Le responsable du meilleur démarrage dans les charts américains catégorie album indépendant avec Blue Slide Park négocie le virage compliqué du second album. Les auditeurs, qui l’attendaient au tournant, auraient pu croire à raison que Mac Miller s’orienterait vers des choix plus faciles et mainstream pour Watching Movies With The Sound Off (Rostrum Records). Mais en fait pas du tout. Le rappeur de Pittsburgh a pris le contre-pied et le rendu lui convient plutôt bien à condition d’avoir du café avant.
Assis nu à une table dans un décor épuré de catalogue déco le sticker ‘Parental Advisory’ subtilement placé sur les parties génitales, Mac Miller s’amuse à raviver les vieux clichés sur les rappeurs blancs qui se la jouent provoc’. Ou comment nous emmener sur une fausse piste. Le véritable indice sur le contenu de cet opus est ce choix d’avoir pris un beat glitch-hop de Flying Lotus pour son single « S.D.S.« . Fallait oser. Sinon, il faut s’appeler Blu. La prise de risque ne s’arrête pas là puisque Mac Miller produit la plupart des morceaux sous son alias Larry Fisherman. Le truc est de ne pas chercher à faire le distingo entre son rap et la prod puisque ça fonctionne ensemble (l’intro « The Star Room« , « Watching Movies« , « Supplexes inside of Complexes and Duplexes« ,…), puis si on se focalise trop sur le style de rap franchement particulier de Mac Miller, on risque de s’endormir comme sur « I’m not real« , reflet flou d’un morceau rap enregistré dans un monde parallèle en compagnie de Earl Sweatshirt et Tyler the Creator.
L’esthétique un peu ronflante de cet album est, force est de constater, très recherchée. Notre ex-rookie tient à obtenir une empreinte sonore qui soit la sienne, au même titre qu’un Drake ou Kendrick Lamar. Outre les instrus de sa propre fabrication et les ID Labs, Mac Miller a collaboré avec Pharrell Williams sur le planant « Objects in the Mirror« , Chuck Inglish, SAP, Tyler… Il a été jusqu’à chercher des samples d’artistes indie comme tUnE-yArDs et the XX (sur respectivement « Aquarium » et « REMember« ). L’ambiance paraît un brin surréaliste, comme se réveiller mollement la tête entre les fesses après avoir fait la fête, bu, fumé, sniffé et dragué des filles toute la nuit voire plus si affinité, prêt à recommencer. Et qui dit fête dit potes, et il les choisit bien : Ab-Soul et Schoolboy Q (sur le très déplacé « Gees« ), les deux Odd Future qu’on a vu, Action Bronson (dont la présence dans le rap game devient proportionnelle à son tour de rein), et ô surprise, Jay Electronica sur le titre à rallonge plein de mots compliqués (« Supplexes inside of Complexes and Duplexes« ). C’est que Mac Miller utilise un vocabulaire peu commun dans le rap n’est-ce-pas.
Le défaut majeur de ce disque est qu’il déraille de la ligne de blanche vers la fin (de « Remember« , à « Youforia« ), une dernière partie à la fois soporifique et illuminée, comme si Miller a fait un bad trip devant la comédie musicale Hair. Puis un sursaut lorsque démarre la prod de Diplo sur « Goozebumps » suivi de « OK » feat Tyler the Creator, tout de suite le disque devient plus rythmé, à condition d’avoir opté pour la version deluxe… Sinon il faut revenir à « Bird Call » avec son beat typé old school.
Watching Movies With the Sound Off est très différent de son premier disque Blue Slide Park, produit majoritairement par ID Labs et Ritz Reynolds, rien à voir non plus avec sa mixtape Macadelic diffusée l’année dernière. Le tableau est loin d’être parfait et on ne vous en voudra pas si vous décrochez à cause de la platitude de certaines tracks. Il n’en demeure pas moins que Mac Miller a réalisé un album relativement expérimental, stylé, et pris des risques pour converser son originalité, comme un vrai rappeur indépendant.
Meilleur que Born Sinner
Beaucoup de filler tracks quand même, c’est dommage, et son flow se rapproche à certains moments de celui d’Earl Sweatshirt, sinon, très bien produit cet album…
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