Rihanna « ANTI » @@@@


Je vous le confie : je n’ai pas écouté un seul album de Rihanna en entier depuis Rated R et pourtant je n’ai jamais eu l’impression d’avoir raté quoi que ce soit. Impossible d’échapper à ses singles radios diffusés à intervalles réguliers depuis 2007 depuis la tempête « Umbrella » (même dans les supermarchés, les magasins,… IMPOSSIBLE je vous dis) qui ont fait le bonheur des danseurs du week-end, ses clips au léger parfum de controverse, ni à ses superbes photos (plus ou moins nue) en tant que modèle (son autre passe-temps favori) qui défilent sur Twitter, ou bien des clichés de paparazzis… On pourrait presque dire que la chanteuse black pop des Barbades fait partie de notre vie quotidienne de manière passive.

De Music of the Sun à Unapologetic en 2012, Riri enchaînait les albums sans temps mort, une galette par an pratiquement. Mais depuis sa signature chez Roc Nation, histoire de retourner sous le giron de Jay-Z qui l’a signée chez Def Jam en 2005, un hiatus s’est installé, et ça forcément on n’y était pas habitué. Alors que les radios se sont épuisées à conserver « Diamonds » et « Stay » dans leur playlists, Rihanna travaillait en coulisse sur un projet secret baptisé R8 (comme la voiture de sport de chez Audi), nom de code de son 8e album, et dont la gestation fut plutôt longue. Tout juste un an avant la sortie de ANTI, en Janvier 2015 donc, était diffusait l’extrait « FourFiveSeconds » avec Sir Paul McCartney et Kanye West (résultat d’une séance de studio exceptionnelle entre les trois artistes), début d’un processus promotionnel qui entretenait avec parcimonie un délai fuyant. Un nouveau single (« American Oxygen« ), un vidéoclip marquant qui a fait le buzz comme on dit (le fameux « Bitch Betta Have My Money« ), des photos avec le rappeur Travis Scott, un démenti au sujet du rôle de Kanye en tant que producteur éxecutif… La distribution d’informations et de matériel audio maintenait savamment le suspens, pour au final faire le coup de la « sortie surprise » juste au moment où l’on s’y attendait le moins.

Etrangement je l’attendais ce ANTI comme si j’avais subi un lavage de cerveau orchestré par l’équipe de comm’ de Roc Nation. Au point que j’ai téléchargé sans réfléchir son album qui était gratuit le jour de son lancement, une opération commanditée avec la plateforme Tidal de Jay-Z pour récupérer un max d’adresses email (et d’abonnements) et décrocher sans forcer une certification platine par la RIAA (tiens ça ne vous rappelle pas le lancement de Magna Carta Holy Grail avec Samsung?). Et donc je l’ai écouté… sans avoir eu besoin de prendre un cacheton de Doliprane. À ma grande surprise, j’ai bien aimé. Cet album est un bon anti…diarrhéique. Y a-t-il une raison à ce sentiment positif? Peut-être une, rationnelle, l’omniprésence de Kuk Harrell, un auteur proche de The-Dream, sorte de prof de chant de luxe pour grands artistes depuis plus de vingt ans. Pour changer les habitudes, ce sera une chronique morceau par morceau, où vous remarquerez bien vite que les singles « FourFiveSeconds » et « BBHMM » ont été rayés.

1. « Consideration » : caisses tronquées, un air sybillin sur une ligne de basses espiègle, la voix abracadabrante de SZA (la chanteuse de chez TDE), ce premier morceau de ANTI dégage une atmosphère ensorcelante finement dark et mystérieuse qui me donne envie de connaître la suite.

2. « James Joint » : Un interlude Nusoul aux influences motowniennes conçu par Shea Taylor (artiste de l’ombre derrière des succès pour Beyoncé et Frank Ocean) et co-écrit par James Fauntleroy, hé bien cela glisse tout seul, un véritable petit plaisir. Ah si seulement ce morceau existait en version longue…!

3. « Kiss It Better » : alerte ‘futur tube radio’ (s’il est sélectionné comme single). Un habile mélange de new-wave et électro-rock passé à la trap (music) produit par Jeff Bhasker, un texte d’amour rebelle co-écrit par la chanteuse anglaise Natalia Kills, en somme un morceau pop efficace et contemporain taillé sur-mesure pour Rihanna.

