Dante, homme de poésie et citoyen engagé d’origine italienne né après la moitié du XIIIe siècle après Jesus-Christ et auteur de la Divine Comédie. Abd Al Malik, né Regis Fayette-Mikano en France, descendant de parents congolais, poète de la rue et chevalier de l’art et des lettres, membre du groupe strasbourgeois NAP et pierre angulaire des Beni Snassen, auteur du Face à Face des Cœurs et Gibraltar. Dante est le nom de son troisième album d’Abd Al Malik.
Je me souviens quand je l’avais interviewé pour la première fois à Lyon, dans le cadre de sa tournée française pour Gibraltar, Abd Al Malik ne se posait pas la question de savoir si le slammeur allait prendre le dessus sur le rappeur dans les années qui viennent. La seconde fois, un an plus tard à Paris, pour la promo de Beni Snassen, le rappeur était de retour pour mener ses troupes de soldats du Hip-Hop en compagnie de sa femme, la chanteuse Wallen. Finalement, Dante est un album atypique dans le paysage rap français, à moins qu’il s’agisse de chanson française, autrement dit de la chanson à texte. En Avril dernier, Grand Corps Malade, l’Enfant de la Ville, avait montré que ce mouvement était arrivé sur sa vitesse de croisière. Et à Abd Al Malik d’emboîter le pas une seconde fois avec un album Slam plus évolué musicalement, à moins qu’il s’agisse d’un album Rap Français plus parlé, plus littéraire.
Le Slam, pour les puristes, se fait sans musique. Il n’est question que de déclamation et de récitations de poésie urbaine. Mais comme pour Gibraltar, ce disque contient un décor musical, plus présent. Une hérésie pour les plus conservateurs. Et alors ? Travailler avec des musiciens comme le célèbre pianiste Gerard Jouannest a quelques de chose de noble, faire un impropable duo avec Juliette Greco, véritable patrimoine de la chanson française, a quelque chose de grand. Ce morceau s’appelle « Romeo & Juliette », un dialogue contant l’histoire d’un homme et d’une femme de peu de vertus dont le chemin s’arrête brutalement, comme un crash mortel avec Bonie et Clyde en voiture.
On oscille dans un univers entre piano-voix et instrumentations jazz du meilleur effet, comme par exemple « Lorsqu’ils essayèrent », « Le Faqir » et alternativement le poignant « Circule Petit, Circule ». J’ai été profondément touché par ce morceau en particulier, par ses textes qui racontent les mécanismes psychologiques de l’enfermement dans un environnement comme les HLM, accentués par le refus de faire face à la réalité et qui finit par isoler les existences. Abd Al Malik craque littéralement, il s’effondre, et je reste sans voix. Son message pourrait être le suivant : pour s’en sortir, il faut sortir des cités de parpaings et de béton qui emprisonnent les mentalités en commençant par aller au-delà de soi-même. Difficile de décrire les relations tumultueuses que le rappeur/slammeur entretient avec la banlieue, alors le mieux pour lui, c’est d’écrire ce qu’il ressent. Il l’aime de toutes ses forces comme il la déteste de toute son âme. Il ne faut pas oublier que dans une autre vie, Abd Al Malik aurait pu mal finir, devenir dealer comme ses modèles et finir entre quatre planches. Il a été sauvé par le hip-hop et la musique et finit par danser sur un « HLM Tango ».
Quel que soit le type de musique sur lequel il pose, Abd Al Malik fait de nombreuses fois références aux Hip-Hop. Il en parle de-ci de là, ça fait toujours partie de lui, c’est ce qui l’anime. Je crois que la chanson la plus parlante est « Gille écoute un disque de rap et fond en larme ». Des fois, on navigue entre deux eaux. Il met du flow dans son phrasé et il apparaît alors un beat comme sur « Le Marseillais » et « HLM Tango ». Très bon travail de Bilal, ça devient une habitude.
