Comme l’indique le chiffre dans le titre C4C, abréviation de Cancer for Cure, il s’agit du 4e LP d’El-Producto, dont la pochette arbore une nouvelle fois un phoenix. L’oiseau rare a du sens : il symbolise la nouvelle renaissance du rappeur/producteur phare de la scène hip-hop alternative, celle marquant l’après fermeture de son écurie Def Jux. Donc l’arrivée ce nouvel album fut longue, très longue même, mais c’était pour mieux créer un véritable séisme auditif dans nos playlists.
Comme la musique rap changeait de climat, en devenant plus globalement plus soft au fil des années, Cancer For Cure nous rappelle à quel point la musique hip-hop peut être violente et imprévisible, telle une catastrophe naturelle qui n’était pas survenue depuis suffisamment longtemps pour qu’on en oublie petit à petit les dégâts que cela puisse causer. El-P fait partie de ces physiciens du beat. Sa musique comme ses textes sont à son image, sombre, pesante, aussi accessible qu’une personne dépressive voire psychopathe. C4C ne possède pas de couleurs, ni de mélodies ou de musicalité apparente, nos tympans sont lourdement martelés par une harmonie de sonorités et de beats électro-punk-industriel aux nombreuses références rap old school (« The Full Retard« , « Tougher Colder Killer » suivi de « True Story« ). De l’indie-rock aussi, spécifiquement sur « Stay Down » (feat Nick Diamonds), « $ Vic » et « Works Every Time » (feat Paul Banks).
J’emploie plus haut le terme de physicien car du chao, El-P génère des ondes gravitationnelles qui font trembler la surface depuis le ventre de l’underground. Ses instrumentaux sont changeants, ils ne terminent jamais comme ils commencent (« Drones Over Brooklyn » et sa longue outro monumentale, « Works Every Time« , « Tougher Colder Killer« ) mais il parvient à donner une continuité à C4C sur sa durée, en plus d’une consistance solide. Ses lyrics hardcore et souvent métaphoriques s’enchaînent comme des formules incantatoires qui demandent pas mal de réflexions quant à leur sens. Sur le plan du MCing, il est rejoint par d’autres collaborateurs comme Mr MotherFucking Exquire (un vrai bulldozer, de la même trempe qu’un R.A. The Rugged Man) et le zinzin Danny Brown (tous deux sur la bombe « Oh Hail No« ), Killer Mike pour qui il a entièrement produit le monstrueux R.A.P. Music, Despot,…
En comptant R.A.P. Music de Killer Mike qui a précédé Cancer4Cure d’une semaine aux US, El-P peut se targuer de classer deux albums direct dans le top 10 des meilleures sorties rap de 2012, même si on en n’est qu’à la moitié de l’année.
J’ai kiffé R.A.P. Music avec Killer Mike – les prods étaient monstrueuses – mais alors ce C4C ça ne m’a pas marqué tant que ça
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