Sentant l’heure bientôt venir après une carrière d’un quart de siècle qui les a mené d’une cassette concept au pied des pyramides en 2008, IAM sonne une dernière charge avec Arts Martiens. Le légendaire groupe de rap phocéen signe ce sixième album chez la filiale française de Def Jam. Dans la mesure où Akhenaton a côtoyé les responsables du légendaire label américain à la fin des années 80, on peut considérer que la boucle est bouclée.
Un état d’esprit intact
Dès le premier des 17 morceaux, « Spartiat Spirit« , Shurik’N et Akhenaton justifient l’existence d’ « Arts Martiens » : ils ont ressorti la tenue de combat parce que c’était à la fois une nécessité et un devoir. Il fallait qu’ils se remettent en selle pour un ultime assaut, vaille que vaille. « Nos convictions nous poussent, la technique fait le reste ». C’est dans cet état d’esprit guerrier qu’a été enregistré l’album, en portant ce message: IAM est toujours debout.
Leur éthique et leur passion pour le hip-hop n’ont pas terni avec le temps qui passe, le chemin parcouru en 25 ans et une seconde génération de rappeurs qui n’ont pas les épaules pour reprendre le flambeau (« Les raisons de la colère« ). Musicalement, l’architecte Imhotep est au sommet de son art, avec des productions solides, pas à la mode (toujours ces superbes samples orientaux) mais indéniablement dans l’air du temps, ce qui ne l’empêche pas d’être suppléé par FAF Larage, le frère de Shurik’N, ou d’autres nouveaux (Dance,…). DJ Kheops s’assure des dialogues d’intro et des refrains scratchés, sa grande spécialité. Il manque Freeman, qui a quitté le groupe l’été 2008. Manque-t-il réellement? D’un certain point de vue, non, n’oublions pas que tant qu’il s’appelait Malek Sultan, il était danseur et était préposé aux interludes, Freeman n’a commencé officiellement qu’avec son couplet sur « Un bon son brut pour les truands » sur l’Ecole du Micro d’Argent. C’est comme si on en revenait alors aux rôles initiaux : 2 MCs, 1 producteur principal et un DJ(-producteur). Curieusement, même en essayant d’écouter entre les lignes, difficile de trouver une phrase d’AKH ou de Shurik’N au sujet de ce divorce. D’un autre côté, les efforts et leur volonté qu’ils affichent se confrontent à celle de Freeman qui a tenté de les discréditer à ce sujet.
Toujours est-il que leur état d’esprit hip-hop est inflexible et malgré un mouvement qui patauge, IAM continue de s’enflammer sur des titres comme « Marvel » et « Debout les braves« . Attention, les Impariel Asiastic Men ne sont pas devenus des Expendables, une bande de vieux roublards prêts à tout faire sauter. De leurs expériences et leur expérience, ils disposent d’un recul avantageux dans l’écriture de fictions (« Sombres manoeuvres/manoeuvres sombres » où un règlement de compte est décrit de deux points de vue opposés) ou de récits extrêmement réalistes comme « Habitude« , sur lequel ils se mettent dans la peau d’un SDF. La manière dont ils décrivent également leur bonne vieille ville de Marseille sur « Notre Dame veille » fait froid dans le dos. Et l’allégorie de la relation entre AKH et Shurik’N en samouraïs « Benkei & Minamoto » (qui ne sont pas des personnages de Naruto hein) est très belle, presque touchante.
Trop vieux?
C’est évidemment la question que l’on peut se poser. De par leur ancienneté et parce qu’ils étaient parmi les premiers à se lancer dans la musique rap en France, les auteurs de la Bible rap français avec L’Ecole du Micro d’Argent et constructeur d’un obscur empire à la fin des années 2000 dans tout le sud du pays sont logiquement les plus expérimentés de tous, pour ne pas dire âgés en tant que groupe. Leurs ennemis de toujours les NTM sont hors-jeu puisqu’en dehors d’une tournée triomphale, le duo de Seine-Saint-Denis n’est finalement pas retourné enregistrer d’album. De fait, IAM est le premier groupe de rap a avoir sorti un disque après avoir passé collectivement le cap de la quarantaine en tant qu’individus.
Il est vrai que depuis Revoir un Printemps, le groupe de la planète Mars s’est fait taxer de ‘rap pour pères/mères de famille’, et depuis leur fougue a diminué et leur discours totalement assagi. « Les raisons de la colère » n’a rien de virulent pour ce qui est de reproches implicites dirigés envers tout ceux qui font du rap sans que c’en soit un sacerdoce, ça manque de gnaque, ça aurait mérité une belle fessée. Avec l’âge vient la nostalgie et de l’amertume, dont les relents sont omniprésents le long de l’album, notamment sur « Après la fête« , du vécu simplement, comme un film qui repasse le passage à la vie adulte. Les deux rappeurs regardent derrière eux du haut de leur pyramide leur parcours, se questionnent sur leurs choix… et ressortent de sempiternels sujets du tiroir comme la « Misère » personnifiée ou incarnée par un clochard dans « Habitude« . Sur le plan politique, il y a cette petite pichenette à Jean-François Copé sur « Pain au chocolat« , histoire de retourner la polémique contre lui. Une autre critique, Marseille est moins représentée qu’auparavant, hormis sur « Notre Dame veille« . A une période où la scène rap phocéenne s’éteint dramatiquement, une nouvelle étincelle d’espoir plutôt que le feu des kalashnikovs aurait été le bienvenu.
Mais c’est aussi le temps qui veut ça, ces sujets qu’ils évoquent et qui représentent leur réalité en tant que vétérans du mouvement en France. Les IAM ont mis dans leur « Dernier coup d’éclat » tout le poids de leur renommée, comme en laissant une phrase lourde de sens par des points de suspension…
Je trouve un @@@½ un peu sévère vu la qualité de l’album par rapport au paysage du Hip-Hop français à l’heure actuelle!
Certes on est encore loin de l’école du micro d’argent, mais l’album possède une vraie force, de superbes instrus (presque toutes), un bon flow caracteristiques d’IAM et des paroles censées.
Mon Top 3: Benkei et Minamoto, Habitudes et sombres maneuvres
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