L’enthousiasme de la critique et des médias autour de Food & Liquor n’a pas engrossé l’ego de ce prodige qu’est Lupe Fiasco, loin de là. La supervision par Jay-Z à la production exécutive, l’entourage d’artistes tels que les Neptunes, Kanye West, Mike Shinoda et Jill Scott, et le succès d’estime pour ce premier album n’ont pas eu raison de l’humilité et du talent inné de ce MC natif de Chicago. Mais il n’a pas été facile de se faire accepter dans le milieu et certaines presses n’ont pas été tendres avec le jeune homme, s’évertuant à lui ternir son image. Parce que Lupe porte des lunettes, a fait un hymne pour les skateboarders, a dévoilé un univers réellement à part et a su démontrer qu’il est un des (si ce n’est le) lyricistes le plus brillant de sa génération, une partie du public Hip Hop l’a catalogué dans la catégorie ‘rap d’intello’ et l’a activement renié (le faux scandale de sa performance dédiée aux Tribe Called Quest en est l’exemple), comme lui-même renie farouchement une industrie du disque qui prône le formatage et le maintien des clichés, ainsi que le rap game dans sa globalité.
De ce dégoût mêlé à ce besoin d’exprimer pleinement son potentiel artistique, du monde musical qui a germé de son imaginaire, s’est développé The Cool, nom de baptême de cette deuxième œuvre solo. Cet état personnifié est né sur Food & Liquor justement, sur le morceau du même nom (produit par Kanye) ainsi que dans l’histoire « He Say, She Say ». S’ajoutent deux autres personnages : le père adoptif the Game (pas le MC de Compton), qui incarne le vice relatif du ‘game’ sous ses différentes formes, et the Streets, la personnification féminine du rêve de rue, dont the Cool tombe amoureux. Ce trio, qui fait le concept et la trame de cet album, génère des liens intrinsèques sous la forme d’un cercle vicieux, qui vont amener inexorablement the Cool le hustler sur la voie de la destruction. L’idée vue sous cet ensemble est évoquée par cet espèce de triangle de la mort sur l’image de la pochette, très sombre. Un destin tragique déjà tracé, celui de cet anti-héros contemporain narré par Lupe Fiasco, voilà le déroulement de cet album qui débute par une double introduction, dont le message « Free Chilly ». C’est ensuite, sur la 4e piste « The Coolest », que Lupe commence son récit, le Michael Young History (qui peut être interprété comme « my cool young history »), autrement dit le Cool, et ses relations tissées avec ses autres personnages en rimant « Streets got my heart, Game got my soul/ One times my sunshine will never hurt ya soul ». Le pont avec son précédent album est réalisé à travers ce passage.
Le dénouement de cette histoire revient momentanément le long de l’album. Sur « Gold Watch », et son instru typé old school, Lupe raconte comment son personnage se complaît dans le matérialisme qui consiste à montrer ses signes extérieurs de richesses et de réussite sociale. Mais au fur et à mesure de l’évolution, l’ambiance de l’album se fait de plus en plus grave, déjà que des instruments comme le piano et le violon prédominent, donnant cette triste impression de mélancolie qui affecte grièvement « Intruder Alert ». Et là, c’est le psychodrame : la relation entre Cool et Streets vole en éclat, et dans cette tension qui commence à régner entre eux débouche « Streets On Fire ». La métaphore prend alors tout son sens, le beat chaotique à la DJ Shadow prend des allures de marche et accroît ce sentiment d’insécurité qui commence à régner. Apparaît après un autre personnage, ‘utilitaire’ cette fois, répondant au nom de « Little Weapon », cet accessoire métallique qui a mis la Faucheuse au chômage. Une fois encore, le beat mécanique et entraînant permet à Lupe de diversifier son flow et son récit sous deux temps et trois mouvements. Malheureusement, rien ne s’arrange et la fin tragique annoncée s’accomplit fatalement sur « The Die ». La prod uptempo donne un rush d’adrénaline qui force Lupe Fiasco et GemStones à rapper à la vitesse de Twista, telle une course-poursuite qui s’achève entre quatre planches. Pas de happy ending, le ricanement obscur et victorieux achève cette narration sur « Put You On Game ». C’est sur ce beat assombri que Lupe tire une conclusion tristement pessimiste mais tellement réaliste.
