Brandy fait partie de ces artistes qui, peu importe le délai entre deux disques, peuvent revenir à n’importe quel moment sans se faire oublier du public. Sauf qu’un tragique événement extramusical a indirectement bouleversé sa carrière l’ été 2006 : elle a provoqué au volant de son gros 4×4 un accident sur le périph’ de Los Angeles provoquant un mort et quelques blessés. Personne n’est à l’abri d’un tel drame, ça peut arriver à tout le monde comme à une star de subir un tel traumatisme psychologique. Il paraît que c’est cette épisode noir de sa vie qui inspiré à Brandy Norwood l’écriture de ce nouvel album, sobrement intitulé Human, un album des plus ordinaires qui soit…
Comme je le craignais en découvrant le single « Right Here », Human n’est pas un album de r&b au sens où tous les amateurs du genre l’entendent communément. Par conséquent, je n’ai pas envie de le critiquer comme j’ai l’habitude de faire, et je ne m’en excuserai pas. J’invite les intéressés à lire le monologue qui va s’étaler dans les lignes qui suivent.
D’abord, on est hyper loin de la sophistication très avant-gardiste de Full Moon, orchestré un Rodney Jerkins visionnaire, ou de la fraîcheur tropicale de Afrodisiac produit par Timbaland et Kanye West. On assiste véritablement à une uniformisation du son rhythm’n blues vers une « variétisation » plus qu’une hybridation pop/r&b (comme Justin Timberlake ou Christina Aguilera). Les producteurs américains incorporent de plus en plus des instrumentations de piano et de violons des plus courants, des synthétiseurs convulsifs à foison pour faire très eurodance, et ça m’éxaspère. Ces échos provenant d’Europe ont commencé avec Rihanna et Timbaland et ça continue avec Beyonce, Ne-Yo et – hélas pour nous – ce quatrième album de Brandy. Parce que cette tendance marche super bien sur les radios ou à la télé. Il y a quelques années encore, on assistait à une « électronisation » du r&b (plus ou moins convaincante) mais là c’est peut-être pire car la frontière est largement dépassée et on continue d’appeler cette musique du r&b ?!? alors que l’aspect Soul ou urbain de cette musique s’est dilué pour finir par se perdre. Bien que j’en ai déjà parlé un peu dans l’article sur Beyoncé, cette chronique appuie solidement mon point de vue. Et comme le dernier Beyonce ou la ‘révélation’ anglaise Leona Lewis, Human n’échappe pas à ces nouvelles règles de formatage et enchaîne ballade sur ballade, avec de temps en temps des synthés malvenus, le point d’orgue étant le titre « Human », évidemment puisque le producteur de cette chanson, Toby Gad, a produit pour les albums de B et Leona Lewis.
Quand on pense que Rodney Jerkins (qui est co-producteur exécutif du projet), un lanceur de tendance (on dit ‘trendsetter’ outre-Atlantique) comme il y en a eu rarement dans le monde de la musique (pas pour rien qu’il ait produit Invicible de Michael Jackson) durant cette décennie, se range dans la production d’instrumentaux ultra-classiques modernisés et passables en radio… ça me rappelle que plus jeune il a insolemment scandé qu’il voulait « tuer le r&b ». Dans cette situation, il a planté le poignard là où il fallait sans se louper après lui avoir fait cocu devant son nez.
Du coup, l’idée de justifier cette action, celle de profiter de cet Nième détournement musical pour faire un coup de gueule, ne me vient pas à l’esprit. C’est naturel puisque ça me frustre. Je sais que je dois m’attendre à des remarques négatives du genre « tu ne fais pas preuve d’ouverture d’esprit », mais ces gens ne comprennent pas que le débat ne se situe pas dans la question de trouver un album très bien réalisé ou pas, de cautionner ou pas ce que l’artiste a choisi de faire, il s’agit de refuser cette manie de vouloir faire ce qui fonctionne chez l’auditeur lambda à l’heure d’aujourd’hui et de suivre la mode que j’ai décrite stupidement à cause de tel enjeu commercial ou quelconque argument non-valable d’un point de vue musical, alors qu’à la base, ces chanteurs avaient leur propre style. Quel est l’intérêt de concurrencer un autre chanteur en s’alignant sur ce qu’il fait actuellement alors que c’est une identité musicale propre qui permet de se démarquer et de faire balancer les faveurs de l’auditorat ? Je n’y comprends plus rien et j’en ai plein le cul. C’est navrant d’en arriver-là. Alors la prochaine fois que j’entends un faux album de r&b, je l’esquiverai sans aucun regret.
Un dernier détail : certes j’ai mis la moyenne à cet album mais c’est purement une concession de ma part car je ne suis pas insensible à la qualité impeccable de cet opus (j’ai dit nulle part que c’était naze). Mon opinion très ferme au sujet de la dangereuse dérive du « rhythm’n blues populaire », entraînant des artistes comme Brandy dans ce tronc commun qu’est la variété, n’est qu’une objection assumée. D’autres chemins s’éloignant du r&b contemporain sont possibles, j’en tiens pour contre-exemple les récents albums de John Legend et Ne-Yo.

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