Maintenant que je me suis decidé à relancer les chroniques après six ans d’absence, il fallait que je rattrape le temps perdu en quelque sorte. C’est, non sans une certaine forme d’anxiété, que je me suis demandé par quel album j’allais relancer la machine… Sachant que je me suis fixé de ne plus trop suivre le flux de sorties interrompues qui frôle l’inondation, mais les albums que j’ai envie d’écouter et/ou dont j’ai envie de parler par dessus tout. Sans les limites des threads, qui furent une bonne expérience certes mais qui mériteront d’être reformatés en chronique. J’avoue que je me pose constamment les questions de savoir si je vous retrouver le goût, la frénésie et l’inspiration d’autrefois mais je ne le saurai pas avant d’avoir retenté le coup. Bon, trève de blabla, je vais reprendre avec Chromakopia de mon chouchou Tyler the Creator.
Déjà le 8e opus pour Tyler, avec une nouvelle esthétique, un nouveau délire, nouveau perso, mais il reste toujours le même rappeur-producteur doux-dingue aussi génial qu’inspiré, et qui en plus, se bonifie avec le temps. La marque des grands. L’introduction « St Chroma » nous offre la promesse de quelque chose de méga cool. Et c’est pas du chiqué. Sans spoiler l’expérience à venir, on devine déjà un album ultra-travaillé, Tyler en mode Quincy Jones ou quelqu’un dans le genre. Et avec pas mal de surprises comme des inspirations très rap old school dès la track 2 « Rah Tah Tah » que Chuck Inglish des Cool Kids n’aurait pas renié. Avec cette facette triturée qui le caractérise depuis ses tout débuts. Parce que Tyler a beau s’élever dans l’élite du rap, il n’en reste pas moins ce petit psychopathe survitaminé qui apparaît ça et là sur ce disque comme l’entêtant « I Killed You », et le banger « Thought I Was Dead » qui donne envie de headbanger sur le refrain avec ces cuivres totalement zinzins. Le couplet de Schoolboy Q dessus est redoutable et le voix de Santigold qui parsème ce titre est un bel atout. Pour info il existe une version avec Playboi Carti à la place de Q mais je ne l’ai jamais entendue et de toute façon j’en ai pas envie (j’aime pas Playboy Carti d’façon). Mais en tout cas, Tyler conserve cette dualité (voire pluralité tellement ils sont plusieurs dans sa tête) entre une spontanéité très brute (brutale?) et le souci du détail avec son groove bien moelleux et ses enivrantes mélodies de synthés. Le meilleur exemple? Probablement « Noid » qui sample l’artiste zambien Paul Ngozi dans une ambiance rock synthétique avant de dériver vers un autre chemin plus lumineux.
Bon évidemment, les tribulations amoureuses de Tyler sont les gros pointillés du fil directeur de Chromakopia. Et il y met tellement de coeur qu’on envie de chanter en choeur le refrain de « Darking, I » (‘KEEEEEP FALLING IN LOOOOOOOVE’ haha) avec cette vibe r&b bien neptunienne (ah l’inspiration de son maitre à penser Pharrell) et 90s à la fois. « Judge Judy » (avec un Childish Gambino non-crédité) est très bien composée également, dans l’écriture particulièrement, dans un autre style mais là aussi qui donne envie de fredonner. « Hey Jane » fait presque figure de moment calme à côté du reste. Dans un mélange de genre flirtant avec le rnb, « Take Your Mask Off » n’a pas vocation à être une chanson sympa car même madame Latoyia Williams chante en substance, hum, « j’espère que tu auras bien te faire foutre », avec classe. Logique, le thème est l’hypocrisie avec un élégant ‘fuck’. Côté dinguerie pure et dure, le bien bounce « Sticky » avec ses accents down south reste bien collé dans la tête avec ce sifflement qui tourne eb boucle. Les deux rappeuses Glorilla et Sexyy Red se tirent la bourre salement au point que Lil Wayne paraît bien sage au milieu de tout ça. Quant à « Balloon » avec la Grammy-award winneuse Doechii, c’est ce genre de petit bonheur aux teintes colorées et hip-pop qui rend la vie plus chouette.
Ce qui peut surprendre ce sont les moments de mélancolie qui surviennent comme sur « Tomorrow » et « Like Him » (avec Lola Young), mais comme gagné par une énergie soudaine, Tyler se reprend pour retrouver le soleil dans une formidable éclaircie. L’émotion devient plus forte sur le final « I Hope You Find Your Way Home ». Non seulement le titre fait écho à son précédent opus Call Me If You Get Lost, mais l’adulte en nous retrouve ce côté âme d’enfant avec un mot d’espoir saupoudré de nostalgie et d’une douce chaleurosité. A l’image de cet album qui part de la part d’ombre pour aller vers la lumière.
J’ai pris autant de plaisir à écouter cet album (et en écrire cette chronique) que Tyler a pris son pied en le concevant. Il est fun, divertissant, truffé d’idées et pratiquement inskippable. Avec toutes ces ponts, variations d’instrus et arrangements léchés au possible, et un Tyler the Creator qui rappe comme un affamé de la première heure et qui se voit comme le meilleur artiste rap derrière Kendrick Lamar. L’auditeur est choyé et gâté, et ce n’est pas tous les jours qu’on passe un super moment à écouter un album rap, au point de ne pas avoir envie de chercher la petite bête, juste le passer en mode ‘repeat’. Même des mois après sa sortie, c’est encore un vrai plaisir à l’écouter. Vraiment, cette création est un excellent cru. Mes applaudissements!
A noter l’édition ‘plus’ de Chromakopia avec le titre « Mother » inséré en plage 12, et qui s’intègre parfaitement au reste, au point d’être déjà indispensable à l’ensemble de cette oeuvre.
La note : 18/20
Merci à Mimiss de la zone rurale de m’avoir relancé l’étincelle!


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