Chroniques Rap, Soul/R&B, Electro…

Kendrick Lamar « gnx » @@@@¼


2024 été meurtrier. Kendrick Lamar a littéralement pulvérisé la carrière suborbitale de Drake avec quatre ogives dont l’incroyable dossier « Meet the Grahams » et le phénomènal « Not like us », devenu à la fois une diss-track létale, un délire collectif, un hymne et un street-banger. Avec des boucliers à la défense percée de toute part en guise de réponses, le rappeur canadien a en quelques jours été mis au ban du rap game et condamné à rester cloîtré dans sa ville de Toronto. Et pour couronner le tout, Kendrick a doublé proprement son rival par la droite sur le tableau des records de streaming. Même le géant Universal ne semblait pas s’en émouvoir. L’humiliation était déjà totale. Alors imaginez le frisson lorsqu’à la mi-temps du Superbowl le public a repris « CERTIFIED LOVERBOY CERTIFIED PEDOPHILE » devant des millions de téléspectateurs…

Peu de temps après ce clash qui a fait réagir la planète entière (l’expression « faire couler beaucoup d’encre » n’est plus approprié à notre époque hélas), Kendrick bat le faire tant qu’il est chaud et balance en Novembre sans prévenir gnx. La dernière fois qu’un rappeur majeur avait sorti un album surprise de la sorte, c’était Nas avec Magic en 2021 juste au moment de poser les cadeaux sous le sapin de Noël. C’est quoi ces 3 lettres, GNX? Mes deux premières hypothèses était une référence à la génération X, mais c’est celle des parents de Kendrick donc non. Ensuite c’était ‘gène X’ pour le chromosome. Non plus. Puis en regardant la photo, l’indice, Kenny s’appuie dessus : une Buick Grand National noire de ’87. Finalement, la signification de l’album était plus simple que prévu.

Echauffé par les quatre diss successifs, qui ne figurent pas sur le tracklisting, j’ai démarré l’écoute en oubliant complètement à quel point j’avais trouvé le précédent KP Mr Morale & The Big Steppers aussi chiant que DAMN (si, déso pas déso). Immédiatement « Wacced out murals » envoie un signal d’urgence, une tension qui revient sur son exposition suite à ses attaques envers Drake, les réactions de ses pairs et l’annonce de son show au Superbowl 2025, en essayant de garder la tête froide et du recul, pour mieux prendre de l’élan. Alors direction le dancefloor avec l’OVNI funky « Squabble Up » qui sample de la dance-pop bien 80s. Kendrick conserve ici son flow mâché (et sur le reste de l’album en fait) sur ce banger rétro-futuriste dont les couleurs californiennes ne se délavent jamais. D’ailleurs on apprécie beaucoup la teinte « Dodger blue » (co-produit par Terrace Martin), tout en downtempo pour mieux kiffer la vibe pacifique. Parmi les autres bombes conçues parfois dans le même moule que « Not like us », on peut compter sur « Peekaboo » qui fait froid dans le dos et l’incroyable « TV off », dont la 2e partie monumentale est introduite par le cri de « MUSTAAAAAAAAAAAAARD ». Voilà comment remettre en selle un DJ Mustard qui était devenu un peu passé de mode (toujours faire attention, la moutarde ça se périme). Cette fois il a mis plus de grains dans ses prods, notamment sur « hey now » bien posé sur ses moogs, d’une simplicité et efficacité sans pareille, avec deux vibrantes notes de synthés en guise de tic-tac, de quoi rendre jaloux Hit-Boy et aussi les Neptunes (l’inspiration de « Mr Me Too » des Clipse et aussi de « Light Yo Ass on Fire » de Busta est bien là). Le genre de titre que je passe en boucle en voiture.

Les cross-overs r&b passent crème, à commencer par le duo avec la chanteuse SZA sur « Luther » (qui sample du Luther Vandross, on s’en serait douté avant même d’entendre sa voix), SZA que l’on retrouve aussi sur le très beau titre final « Gloria ». Maintenant c’est parti pour une tournée commune. Bien vu aussi le sample de « Use Your Heart » des SWV sur le 6e épisode de « The Heart », c’est tellement moelleux et doux. Kendrick évoque sur ce titre sa période Section.80, l’ébullition autour de TDE et explique sa responsabilité avec une sincérité sans faille dans le fait que les Black Hippy n’ont jamais pu sortir de projet. Cette nostalgie qui nous revient en pleine face nous fait réaliser à l’instant que GNX n’est pas sorti chez TDE Records, ni sur Aftermath. Fini la tutelle de Punch, de Dr Dre, il n’y a pas les copains Ab-soul, Jay Rock ou ScHoolboy Q, ou même le super ingé-son MixedByAli. Maintenant c’est son label PGlang et le fidèle Sounwave à la barre. Oui, GNX est le premier coup d’essai de Kendrick en étant aux commandes de sa liberté artistique. Et ça marche, la preuve.

GNX est pourtant un album nettement moins concept que ses 4 sortis chez TDE/Aftermath, moins capillo-tracté, moins de gros noms de la prod, moins léché, instrumentalisé, articulé, contextualisé, littéraire,… Mais à l’inverse, il est plus spontané, agile et technique, brut, plus rentre-dans, Kendrick va droit au but et laisse libre court à son expression sans trop de soucier du détail ou des sous-textes. Comme s’il avait retrouvé cette motivation et cette faim de sa jeunesse. Il rend d’ailleurs un hommage appuyé à Nas sur « man at the garden » dont l’instrumental et l’ambiance n’est pas sans rappelé le mythique « One Mic ». 2Pac est aussi présent, spirituellement et musicalement sur « reincarnated ». L’instru concocté paraît tout droit inspiré des prods des albums posthumes de 2Pac et la voix et le flow de Kendrick se calquent sur celui de cet influent mentor de toute une génération. Pas du tout le même exercice que sur « Mortal Man » qui concluait le classique To Pimp a Butterfly. De nouveau, Drake, sans être nommé, se mange une belle leçon dans la figure, lui qui a osé se prendre pour 2Pac en utilisant une IA. Ce qui a été hyper mal réceptionné pour tout un tas de raisons valables (et que c’est complètement naze sur le principe). Même les héritiers de Tupac s’en sont pris à ce morceau par le biais de la justice pour des questions basiques de droits, forçant Drake à le retirer. CHEH.

Le seul titre qui arrive un peu comme un cheveux sur la soupe est bizarrement « gnx ». Instru peut-être trop basique et redondant, ennuyeux en fait, qui convie quelques de ses protégés comme Peysoh, Hitta J3 et YoungThreat et dont je n’ai pas la conviction qu’ils perceront un jour prochain. Tout n’est pas parfait, mais ça n’a pas forcément besoin de l’être.

LA NOTE : 17/20

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