Dans le milieu du sport, il est souvent question de contrats et de transferts de joueurs, de pilotes… Dans la musique rap, c’est un peu pareil, un artiste peut passer d’un label à un autre, comme c’est le cas ici de Dj Vadim. Après dix ans de bons et loyaux services au sein du prestigieux label anglais Ninja Tune, le DJ russe a signé un contrat chez un autre label indépendant tout aussi renommé : BBE. Imaginez ce que cela représente dans le hip hop underground, c’est comme si un grand footballeur était transféré de la Juventus de Turin au Real de Madrid, ou comme si un talentueux pilote de F1 part de chez McLaren pour l’écurie Ferrari. Entre temps, il est nécessaire de trouver de nouveaux repères car les périodes de transition sont parfois houleuses. Mais pour Vadim, pas de quoi s’inquiéter, voyez plutôt cette signature sur BBE comme un saut sur un trampoline neuf.
Pour ce premier album chez BBE, Dj Vadim s’est fait plaisir : il est parti en vacances. Il est parti jouer les globe-trotters, sampler et boîte à rythme sous les bras, commençant naturellement son pèlerinage en Jamaïque, prenant au passage des sonorités reggaes prononcées (« Fear Feats » ft Emo & Syrus). Il s’arrête en Californie le temps d’une escale pour enregistrer avec Abstract Rude (« Souncatchers »), avant de traverser seul la ville de « Milwakee », Wisconsin, puis atterrir au Royaune-Uni pour visiter « Manchester », chacune des deux métropoles étant décrites par des ambiances d’abstract hip hop. Durant son voyage autour du monde, Vadim a frôlé le sol du Moyen-Orient (« Like The Wind » ft Deuce Eclipse) et Hindou (« Them Say » ft Diane), se servant de sa machine à échantillonner tel un appareil photo pour rapporter quelques clichés des cultures musicales locales. Pour prendre quelques congés ensoleillés entre deux destinations, Vadim revient se ressourcer de temps à autre du côté de Kingston pour quelques autres ellipses reggae bienvenues (« Black is the Night » et « Balistic Affairs » ft Skinny Man, Singa Blinga, & Killa Kela).
Retour au pays natal, sa mère patrie la Russie, qu’il honore en plaçant des chants grégoriens sur « Theme to big Willy Dee », le récit abstrait d’une traversée d’est en ouest de l’Asie. Et puis bien sûr, personne ne peut louper son passage sur Paris. Pour « Kill Kill Kill », il rend visite à un Big Red en très grande forme, notre vedette nationale qui n’a rien perdu de son phrasé ragga-sonique. En soirée, Dj Vadim vient se détendre sur les dancefloors (« Got to Rock » ft Zion), boom claps et lignes de basses funky garantis, ou alors sur grooves empreints de fraicheur crépusculaire (« Talk to me » feat Sena et « Bath in Bleach » ft Monte Smith). « Watch that Sound » ft Emo vient conclure ce tour du monde en musique là où Dj Vadim l’a débuté, c’est-à-dire sur les terres jamaïquaines.
Très inspiré par ce second souffle dans sa carrière, The Soundcatcher a été réalisé sous la bannière de la liberté artistique, avec le monde entier comme terrain d’inspiration. Ce très bon début chez BBE est la promesse d’une future discographie florissante et riche en couleurs.
(chronique écrite le 12 Avril 2007 sur Rap2K.com)