Previously on Planet Mars… Automne 2003, après deux ans de gestation, les IAM ont mis au monde par césarienne un Revoir Un Printemps qui sonnait la préretraite d’un groupe assis sur son glorieux passé. Du moins, ce n’était qu’une impression visiblement faussée par l’image d’une institution vieillissante, appelant la conscience d’un public rap français qui a mûri avec eux. Il fallait dès lors prévoir pour Printemps 2007 l’avènement, plus qu’un événement, d’un nouveau cru des marsiliens : Akhenaton, Shurik’n, Freeman, Imhotep, Khéops et Kephren signent chez Polydor pour une Saison 5 riche en rebondissements. Enregistré en un mois seulement, cet album affirme le retour au premier plan de la formation légendaire, indiquant la marche à suivre pour remettre au goût du jour la science de la rime et un Hip Hop privilégiant habilement le fond et la forme.
Cette cinquième saison en dix-sept épisodes arrive à point nommé pour secouer un rap français ennuyeux lorsqu’il ne lorgne pas son grand frère américain pour lui piquer ses idéaux mainstreams mercantiles. Premier morceau et déjà une frappe chirurgicale, « WW » est attaque verbale et stratégique, sur laquelle les IAM giflent une nouvelle génération turbulente et indigne de leur héritage, sans vouloir manquer de respect. Un message fort et imparable à la génération actuelle, des vérités qui éclatent comme autant de constats alarmants, il n’y a pas photo, les belliqueux AKH et Shurik’n sont en forme olympique. L’instrumental en lui-même est frais et familier à la fois, avec des sonorités orientales chères à Imhotep. « Une Autre Brique », premier extrait de Saison 5, montre bien que l’enregistrement de ce disque s’est déroulé dans la spontanéité et l’urgence, se traduisant artistiquement sous la forme d’un flow calé sur la mélodie samplant Bob Stone. Les IAM sont directement connectés à la réalité, à l’instant, sur ce titre qui évoque l’indémodable « Another Brick in the Wall » des Pink Floyd. La production de ce morceau se partage entre Akos et DJ Spank, une surprise, sachant d’autant plus qu’ils s’octroient le tiers de la réalisation de l’album. Hasard du calendrier, la sortie de leur cinquième disque coïncide avec les campagnes présidentielles. Mais les IAM ne sont pas là pour parler politique, juste démanteler les réseaux de « Rap de Droite », un pamphlet contre le matérialisme apparent dont les clichés inhérents nourrissent les partis capitalistes, ou jouer simplement leur rôle de citoyens sur le revendicateur « United ».
Sur « Ca vient de la Rue », nos MCs défendent dignement de leur meilleur art notre patrimoine culturel et ses origines, avec des textes intelligents qui font appel à la conscience commune. Freeman y greffe son couplet sur cet instrumental répétitif et inlassable, ce commentaire notable pour signaler qu’il retrouve son rôle de 3e homme, ses interventions étant plus singulières que surRevoir Un Printemps. Ici, Malek se retrouve sur le bien nommé « Le Style de l’Homme Libre », aux accents asiatiques prononcés, et à cœur ouvert sur « Nos Heures de Gloire », une magnifique confession qui les soulage de leurs regrets jusque là inavoués. Pour revenir aux morceaux célébrant notre mouvement musical, « Hip Hop Ville » joue la carte de la fantaisie, il n’y a qu’à fermer les yeux pour s’imaginer jouer les touristes dans cette métropole construite en l’honneur des artistes hip hop. Après les morceaux évoquant notre richesse culturelle, « Offishal » vient motiver notre fibre d’activistes sur beat dancehall efficace, en traçant les grandes lignes des objectifs à atteindre jusqu’ à la reconnaissance tant légitimée. Pour ce qui est du côté créatif, les IAM se sont inspirés du concept de « Sekou Story » de Nas pour « Tu le sais » : une chanson scindée en deux parties, dont une utilisant le même sample de Lyn Collins que leur confrère américain. Dommage cependant que l’exercice de style « Coupe le Cake » souffre d’une idée handicapante, les rébus sonorisés à chaque fin vers gâchent très vite l’écoute. Qu’à cela ne tienne, Akhenaton rattrape le coup sur un titre solo, narrrant ses souvenirs douloureux « Au Quartier », l’émotion prenant le pas sur cette histoire saisissante dessinée par sa plume légendaire, mise en relief par un très beau sample soulful.
Dix ans après le monument L’Ecole du Micro d’Argent, les Imperial Asiatic Men restent encore et toujours au sommet de la pyramide, surmontant avec brio l’épreuve du temps. Pour ce millésime,Saison 5 se veut viscéral, franc, un pilier neuf de notre paysage rapologique. Le Hip Hop français n’est pas encore mort tant que les pionniers comme IAM scruteront le terrain.