Il aura fallu attendre trois ans pour avoir entre nos oreilles ce troisième album studio de notre chanteuse et musicienne prodige Alicia Keys. Un talent précoce qui lui permet de comptabiliser à son actif deux grands classiques, l’intemporel Songs In a Minor et le splendide Diary of Alicia Keys en 2003, où l’on découvrait une artiste accomplie qui se dévoilait comme dans un livre ouvert. Pour couronner le tout, Alicia avait sorti à la rentrée 2005 le live Unplugged enregistré dans les studios de MTV, un concert aussi exceptionnel et maîtrisé que la pianiste est mature et douée. Magique, il n’y a pas d’autres mots pour décrire nos impressions. Pour reprendre un célèbre slogan, elle a toute d’une grande. Et même dans ses films, Alicia Keys crève l’écran et fait battre le cœur des hommes. Elle a absolument tout pour plaire, tout pour elle.
Si ses premières œuvres vont pouvoir traverser les épreuves du temps, reste à savoir si l’artiste est capable de maintenir son statut les années à venir, car à 26 ans, Alicia Keys n’en est encore qu’au début de sa brillante carrière. Malgré une industrie musicale en crise, il semble en tout cas que l’énorme succès commercial de As I Am, conforte sa place dans le monde de musique. Pourtant, ses premiers extraits « Superwoman » et « No One » n’ont pas pleinement convaincu son public, mais en a su en trouver un autre. Les compositions, les mélodies de piano et les interprétations frisent la perfection, rien à redire, seulement, ces titres comme d’autres dans cet album (« The Thing About Love », « Tell You Something »,…) manquent de caractère et ne sont pas si extraordinaires qu’à l’accoutumée. Cependant, impossible de ne pas être profondément troublé par le superbe « Like You’ll Never See Me Again », comme ces souvenirs des meilleurs slows de Prince (« Adore ») dont elle s’inspire.
Sur As I Am, Alicia Keys se livre à cœur ouvert et montre ces plaies qu’elle n’a pas confiées dans son précédent journal intime. Une tristesse s’empare de nous lorsqu’elle dévoile un « Go Ahead» coléreux, trouvant sa force dans les chœurs de Marsha Ambrosius (des Floetry) pour garder la tête haute et s’accrocher fermement, la musique décrivant idéalement cette ferme intention. C’est ce même sentiment qui s’immisce dans notre esprit, avec un soupçon de mélancolie en plus, à l’écoute de « Lesson Learned », accompagné de John Mayer au refrain. Le sourire revient avec « Teenage Love Affair » qui respire la bonne humeur et les bons moments de nos amours de jeunesse, mais le doute sur les histoires de couples s’installe lors des « Wreckless Love » et « Where Do We Go From Here », introduit par un vinyl de soul music pour garantir un effet rétro. On alterne entre pessimisme, introspection, la mémoire des bons et mauvais instants, avec un brin de détermination et de chagrin masqués derrière ce doux visage. Pour l’anecdote, son portrait en noir et blanc sur la pochette s’inspire de l’affiche du film « Baisers Volés » dans sa version américaine.
Bien que notre enthousiasme suscité par cette oeuvre ne soit pas à la hauteur de nos espérances, Alicia Keys commet un nouveau sans-faute. Ne serait-ce que par l’émotion provoquée par sa voix, ses mots, chaque fois que ses doigts appuient sur les touches de son piano et se transforment en note puis en mélodie… Pour cet album, la chanteuse a puisé son inspiration dans ses moments difficiles pour en arriver à cette impression de se remettre d’une séparation douloureuse après une relation trop heureuse et qui a dû malheureusement couper court. Quant à l’appellation ‘classique’, il faudra attendre quelques années pour As I Am, voir comment ce disque vieillira.
(chronique écrite le 13 Décembre 2007 pour Rap2K.com)