La formule rappeur + producteur est-elle dépassée ? C’est un peu la question que l’on avait laissée en suspend après Chemistry, la première collaboration entre Buckshot & 9th Wonder qui, entre nous, fut tout sauf expérimentale. Il faut resituer les faits dans leur contexte pour comprendre ce résultat mitigé. L’histoire raconte que Buckshot a bidouillé ce disque en trois jours seulement en s’enfermant dans son laboratoire avec des tubes à essai de 9th, donc forcément la coopération entre le MC du Boot Camp Clik et le beatmaker de la Justus League n’a pas été franchement convaincante. Chacun a fait son truc de son côté, le travail s’est fait à distance. Cette fois pour The Formula, pas de simulacre d’alchimie, nos deux apprentis chimistes ont revêtu ensemble leur blouse blanche et revu sur la paillasse leur équation chimique en y intégrant leurs atomes crochus pour synthétiser des molécules plus fonctionnelles et stables.
La grande question qui intéresse tout le monde : 9th Wonder s’est-il renouvelé ? Oui et non. Il n’y a pas de changement majeur dans son schéma de production, cela dit des évolutions mineures sont à déceler. Derrière son ordinateur, il a séquencé sur son logiciel Fruity Loops des échantillons soulful relativement longs pour les réarranger à sa manière. Dans sa recherche de matières premières (constamment composées d’éléments de base comme des violons et des voix pitchées qui font sa patte caractéristique), son choix s’est porté sur des portions enrichies en instruments, variés, ce qui donne globalement un aspect plus étoffé qu’à l’accoutumée, un supplément d’âme notable. C’est là le gros point positif de sa progression. Il ne lui reste plus qu’à agencer des kicks/snares ou claps en changeant régulièrement de drum kit (bon point pour lui) pour gagner en fraîcheur et le tour est joué. Mais le souci les beats de 9th, c’est qu’on les entend suffisamment mais on ne les sent pas assez taper le tympan, à moins de tricher en augmentant les basses de son ampli. Et il y a toujours des redondances dans l’usage des samples qui se traduisent communément par des symptômes comme l’ennui, l’envie de passer le morceau (cela peut être le cas de « Shinin’ Y’All », « Just Display »). Cela fait deux mauvais points. En tendant l’oreille de plus près, des titres comme par exemple « Whassup With U ? » (featuring Keshia Shontelle) incorporent de subtiles influences Pete Rockiennes, comme ces espèces de sonorités magiques, ces infra-basses qui nous enveloppent comme dans du velours. Encore un bon point.
Que vaut Buckshot au micro ? Comme d’habitude, ses performances valent le détour. Le BDI Thug attaque les instrus avec sa technique habituelle, répétitive dans ses intonations selon certains. Il est vrai qu’il n’y a trop d’amélioration particulière sur ce plan-là, ni du côté de ses thèmes qui lui tiennent à cœur, comme la vie de quartier, son entourage (qu’il décrit si bien sur « Hold It Down », le second extrait de The Formula avec Talib Kweli et le chanteur Tyler Woods). À part Talib, Arafat Yates et Big Shops, il est le seul emcee à bord. On sent que Buckshot était inspiré sur The Formula, tantôt nerveux (« The Future »), tantôt émouvant (« One For You » dédicacé à son homie Big Lou), avec son message conscient de backpacker un poil old school (« Here We Go ») et toujours professionnel dans son attitude. Quelques de ses prestations sortent du lot, comme sur « Throwin’ Shade » grâce au refrain travaillé, « Ready (Brand New Day) » où l’on croirait qu’il possède deux flows différents, et le dernier morceau « Man Listen (Cause Ummm) », un conseil empli d’espoir pour l’avenir. Il continue d’impressionner malgré l’âge qui se fait doucement sentir.
Quoi de neuf au final ? La même en beaucoup mieux. 9th Wonder fait du 9th Wonder, Buckshot fait du Buckshot, c’était certes prévisible sur le papier, toutefois leur complicité est renforcée par un vrai travail d’équipe en amont, des arrangements postproductions, ce qui par conséquent se traduit par un album plus fignolé. Parmi les expérimentations réussies : « Tha Formula », « The Future », « Whassup With U ? », « Be Cool », le single « Go All Out (No Doubt) » et le splendide « Throwin’ Shades », leur plus belle création depuis « Ain’t No Comparison ». Cette seconde collaboration entre ces deux savants s’en sort honorablement. On croyait 9th au pied du mur, il a réussi à contourner le problème en améliorant sa technique de beatmaking. Cependant avec le recul, on continue de penser que ses coopérations avec Murs (sur 3:16 The 9th Edition et Murray’s Revenge) étaient bien plus mémorables. Sans compter l’album de Jean Grae à venir (Jeanius) déjà daté, il ne reste plus qu’à attendre le Wonder Years pour confirmer la tendance. Quant à Buckshot, l’imaginer prendre sa retraite artistique ne nous vient pas à l’esprit.
Alors bien ou bien ? À vous de le dire !
Une tuerie cet album mais je suis pas d’accord avec toi pour « Throwing Shade » qui pour l’un des beats les plus pourries que 9th a laché depuis des années sinon la patte 9th se fait ressentir l’intro est terrible putain de sample des Love Unlimited et No Future aussi
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