Il ne manque pas d’affirmer sa fierté d’être français et de vivre en France, ce qui peut paraître surprenant de la part d’un fils d’immigré, à une période où l’on parle de ‘discrimination positive’, cette fameuse oxymore politique teintée d’hypocrisie. Puis d’ailleurs, Abd Al Malik a été accueilli et félicité par le public français, c’est plus que de l’acceptation. Il le faisait savoir déjà dans ses interviews, qu’il était fier de vivre en tant que français,mais là, il parle de vraies valeurs, telles que le mérite, le respect, la dignité et le courage sur son extrait « ça, c’est du lourd » avec beaucoup d’humanisme, de solidarité, avec le langage des jeunes, l’argot de notre génération. C’est là que je me dis : « enfin un artiste hip-hop très écouté qui n’a pas peur des mots et qui incite à un minimum de civisme et d’ouverture d’esprit. » Je ne dis pas qu’Abd Al Malik s’inscrit comme un pédagogue, un moraliste ou un intello car très cultivé, plutôt comme un grand frère qui connaît la voie de l’honneur.
Abd Al Malik est français au point de devenir franchouillard lorsqu’il raconte un « Conte Alsacien » avec les musiciens de Jacques Brel. On aurait dit « Les Amants de Saint Jean » version bal musette citadin. J’apprécie aussi la manière dont il voit la capitale sur « Paris, mais… » avec Wallen, qui l’accompagne aussi sur « Raconte moi Madagh ». Je ne sais pas si c’est elle, mais ce titre est beau, simplement. Je ne perdrai pas trop de temps pour évoquer « Noces de Grenelle », trop triste, je préfère finir sur une note ni négative, ni positive mais symbolique avec quelques mots sur l’hommage rendu à Aimé Césaire. Il narre le moment et la situation dans laquelle il se trouvait lorsqu’il a appris la nouvelle sur ce grand monsieur de la poésie qui a instauré l’idée de négritude. Abd Al Malik achève son hommage par la récitation d’un poème, rien de tel pour ne pas oublier l’œuvre de Césaire.
Dans l’absolu, Dante est une très bonne suite à Gibraltar. Et comme tout album de Slam qui se respecte, c’est sur scène que l’on prend conscience de l’ampleur du phénomène et du potentiel d’Abd Al Malik.
Ce type est indigeste avec ses paroles de bon « patriote » et moraliste. Ici on baigne dans la demagogie la plus aboutie..Il rentre dans la categorie des « artistes d etat » bien lisse avec des accents de 4eme republique..Affreux
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Très bon album, j’avais beaucoup apprécié ‘Gibraltar’ et là je trouve comme toi que c’est une belle suite. Musicalement, c’est très abouti, il créé même un genre de dirais en créant du rap-variet’ si j’peux l’appeler ainsi. C’est poétique et musical.
En plus de tout ça, le tout est très cohérent et comme toi j’ai été très touché par ‘Circule petit, circule’.
En bref, une belle surprise pour moi vu que j’en attendais pas grand chose.
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Sagittarius,
j’adore lire tes chroniques.
Et, j’espère que t’en fera une à propos de « arabian panthers » de Medine ?
Merci d’avance !
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Assez d’accord avec la chronique même si je trouve malheureusement Abd al Malik encore plus lisse que dans Gibraltar.
Exemple « C’est du lourd ! » qui passe pas du tout chez moi; une sorte de remake de « Ce « A » D’avilissant » de Kery James, avec une instru occidentalisée, et le spoken word insupportable en plus (ouais quelques rimes auraient au moins donné un intérêt à ce morceau).
Mais outre ce côté un peu trop « gendre-immigré-bien-intégré idéal » j’lui tire quand même mon châpeau car il nous gratifie de morceaux sublimes, notamment celui avec sa femme où leurs paroles qui se confondent donnent un style du plus bel effet. Ou alors quand il se lance à parler en alsacien aussi !
Ma note : @@@@ aussi tout de même
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Bon album, musicalement c’est un tour de force la plupart des mélodie déchire c’est vraiment du lourd, certain morceau s’essoufle un peu genre le marseillais, ou circule petit, et el 2eme duo avec wallen est assez indigeste, mais ils se rattrapent sur « miséricorde »
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Un mix entre slam, Hip-Hop et musique française. Il a reussie à ce créer un genre pour lui qui lui va à merveille. Pour moi la track de l’album est « Raconte Moi Madagh ». Même si je trouve que Wallen domine un peu trop le titre, il reste quand même envoutant. Et l’album de Wallen t’y as jeté un oeil???
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J’aime beaucoup l’artiste, il sait nous transporter grâce à des textes engagés et poignant !!! Ce n’est pas que du slam, il a su s’approprier le style slam pour en créer un autre, qui est approprié à sa personnalité.
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