Ce très grand album restera toujours chéri, bien rangé sur l’étagère d’un passionné de rap averti, ne serait-ce parce qu’il est très important. Important d’abord de nous rappeler que Common a été un pionnier du rap de Chicago, en lui offrant avec Resurrection son premier classique, et lequel! complétant ainsi une année 94 très riche en classiques rap.
Rétrospective écrite en Octobre 2016
Avant cet album, il n’y avait pas de place sur la carte du rap pour la scène de Chicago. Tout se partageait principalement entre New-York et Los Angeles. Mais en 94, la donne allait changer avec le Sud qui avait quelque chose à dire, et avec l’émergence du Midwest, plutôt vers le Nord. Après l’impact sensible de Resurrection, d’autres artistes suivront, comme les Do Or Die, Twista, puis plus tard les Kanye, Lupe et compagnie. Et Common sera là à chaque fois pour observer tous ces artistes qui auront de belles carrières devant eux.
Common (qui perdra son ‘Sense’ suite à un litige avec un groupe reggae) fait partie aussi de ce club très fermé de rappeurs qui ont connu la gloire avec un second opus, complétant une année 94 très riche en classiques rap. Un consécration plus critique (sauf The Source qui n’avait mis que trois micros et demi) que commerciale, l’album n’écoulant que 2200 (!) exemplaires à peine la semaine de sa sortie, très faible à une époque où Internet n’était pas dans nos maisons, quand les disques se vendaient comme des petits pains. La résurrection de Common (sans le ‘Sense’ donc) prendra son temps, le temps que les gens réalisent que le rappeur de Chicago de 22 ans avait le talent pour faire partie de l’élite. Mais il n’en serait pas là sans l’apport d’un homme providentiel, No I.D., cette personne qui dans le futur découvrira Kanye West, deviendra président de son label G.O.O.D. Music, puis du sien ARTium Recordings (Vince Staples, Jhene Aiko, Cocaine 80) et enfin, vice-président de Def Jam.
Donc Resurrection est l’histoire de deux hommes qui vont faire de grandes et belles choses. Passé le morceau-titre en guise de première piste de choix avec son superbe sample de jazz servant de terreau pour l’éclatante démonstration de dextérité verbale de Comm’, vient ensuite la chanson qui révélera le rappeur au monde entier : « I Used to Love H.E.R. » (acronyme pour « hearing every rhyme« ). Avec sa voix posée et des lyrics qui transpirent une intelligence manifeste, il accouche là l’une des plus belle histoire jamais rappée, une lettre d’amour au Hip Hop qu’il personnifie en femme. Ce que le chaud bouillant Ice Cube ne verra pas d’un bon oeil lorsqu’il entendra Common dire que la fille en question a mal tourné quand elle s’est mise au gangsta-rap. Cette opposition aboutira à l’une des plus retentissante passe d’arme rapologique sera lancée.
Subdivisé en 2 parties (Eastside et Westside of Stony, Stony étant son alter-égo sur cette oeuvre), Common relate des tranches de vie dans les quartiers de Southside de Chicago, traite de questions sociales et politiques bien sûr avec l’air de ne pas trop s’y impliquer (il n’est pas non plus un des pionniers du ‘rap conscient’ pour rien), avec des rimes riches truffées de références (« I Tango for Cash » sur « Book of Rhymes« , « I’m Nestle when it’s crunch-time » sur « Resurrection », etc…). Ceux qui ne l’ont connu que récemment seront surpris de l’entendre lâcher des couplets de haute volée comme sur « Communism« , ou dans un style plus libre, « Sum Shit I Wrote« . Resurrection recèle d’autres standards comme « Nuthin’ To Do » et « This Is Me » qui restent gravés dans les mémoires . L’excellent choix de samples soul/jazz de No I.D., parfois très anciens, feront école en inspirant tout un tas de producteurs et seront maintes fois repris par après. Inconnu jusqu’alors, il est arrivé à se mettre au niveau des Pete Rock et consorts sur ce terrain-là, un vrai prodige.
Pour conclure, Common laisse la parole à son père ‘Pops’ Lynn, une outro de spoken-word qui se pérennisera jusqu’à la mort de ce dernier vingt ans plus tard, en 2014 à l’âge de 71 ans, quand son fiston, devenu aussi acteur, pourra se targuer d’avoir été le ‘Nas de Chi-town’ avec Resurrection.
Il explique dans son autobiographie qu’ il commençait à lire le Coran et qu’un jour au studio No ID l’a pris, l’a ouvert au hasard et est tombé sur la page « Resurrection », un mot qui définissait bien sa situation à l’époque , d’où le titre de l’album.
Il explique aussi qu’il amenait un pote dans sa Toyota Celica rouge voir sa copine dans le nord de la ville, « he’d be doing what he’d do with her », ce qui lui laissait le temps de penser et de retenir ses rimes. Elles sont donc nées, pendant la période automne-hiver, au volant de voiture.
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