Ça a l’air de pas grand chose mais Villa Manifesto LP était à mon avis l’une des cuvées hip-hop les plus importantes et les plus incontournables de 2010. Et ce pour une raison: cet ultime album regroupe toute la famille Slum Village, c’est-à-dire T3, Elzhi, Baatin et J Dilla, puis son jeune frère Illa J et le beatmaker Young RJ.
La famille s’est agrandie depuis le classique Soulquarian Fan-Tas-Tic vol.2 malgré des départs, des remplacements et des décès. Elzhi et les BR Gunna (RJ et Black Milk) sont venus suppléer Dilla respectivement au mic et à la production sur Trinity. Puis Baatin s’est désolidarisé du noyau pendant Detroit Deli et leur LP éponyme car il souffrait de schizophrénie. L’histoire, après, on la connaît, l’hécatombe qu’a vécu les Slum V comme la perte infiniment lourde de J Dilla et celle de Baatin en 2009, année où est sorti l’excellent EP Villa Manifesto qui fait office de prélude à ce long format.
Villa Manifesto n’est pas le testament du groupe de Detroit, c’est la synthèse de leurs expériences, dans la vie comme dans la musique, avec tous les éléments des Slum Village réunis, qu’ils fassent partie de la formation initiale, même les disparus (RIP Baatin et J Dilla), ou qu’ils gravitent autour d’eux depuis plus de dix ans (Dwele, AB, Illa J, Waajeed…).
En entrée, les Slum Village ont opté pour un beat qui claque produit par Khrysis et des scratches de DJ Babu pour offrir aux amoureux de hip-hop ce qu’ils veulent entendre, ce qu’il savent faire de mieux. La doublette Elzhi et T3 sont en charge de l’ouverture et le résultat est explosif. Et ce n’est que le premier ceau-mor. Ce qui suit tient du ‘classic level’ avec « Lock It Down » : un beat ‘raw’ de Dilla, et la réintégration dans la formation de Baatin comme s’il n’était jamais parti. Il suffit de quelques rimes pour l’apercevoir comme un élément indispensable. Sa voix et son débit particulier ont terriblement manqué sur les précédents opus. Maintenant il n’est plus et c’est encore plus terrible. C’est comme le couplet de J Dilla qui débute « Scheming », une rencontre incroyable avec Posdnuous, représentant les De La Soul, et Phife Dawg, représentent les Tribe Called Quest. Formidable titre.
Le beat dément de « Earl Flinn » a déjà servi. Madlib, une fois encore, réutilise un instru fétiche. Mais sincèrement ce n’est pas un défaut, ni une faute de goût, que les SV démontent le « Drinks Up! » de leurs voisins de quartier Frank-N-Dank. Sur l’album figure un autre titre tribal, « Um Um », qui révèle la rappeuse Keys. La présence des Little Brother sur le très bon « Where Do We Go From Here » est d’un certain angle symbolique car le groupe de Duerham, comme les SV, ont décidé de mettre un terme à leurs aventures rapologiques. Enfin ça, l’avenir le dira.
Dans la pure des traditions des Slum Village, on compte des tracks qui parlent de couples, de filles, à commencer par le single sophistiqué et léger « Faster » avec le chanteur canadien Colin Munroe (qui canalise sa voix par d’autres moyens que l’autotune). Denaun Porter de son côté produit une chanson nu-soul hop divinement smooth en compagnie de Dwele, « Don’t Fight The Feeling ». Au moment où rappe Baatin, on pense immédiatement à « Climax », les vibes entre ces deux titres sont proches. Dans la seconde partie de cette piste se trouve l’outro instrumentale « Daylight » produite par T3, Waajeed (Platinum Pied Pipers) et DJ Dez. « Dance » featuring AB, produit par Dave West (des De La), perpétue la lignée des tracks aux influences disco du groupe, avec un soupçon d’ambiance Native Tongue à l’ancienne.
Il y a cette émotion permanente que je ressens le long de Villa Manifesto et que j’ai du mal à définir. Sûrement parce qu’entendre le flow et les lyrics de tous les membres des Slum Village procure un bonheur qui nous suspend dans le temps. Et les photos de famille dans le livret… Je garde à l’esprit les morceaux tels que « 2000 Beyond » avec une autre apparition de J Dilla, « The Set-Up » sur une prod d’Hi-Tek, « The Reunion pt 2 » avec Illa J, « Scheming », « Lock It Down » et le finish « We’ll Show You » sur une base instrumentale de Dilla… qui font les charpentes de la maison Slum Village.
Cet album est merveilleusement bien construit et pensé, écrit et produit, avec l’âme et le coeur, pour moi leur meilleur LP depuis Fan-Tas-Tic vol.2. Il manquait peut-être juste un apport de Black Milk pour compléter la réunion plus qu’elle ne l’est. Ça ne change rien au fait que je range Villa Manifesto parmi le top5 des meilleurs sorties hip-hop de 2010.
Chronique enjoué… ça fait plaisir, et ça rassure. Qui écoute encore ce rap de nos jours? J’ai l’impression d’être un dinosaure…
En tout cas, pour ma part j’irai même plus loin, cet album fait jeu égal avec le mythique Fantastic Vol2. En terme de prod, de complémentarité entre les Mc’s, de flow, je pense que Villa Manifesto est peut être même au dessus, et je dis ça avec un peu de recul. Je possède l’album depuis un bon moment, donc j’ai passé le « Oh c’est le meilleur album de tous les temps » qui va avec chaque nouvel album de bon rap.
Merci à vous, super site. Bonne continuation
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merci! content de voir qu’il y a d’autres personnes comme ça aussi lol
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