Bientôt dix ans après ses premières productions officielles (pour Busta Rhymes et DMX), Swizz Beatz est devenu ce qu’on peut surnommer une usine à tube qui fabrique des beats sur commande (une heure montre en main en tapant sur sa boîte rythme). Tout comme ses confrères Timbaland, Scott Storch, Pharrell Williams ou Kanye West, il se retrouve constamment sur tous les gros albums pour catapulter un artiste en tête des tops singles. Mais quand il s’agit de faire un ‘album de producteur’, un travail personnel synonyme d’exercice de style, il peut se passer l’inverse en terme de ventes et de succès critique. Et c’est ce qui se passe pour le cas de Swizzy. Autant son premier album G.H.E.T.T.O. Stories sorti en 2002 n’a demandé qu’un travail de production et de collaborations (de Ja Rule, Nas, Jadakiss, Ron Isley aux Ruff Ryders en passant par Metallica), sur ce One Man Band Man, le producteur a fait le pari de concevoir un véritable album solo,… en se mettant au rap.
Rares sont ceux qui possèdent cette incroyable ambivalence de producteur/rappeur à l’échelle mainstream (Eminem, Kanye West, qui d’autre ?). Mais ce n’est pas parce qu’on sait faire des refrains de ‘stand-up’ que l’on peut s’improviser rappeur sur dix titres. Swizz Beatz possède toutefois un flow particulier sans pour autant faire de grands bonds, qui s’écoule naturellement le long de ses productions. Des instrumentaux simplistes à défaut d’être efficace (tel son premier single « It’s Me Bitches »), misant tout sur des beats spontanés bourrés d’artifices et sans mélodie (sa période ‘je fais du synthé avec un doigt’ c’est fini), avec parfois un sample de voix customisé (« Money In The Bank »). Cela dit, Swizz n’a pas de scrupule non plus à utiliser des samples funk/soul ultra-grillés (« Lovely Day » de Bill Withers sur « Take A Picture »). Les morceaux qui sortent du lot (« Big Munny » sa mascotte, « Bust Ya Gunz » feat Drag-On et « The Funeral ») sont souvent assistés par d’autres beatmakers, comme Needlz, Nottz et Neo Da Matrix. Et puis, à propos de « Part of the Plan », c’est quoi cette manie de faire appel sans cesse à Chris Martin des Coldplay pour faire en collaboration transversale vers le pop/rock ?
Mais, le gros inconvénient de Swizz Beatz provient de son manque d’inspiration flagrant point de vue lyrics, recyclant des vieilles rimes du Wu-Tang Clan et Grandmaster Flash entre autre. Autrement dit dans le jargon ricain, c’est un ‘rhyme biter’. Sans ça, les thèmes restent très m’as-tu-vu, bling bling au possible… (« Top Down »). One Man Band Man demeure un album à l’image de ses dernières productions : inégal et/ou momentanément superflu. Recommandation : Swizz devrait continuer de produire pour d’autres artistes et laisser le micro de côté…