut-être « Just Doing Art » qui fait office d’intrus avec son instru drumless chic conviant Boldy James pour le point culture. Aussi parce qu’avec « Cloud Surfing », c’est l’un des titres les plus proprets de ce 4e album des Gangrene. « Magic Dust » avec Evidence est l’évident single de cet opus, cool en apparence mais toujours avec ce truc en fond qui nous laisse sur notre garde. « Royal Hand » va plus loin dans le suspens, les flow d’Alchemist et Oh No maintiennent le stress.

Dans ce cabinet des curiosités, il y a ce génial « Watch Out », avec cet air d’orgue électronique qui nous rappelle un vieux souvenir d’enfance : le générique de l’Inspecteur Gadget. Mais comme s’il était joué par Dr Gang. Encore un mauvais coup du machiavélique Dr No. En parlant d’orgue et souvenir d’enfance plus flippant, la note en continue de « Oxnard Water Torture » me rappelle le vieux piano électronique de ma grand-mère… « You Should Join The Army », vu le contexte actuel, met un peu mal à l’aise, surtout avec ces voix robotiques. Vous voyez le smiley tête à l’envers? Ce qu’il y a de paradoxal avec Heads I Win, Tails You Lose, c’est que la seule chose qui ne soit pas toxique, c’est la relation entre Alchemist et Oh No.

LA NOTE : 16/20