Autour de cette histoire, Lupe Fiasco arbore ses nouvelles facettes dès le premier morceau de l’album, « Go Go Gadget Flow » : Rythmique futuriste (dont on sent l’influence de Timbaland) et une prouesse technique au niveau du flow. Cette indication permet de penser que la tournure de ce disque est tout autre que Food & Liquor, ceci sous-entend que ce disque ne s’apprécie pas pleinement à sa première écoute mais celles qui viennent. La texture sonore dévie vers du rock progressif comme le suggère son premier single « Super Star » featuring Matthew Santos. À quoi bon utiliser un refrain r&b pompeux après tout quand on peut avoir un vrai chanteur ? Lupe explore un hip-hop d’une toute autre dimension, à l’aspect résolument contemporain, qui n’a pas peur de fréquenter le rock indé du groupe Unkle (« Hello/Good Bye ») et le son d’avant-garde en « Hi-Definition » (feat Snoop Dogg). Sur « Fighters », on retrouve le chanteur Matthew Santos sur un instrumental au fond électro-rock planant. Dans un style plus traditionnel, « Paris, Tokyo » raconte ses voyages dans le monde pendant ses tournées, en faisant un clin d’œil à l’ancienne école sur cette prod ressemblant à un mélange de Tribe Called Quest et Pete Rock & CL Smooth, tandis que le magnifique « Hip Hop Saved My Life » (feat Nikky Jean) rend un hommage des plus gratifiants et émouvant à notre culture avec ce storytelling qui raconte l’histoire du rappeur Slim Thug. Impossible de louper « Dumb It Down », cette prod lourdement minimaliste contient aux lyrics assez complexes de Lupe, qui visent clairement à dénoncer l’abrutissement de la musique rap par les majors.
Si Lupe déclare la fin (funeste) de the Cool, il en fait de même avec sa carrière en annonçant sa possible retraite avec son prochain album LUPend sur « Gotta Eat ». Sinon, The Cool s’achève avec « Go Baby », un titre pour les ladies tout en rythme, une sorte de rockabilly des temps moderne. Et pour arriver à la fin de l’article, il est intéressant de revenir sur le concept de ce disque, relativement dark, contant l’engrenage de la rue et de ses règles, le tout grâce à un storytelling poussé et métaphorique, et puis à côté un développement de son univers artistique. Chacun y fera son interprétation des choses sans trop forcer ses méninges, comme chacun appréciera The Cool à sa manière selon ses goûts personnels. Il faut savoir aussi qu’hormis la présence de Snoop, Patrick Stump des Fall Out Boys et Unkle, Lupe Fiasco n’a eu aucune autre aide extérieure. Seul lui et toute son équipe du 1st & 15Th Productions ont permis d’en arriver à cet excellent résultat : la révélation Matthew Santos, GemStones (anciennement Gemini), Nikky Jean, le producteur Soundtrakk et le reste du FNF Crew. Le mot de la fin : The Cool, un album qui survivra les âges à venir, quoi qu’on en pense.
(chronique écrite le 5 Février 2008 pour Rap2K.com)
voila tu a mit 19 à cette album sur rap2k alors le considère tu comme un classique absolu avec le recul ?
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un album peut-être considéré comme un classique et ne pas avoir la note absolu (Hardknock Life de Jay-Z par exemple) et inversément. Y a des disques hyper bons qui dans la conscience collective ne sont pas considérés comme des classiques en tant que tel.
Pour Lupe, seul le temps le dira si c’est un album qui a marqué sa période. Il faut encore plus de recul en ce qui le concerne, ressortir l’album dans 3 ans…
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merci vivement we are lasers et faite qu’il ne me déçoive pas comme kanye west et son album de chant merdique
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et y son fait un scandale pour sa et c quoi l’histoire comme quoi les critiues le démonte et qu’il et pas aimée stp
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Bah ce sont surtout les bloggeurs qui ont commenté ce « fiasco », parce que Lupe devait soit-disant connaître ses classiques. Mais dans sa jeunesse, il a plus été fan de gangsta rap que des Tribe.
Après, il reste très apprécié tout de même et il a un public qui le suit énormément, les gens qui l’ont critiqué sur cette histoires de 2 rimes pas mémorisées n’avait juste rien d’autre à faire. C’est pas parce qu’un mec est très fort en rap comme Lupe qu’il connaît tous les grands classiques hip hop. C’était vraiment une tentative de décrédibilisation pas fortiche.
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c quoi l’histoire de la performance pour le tribe called quest j’ai jamais su ?
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Y avait une cérémonie Hip Hop aux US qui récompensait les Tribe Called Quest pour leur carrière, et Lupe a été choisi pour interpréter un couplets du groupe. Le souci c’est qu’apparemment il a fait ça à l’arrache et il a oublié les 2 dernieres rimes du morceau.
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