Le Northside (ou Midwest si vous voulez à condition de regarder au nord…) actuellement, c’est « ze place to be ». Chicago est devenue malgré elle l’un des berceaux de ce qu’on appelle les hipsters (Lupe Fiasco, les Cool Kids, Kidz in the Hall, etc…) grâce à ses stars influentes Kanye West et Common, eux aussi en pleine actualité, tandis que Detroit bat au rythme des beats de Black Milk et J Dilla (forever…) avec entre autres les sorties de Phat Kat, Elzhi, Guilty Simpson, Illa J, en attendant l’avènement du 5e album d’Eminem et une nouvelle boucherie de Royce Da 5’9 (produit par Primo !) pour 2009.
En cet automne crisant, Trick Trick rapporte un peu de givre et de misère de sa cité industrielle qui traverse une crise sans précédent depuis que General Motors et Ford ont les compteurs dans le rouge. Il avait lancé son extrait « Let’s Work !!! » qui ne manquait pourtant pas de vitalité en révisant le beat de « We Will Rock You » à la TR808. Mais le givre a ramené le verglas avec lui et The Villain n’a pas du tout pointé son nez dans le Billboard 200 aux US.
C’est quand même invraisemblable que Trick Trick ait reçu un accueil si indifférent de la part du public rap, alors que ce second solo contient des productions des Lil Jon, Eminem et Dr Dre ! Oui, vous avez bien vu Eminem et Dr Dre à la production (et Lil Jon), rien que voir leurs noms apposés sur ce disque aurait dû suffire comme argument de vente. Le dernier disque ayant eu le privilège de voir créditer ces deux grands noms du Hip Hop était Curtis de 50 Cent. Eh bien non, peanuts. Comme quoi, de la théorie à la pratique (commerciale), c’est parfois incompréhensible et imprévisible devrai-je dire. C’est vrai qu’il n’avait pas une actualité débordante non plus, il a juste chourré la chaîne de Yung Berg, le vilain.
The Villain commence par la présentation musclée de cette bête de « Trick Trick », pour ceux qui ne le connaissent pas encore, histoire que son nom reste dans les crânes comme une balle de 9mm dans la matière grise. Les propos sont violents et sans pitié (homophobes dans certaines rimes). Il ramène sa bande du Goon Squad sur la track suivante « U Can Get Fucked Up » en guise d’avertissement à tous ceux qui mettraient le pied dans son territoire hostile de Detroit. C’est après que les choses deviennent plus intéressantes lorsqu’il nous gueule dessus « Who Want It » d’un air de provoquer tout le monde en ramenant avec lui ce briscard d’Eminem, le retour tant souhaité ! Bonne prestation de sa part, il a fait mieux par le passé mais ça fait du bien de l’entendre ! Et la prod qu’il réalise est énorme, un bâton de dynamite dans le cul. Em’ lâche deux autres instrus, « Follow Me » et surtout le fantastique « Crazy ». Pas le temps d’être en manque de murda music, Trick (x2) côtoie Guilty Simpson sur « Can’t Fuck Wit My City » avec des rimes qui tuent (comme « you ain’t hot/ you pop like a bubble-gum ») et bien sûr Royce Da 5’9 qui pose une fois encore un couplet sanglant, sur « All Around The World ».
Pas mal d’instrumentaux de The Villain sont fortement influencées des anciennes productions de Dr Dre (notamment « Sumthin 4 Da Hataz », « All Around The World », et d’autres éléments évocateurs ça et là) mais la seule et authentique production paraphée par le docteur est « Hold On ». Et elle n’a rien d’exceptionnel, simplement on reconnaît la patte de Dr Dre dans une style bluesy et pis c’est tout. Le niveau est plus que correct, mais ça reste relativement décevant, comme si Dre lui avait bêtement refilé une prod archivée depuis plusieurs années. Mais bon, c’est tout de même mieux que rien. Pour l’instant c’est l’unique production officielle de Dr Dre de l’année 2008 ! Alors on ne va pas faire un cake. Lil Jon aussi crédite de son unique production pour l’année avec « Let It Go » featuring Ice Cube, sans pour autant retrouver la pêche d’un « Go To Church ». Bref, tout ça pour un disque qui s’est extrêmement mal vendu. On se consolera avec l’excellent « 2getha 4eva » qui invite le bad boy rockeur Kid Rock, Esham et le défunt Proof, ensemble sur un beat old school à la Run DMC !
On peut apprécier le style de Trick Trick, avec sa puissance vocale qui en impose largement, et l’ambiance générale très pesante. Par contre on ne sait pas trop où donner de la tête concernant les productions. À part la contribution notable d’Eminem, celles de Dr Dre et Lil Jon semblent datées, ce qui peut naturellement mécontenter certains et à côté de ça, le reste est vraiment bon, sauf que c’est très hétérogène : un son à la vibe Dirty par ci, Westcoast par là,… du chaud, du froid, du tiède, du réchauffé,… ça ne sonne pas trop Detroit dans le fond. C’est un peu ça le problème de The Villain.