Chroniques Rap, Soul/R&B, Electro…

Elzhi & Oh No « Heavy Vibrato » @@@@¼


Des associations inédites de très bons rappeurs et/ou producteurs, c’est toujours la même question, ce moment d’excitation, d’appréhension un peu parfois, qui nous envahit. C’est comme mélanger deux produits ensemble, mettre en contact différentes molécules, et voir le résultat que cela va donner. Avec des résultats très variés, cela allant de pas grand chose, quelque chose de trop convenu et sans originalité, à des choses parfois très bariolées, inattendues, étranges, ou explosives. La connexion entre Oh No et Elzhi avec Heavy Vibrato, si on veut répondre la question de la première piste : c’est un peu tout ça à la fois.

Bon sang, c’est quoi cette dinguerie? C’est l’autre question je me pose à chaque fois que j’écoute Heavy Vibrato. Avec cette même conséquence : une réécoute plus attentive encore. Ce projet est incroyablement bien réalisé. Les beats très inspirés de Oh No dans tes teintes très jazz semblent tout droit sortis d’un univers parallèle cyberpunk. Et chaque morceau est conté par la maestria d’Elzhi, qui rappelons-le est un MC haut de gamme, limite hors-catégorie. Du coup, on ne se rend pas forcément compte lorsqu’on passe d’une piste à l’autre tellement les enchaînements sont bien ficelés, déjà rien qu’entre « Trick Dice » et « In Your Feeling ». Très vite, on ressent cette atmosphère très spéciale où le questionnement se pose entre ce qui est réel ou non. Comme si quelque chose cloche dans notre perception des choses.

C’était déjà le cas auparavant, c’est une question qui revient souvent dans le rap, celle de savoir ‘what’s real’, mais dans un monde où la dystopie devient une réalité, l’IA s’impose sans nous laisser le choix si ce n’est le capitalisme, où les valeurs s’inversent dangereusement, les tensions pètent de partout, la fascisme continue de monter, bref qui part littéralement en couille, la frontière devient plus floue et sur ce terrain-là que Elzhi et Oh No créent à la façon et à leur échelle leur propre dystopie. « RIP (Radio International Programing » (avec un Guilty Simpson dans la fleur de l’art) est un début de réponse, et qui nous amène à d’autres réflexions et questions. La succession de « Bishop » et « Fireballs », qui ressemble à une version futuriste et apocalyptique de « We Live In Brooklyn » de Roy Ayers, montrent à quel point Oh No peut surpasser son frangin (Madlib). Quand il s’agit d’utiliser des sonorités en mouvement dans le but de peindre des univers et suivre le récit d’Elzhi, mêlant thriller/cyberpunk/SF/polar, la cadet Jackson est simplement génial.

J’ai le cerveau retourné dans tous les sens à chaque fois que j’écoute « Twilight Zone », suivant Elzhi comme s’il était une sorte d’enquêteur dans un monde étrange où des détails anodins n’ont rien d’habituel, à moins que ce ne soit l’inverse. Il n’y avait que lui et ses compétences de storyteller de génie pour pondre un truc pareil. Voilà autant de choses qui font que Heavy Vibrato est une anomalie dans le paysage hip-hop, et dont on ressort comme renversé. Cette sensation de retour à la réalité comme après un rêve réaliste dans une réalité alternative.

LA NOTE : 17,5/20

Postez vos avis!

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.