4. « Work » : alors ce premier single, est-ce du dancehall ou de la house tropicale. Dans les cas il s’agit d’un pur produit OVO Sound conçu et co-écrit par PARTYNEXTDOOR, Boi-1da, Noah « 40 » Shebib (plus Allen Ritter), avec un couplet de son ex-toy boy Drake. Rihanna efface les consonnes et certaines syllabes comme les trappeurs en vogue (Future, Young Thug…) sur cette chanson douce et sucrée.

5. « Desperado » : Logiquement, avec un intitulé pareil, on pouvait s’imaginer une ambiance bluesy qui nous plonge dans une grande contrée désertique. C’est presque ça, une nappe d’électro et un beat moderne s’ajoutent sur cette chanson panoramique réalisée par Mick Shultz (un proche collaborateur de Jeremih).

6. « Woo » : le brillant technicien de la pro rap Hit-Boy a travaillé main dans la main avec Travis Scott sur ce beat relativement dur au schéma répétitif. L’influence de Travis est tellement prenante qu’on pourrait penser qu’il s’agit d’un morceau à lui interprété par Rihanna, avec ces « woowoOooo » à l’autotune chanté comme si une flûte était coincée en travers de la gorge.

7. « Needed Me » : un autre exemple de chanson pop urbaine réussie laissée entre dix mains (celles de DJ Mustard, des Twice as Nice et Frank Dukes). Ça fait beaucoup de monde pour un morceau de trois minutes pouvant paraître équivoque par rapport aux autres pistes de ANTI.

8. « Yeah, I Said It » : on identifie immédiatement la mélodie mélancolique de Timbaland. On préfère la touche r&b de notre super-producteur préféré que celle trop aseptisée de ses secondes mains comme Danjahandz. Bon mariage. Merci aux Bourelly pour la plume!

9. « Same Ol’ Mistakes » : Une pop psychédélique et enivrante quasi divine, pas de doute, il s’agit bien d’une reprise des australiens de Tame Impala. Six minutes magiques dont le nombre d’écoutes en boucle sera un indicateur de votre addiction. Vous êtes contres? Parce qu’il ne fallait pas toucher à l’original? Blâmez Kevin Parker d’avoir dit « oui ».

10. « Never Ending » : Ce 10e titre change de registre (et ce sera le cas des trois dernières chansons), quitte à trancher avec le reste de ANTI. Que dire à part qu’il s’agit d’une banale ballade à la guitare sèche au parfum de rose séchée. Impersonnel mais bien éxecuté, donc rien de franchement négatif à redire.

11. « Love On The Brain » : Non seulement Rihanna a pris le parti de délaisser les dancefloors mais en plus elle ose mettre les pieds là où on ne l’attend pas : dans la pop/soul vintage. Il est sûrement un peu tardif pour se mettre dans un genre qui a connu un étonnant regain d’intérêt autour des années 2010 mais, encore plus étonnant, semble toujours en vogue. La preuve.

12. « Higher » : Après la mode rétro, Rihanna passe au niveau supérieur (c’est écrit dessus) avec cette chanson aux influences gospel produite par No I.D.. La chanteuse montre qu’elle a du coffre, ce qui peut avoir le don de casser les oreilles, à moins de penser qu’elle n’en fait pas trop. En tout cas Riri est montée là où personne n’osait y croire venant de notre chanteuse-interprète. Bel effort.

13. « Close To You » : Vous avez aimé « Stay« ? Vous allez adorer « Close To You« . Cliché de la très classique ballade triste au piano qui sert à mettre en valeur les moments Kleenex des émissions de télé.

Ma conclusion très personnelle : Je n’en reviens toujours pas d’être si satisfait par cet album qui m’est bien agréable, bien que trop classique et hors-sujet sur la fin, mais qui a le mérite de se lancer dans des registres assez inattendus de sa part. Il y a une autre raison rationnelle à cela : il n’y a aucun tube dance sur ANTI. Désolé pour vous les DJs, pas de Rihanna au menu! Mais il subsiste encore et toujours cette question cruciale : à quand un album « d’elle »?

Un commentaire Ajouter un commentaire

  1. Wendou dit :

    OUI ! Voilà ce que je peux dire concernant cet article. Tout pareil.
    Franchement surprise par cet album. Comme toi je n’en ai écouté aucun d’elle auparavant. Rihanna était (est) juste une belle gueule pour moi, avec de très bons visuels. Mais sa crédibilité en tant qu’artiste que je pourrais apprécier se confirme, on sent qu’elle a fait « ce qu’elle avait envie de faire « . Et c’est plutôt cool

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