Ce troisième album des De La Soul… comment s’écrit-il déjà ? On ne sait jamais correctement écrire son intitulé du premier coup et pour d’injustes causes car il s’agit de l’album de De La le plus sous-estimé qui soit, celui dont on oublie souvent l’existence, celui qui a fait le moins de bruit, qui ne s’est pas vendu des masses. Et c’est réellement injuste parce que c’est passer à côté d’une vraie merveille. Alors revoici le titre : Buhloone Mindstate, pour ‘balloon’ (traduction non-nécessaire), métaphore qui veut dire « avoir pris la grosse tête »…
En effet, Buhloone Mindstate contient non seulement son lots de standards ‘De La’ (on va y venir), mais c’est l’album le plus jazzy et a fortiori le plus abouti musicalement de toute leur discographie. Aussi y a-t-il eu un écrémage au niveau des interludes puisqu’il n’en subsiste que trois, dont l’improbable « Long Island Wildin », invitant des rappeurs… japonais. Retour à format plus classique, cependant leur humour décalé demeure encore.
Mais revenons-en à cette fusion magique hip-hop/jazz, tel un enfant turbulent main dans la main avec son sage grand-père. C’était la période qui voulait ça aussi, avec l’arrivée des Pete Rock & CL Smooth et Gangstarr, à force, les saxophones sont devenus un gimmick du rap new-yorkais. En parlant de Gangstarr, Guru apparaît en mode Jazzmatazz sur l’immense « Patti Dooke » qui convie sur cet incroyable instrumental (avec sample de flûte à l’appui) des grands noms du cuivre comme Maceo Parker, Pee Wee Ellis et Fred Wesley. Rien que ça. Maceo Parker reste ensuite sur les cinq minutes du prestigieux instrumental « I Be Blowin » bâti autour d’un sample de Lou Rawls, puis les trois jazzmen reviennent sur cette composition pour « I Am I Be » de Posdnuos, qui démarre son texte par « I be the new generation of slaves/ Here to make papes to buy a record exec rakes ».
Pos est éblouissant de maturité, et comme il le dit sur « In The Woods », « Fuck bein’ hard, Posdnuos is complicated ». C’est d’ailleurs lui qui lance cette rime « something like a phenomenon » sur « Ego Trippin’ part 2 » (qui sera reprise plus tard par LL Cool J), de nouveau un titre phare des De La Soul. Encore une preuve de leur avance, les De La ont écrit un morceau de rap sur les codes postaux US (« Area ») bien avant Ludacris. Et pour « Breakadawn », Prince Paul a samplé « I Can’t Help It » de Michael Jackson et composé par Stevie Wonder. Peut-être un des tous premiers samples de MJ ‘adulte’ utilisé dans le rap. Ce qui n’a pas empêché un petit impair en reprenant pour le beat de « 3 Days Later » celui de « We’ve got the jazz » des Tribe (qui a été « volé » à Pete Rock selon la légende). Les petites affaires de ‘beat jacking‘…
Buhloone Mindstate figure d’autres invités de marque, notamment les Black Sheep (auteurs du classique « A Wolf In Sheep’s Clothing ») et le monument(al) Biz Markie sur « Stone Age » qui nous ramène à la préhistoire du rap avec du beatbox. Une façon sans doute de marquer la fin d’une période pour eux après le Daisy Age, cette Golden Era est marquée par la fin de leur collaboration avec Prince Paul après quatre années de service, avec le plus bel album qu’ils ait conçu.